Être un parent orphelin de père

Quand j’étais enfant, tout ce que je voulais, c’était avoir un jour ma propre famille. Et aussi ma carrière.

Voyant les conditions dans lesquelles ma mère nous élevait (pauvreté, aide sociale avec des fins de mois difficiles, drogues, alcool, négligence, et j’en passe), je me disais que lorsque j’aurais des enfants, ils ne manqueraient de rien. Et surtout pas d’un père.

Mes sœurs avaient leur père, moi non. Moi, j’avais des oncles ou les chums de ma mère. Les deux seules figures paternelles que j’ai eues un certain temps dans ma vie ont été le père de mes sœurs (bien qu’il me traitât comme sa propre fille à plusieurs égards, il n’en restait pas moins le père de mes sœurs) et le mari de ma tante. Les deux sont morts alors que j’étais adolescente et ont fait partie de ma vie par intermittence, selon la bonne ou la mauvaise volonté de ma mère.

Donc, quand j’ai appris que j’étais enceinte, je tenais à ce que cet enfant ait son père. Par contre, je pensais qu’il fuirait comme le mien, d’autant plus qu’il n’arrêtait pas de dire qu’il ne voulait pas d’enfants!

Deux enfants (garçons) et quinze années plus tard, leur père est toujours là, et ils ont une belle complicité.

La difficulté, quand tu viens d’une famille de femmes indépendantes qui ont toujours clamé haut et fort qu’elles n’avaient pas besoin d’hommes dans leur vie, c’est de laisser la place à cet homme et de le laisser gérer quand il le faut. Par exemple, pour ce qui est de la discipline, ça a pris quelque temps avant que je sois d’accord avec sa façon de faire… qui somme toute, fonctionne bien!

Aussi, voir l’aspect masculin qui peut parfois être plus rude, entre gars surtout, alors que je n’ai pas vraiment eu de repères, c’est plutôt déconcertant. J’ai bien vu mes cousins et leur père se «tirailler». Parfois, je trouvais que ce dernier jouait de façon un peu trop raide à mon goût, mais c’était encore l’époque où le jeune devait devenir un «vrai homme»… donc encore là, est-ce que c’est toujours valide ou d’actualité? Est-ce que, si j’avais eu un père, j’aurais pu comprendre cet aspect chez l’homme, pour avoir passé toute ma vie auprès de mon père? Je me pose souvent la question…

Mes enfants ont toutefois deux grands-pères, les parents de mon conjoint s’étant remariés (ce qui est mieux que rien, j’en suis tout de même consciente). Par contre, ils ne connaîtront pas l’héritage et le bagage que mon père aurait pu leur transmettre et souvent, c’est difficile à accepter. Mon père était grec et j’aurais aimé, au même titre que mes enfants sûrement, connaître cet aspect de ma culture.

Je sais qu’on peut aussi choisir sa famille et se constituer un modèle familial avec des personnes et des amis de toutes les générations qui sauront influencer nos enfants au même titre qu’un vrai grand-papa, ou qu’un père pour moi. Malgré tout, le vide est bel et bien présent…

 

Karinne Bouchard



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