Histoire de cœurs
Je t’observe dans la pénombre de ta chambre d’hôpital. Tu es raccrochée aux soins intensifs par des câbles qui font parler ton cœur. Le physique, du moins. Le cœur émotif, lui, on s’en occupera demain. Quand on saura si tu as passé la nuit. Pour l’instant, ce qu’on sait, c’est que les deux sont amochés.
Toute la nuit, les infirmières viendront prendre tes constantes, vérifier tes signes vitaux, ajuster ton soluté. Moi, je suis responsable de ta main, de la caresse sur ta joue. Jusqu’au lendemain, un agent de sécurité sera assis près de la porte. Le protocole. L’ironie d’être dans une chambre décorée de bonshommes Lego qui se veut joyeuse, alors que la situation est grave. On aurait pu te perdre.
On me demandera comment je me sens, comment je fais pour ne pas paniquer. Je répondrai que je sais que tu es entre bonnes mains. Que tu avais, que tu as et que tu continueras d’avoir toutes les ressources nécessaires pour te garder en sécurité. Pour t’aider à remonter la pente. Que je sais que le choix te revient, et que tu sais que je suis là pour toi.
Que puis-je faire de plus? De différent? Tout cacher dans un coffre-fort, des prescriptions aux couteaux, des cordons de stores aux voitures dans la rue? Consacrer chaque minute de chaque nuit à te surveiller, pour être certaine… Même quand tu étais bébé, je ne le faisais pas. Je te faisais confiance, et ça n’a pas changé. Tu feras les bons choix, tu feras tes choix.
Je t’observe dans la pénombre de ta chambre d’hôpital. Tes lèvres sont aussi pâles que tes draps. Les machines sonnent l’alerte, tu trembles de tout ton être. Un tremblement par en dedans. Tu combats. Comme tu l’as toujours fait. Comme tu le feras encore. Avec moi.
Eva Staire