Ma gang de malades

C’est une sensation étrange ces jours‑ci que d’aller dans un commerce américain. Que ce soit Costco, Target, Walmart ou l’épicerie du coin, des étagères sont vides. Au pays de la démesure, même au fin fond du Nouveau-Mexique, une folie passagère germophobe a pris le contrôle des étalages : on ne trouve plus de lingettes désinfectantes. Dans plusieurs commerces, on peine aussi à trouver du savon à mains, de l’eau embouteillée et du papier de toilette. Et ce n’est pas juste ici : des Australiennes ont fait la manchette il y a quelques jours pour s’être querellées afin de déterminer qui aurait le privilège d’acheter du papier de toilette.

Alors que la saison de la grippe bat son plein, c’est une autre bibitte qui fait la une : le coronavirus (COVID-19).

Ce qui est un peu ridicule dans cette situation est que, malgré toute cette attention médiatique, chez l’adulte en santé, les symptômes du coronavirus sont similaires à un rhume. Oui, c’est dramatique un bateau de croisière en quarantaine, mais en réalité (et ce qui ne fera pas la une aux nouvelles), nous serons des milliers à avoir contracté le COVID-19 sans le savoir. Alors, soyons responsables et limitons les occasions de contaminer les autres.

Cette crise illustre aussi quelques faits déroutants qui semblent indiquer que pour certaines personnes, la survie personnelle est aux dépens de l’autre.

Cette compulsion d’accumulation et de surconsommation fait peine à voir. Ça te donne quoi de désinfecter ton bureau au travail et tes poignées de porte trois fois par jour avec ta douzaine de caisses de lingettes désinfectantes accumulées au détriment de ton voisin si celui‑ci n’a pas de savon pour se laver les mains? Est‑ce que tu te sens mieux avec tes 2 000 rouleaux de papier de toilette accumulés dans ton garage?

Est‑ce que ce sont les mêmes personnes qui se présentent au travail en toussant et avec une fièvre parce qu’elles ne veulent pas utiliser leurs journées de congé? Ces personnes sont‑elles différentes des trois passagers sur mon vol des États-Unis à destination de Montréal dernièrement qui, après avoir entendu l’équipage partager un message expliquant les symptômes à déclaration obligatoire à la douane canadienne, ont immédiatement cessé de tousser?

Je me suis demandé si ces voyageurs avaient des attentes différentes quand il était question d’être eux-mêmes exposés à la maladie de quelqu’un d’autre. Ne serait‑il toutefois pas irraisonnable de demander à quelqu’un qui ne sait pas s’il est contagieux de s’abstenir de prendre l’avion? Je n’ai pas de réponse à vous offrir, mais l’arrêt soudain de la toux après le message de l’équipage me laisse croire que ce qui était primordial pour eux était de passer sous le radar des douanes.

Cette peur de la maladie a non seulement engendré une pénurie artificielle en magasin et une augmentation indécente des prix en ligne, elle exacerbe la propension humaine à élaborer des théories du complot. Le virus a été créé en laboratoire! Le gouvernement cache la vérité! Fake news! Les Chinois ont fait exprès!

Ah, les Chinois. Plusieurs situations ont été reportées où des actes haineux ont été transmis envers des Asiatiques, perçus par certains comme responsables de la maladie. Des attaques dans les transports en commun, des messages d’intimidation, des billets d’opinion, etc. On a toujours une bonne raison pour pointer du doigt.

On n’a qu’à porter attention au mouvement survivaliste et à l’offre grandissante d’ensembles de nourriture sèche destinés à affronter les catastrophes naturelles pour comprendre que l’homo sapiens est obsédé par sa survie. D’un point de vue biologique, ça se comprend. N’est-il pas naturel pour toute forme de vie d’assurer sa subsistance et sa survie?

Mais de là à accumuler dans ton garage une douzaine de caisses de lingettes désinfectantes et tout le papier de toilette que tu as pu trouver, Bob? Vraiment?

Ceci dit, comme pour la grippe saisonnière, il est recommandé de prendre des précautions et d’être attentif à la maladie dans les situations où vous pourriez exposer une personne immunodéprimée ou au système immunitaire affaibli. Si tu ne te sens pas bien, laisse faire Dr Google ; va voir ton médecin et reste à la maison.

Pour plus d’information sur le coronavirus, je vous invite à consulter : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/2019-nouveau-coronavirus.html

Note de l’auteure : Depuis l’écriture de ce texte, la gouverneure de l’état du Nouveau-Mexique et le président des États-Unis ont déclaré l’état d’urgence. Les écoles sont fermées pour une période de trois semaines et les étagères des épiceries sont vides dans tous les départements (denrées non périssables, produits ménagers, produits frais, boucherie, etc.).

Genevieve Brown



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