#MeToo

Vous avez sûrement remarqué les nombreux #MeToo (#MoiAussi) qui inondent les réseaux sociaux actuellement… Il s’agit d’une campagne dénonciatrice pour toutes celles qui ont été victimes d’agression sexuelle, et une vague immense de solidarité de la part de tous ceux qui soutiennent les victimes.

Pourquoi écrire « moi aussi » ? Et bien parce que ces deux petits mots, mis ensemble, en révèlent déjà beaucoup… Je ne peux pas parler pour toutes les victimes, et je n’ose pas imaginer toutes les atrocités dont l’homme peut être capable… Si cela fait encore de lui un homme. Mais je peux raconter l’histoire d’une adolescente qui s’est tue pendant presque quinze ans.

Aujourd’hui, je suis forte, assumée et articulée. Je défends mes droits, je m’assume et je crie haut et fort ce en quoi je crois. Je pense que je fais jaillir cette force dans tout ce que je fais aujourd’hui, parce que je n’ai pas su être forte ce jour-là.

Cet homme… je n’aurais pas dû lui faire confiance. Je n’aurais pas dû le suivre. Je n’aurais pas dû l’écouter, et encore moins le croire. Je me suis répété pendant des années que JE n’aurais pas dû… Ironique, non ? Parce que oui, c’est peut-être cliché, mais c’est atrocement vrai à quel point on se sent coupable en tant que victime.

Une seule fois, j’ai tenté de raconter à ma mère ce qu’il m’avait fait, dans ce coin sombre d’un pays étranger. Elle a vite conclu que comme j’avais su m’enfuir, et qu’il n’avait pas « été jusqu’au bout », c’était à moi de me relever la tête haute, de sourire et d’oublier. C’est textuellement ce qu’elle m’a dit ce jour-là.

J’aurais aimé, maman, pouvoir mieux t’expliquer. J’aurais aimé savoir trouver les mots pour te montrer ce qu’il avait brisé en moi. Parce que du haut de mes quatorze ans, je n’ai pas trouvé les mots… JE n’avais pas su me protéger, et JE n’arrivais pas à me justifier…

J’ai encore le souvenir de ses mains immenses qui me tiennent les poignets. J’aurai toujours la sensation de ses doigts sur mon corps, quand il a détaché mon soutien-gorge et passé ses horribles mains partout sur moi. J’écris ces lignes et je sens encore sa langue sale et gluante forcer mes lèvres. J’ai fait des cauchemars, toutes les nuits, imaginant qu’il pouvait traverser l’océan et forcer ma chambre. Je l’ai vu, devant moi, chaque matin où j’ai ouvert les yeux en sursautant. J’ai senti son odeur immonde sur chaque homme qui m’approchait. Je me suis empêchée de manger parce que tout avait un goût d’amertume et de honte.

Je me suis aussi ouverte à plusieurs hommes ensuite, parce qu’en fait, je n’avais plus rien à perdre… ni dignité ni valeur.

Puis un jour, un homme est entré dans ma vie. Il a été doux, compréhensif et patient par-dessus tout… Les semaines, les mois et les années ont passé. Ça m’a pris trois ans avant de recommencer à manger normalement… Ça m’a pris trois ans avant de pouvoir regarder dehors et trouver qu’un paysage était beau, tout simplement. Ça m’a pris trois ans avant de sentir à nouveau l’odeur des fleurs, sans arrière-goût âcre ni amertume.

Maman, j’ai tenté de sourire, je te le promets. Mais je n’ai pas réussi à oublier. Je suis désolée, ça doit être de ma faute, ça aussi.

Aujourd’hui, j’ai aussi tapé un « #MeToo » sur un petit écran. Et ces deux petits mots que je vois défiler partout me font me sentir moins seule… Un jour, je pourrai marcher dehors, dans le noir, sans me sentir totalement affolée. Sans avoir l’impression que le monde entier peut faire ce qu’il veut de moi… Une autre partie de moi a encore peur. Peur de voir que si les partages et les #metoo sont si nombreux, c’est que cette société a encore beaucoup à apprendre.

Montrons à nos filles à dénoncer, à crier et à se battre. Apprenons à nos futurs hommes l’égalité, le respect et la dignité. Enseignons à cette société que le combat n’est pas fini.

Eva Staire



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