Je suis infidèle

Nenon, je ne couche pas à gauche et à droite. Nenon, je n’ai pas un nouvel homme dans mon lit chaque soir que la lune apporte. Mais avec le temps, je suis devenue infidèle… en amitié ! Tout en étant une amie très fidèle…

Depuis l’enfance, j’ai la réputation d’être une amie très têtue. Du genre qui rappelle chaque année pour prendre des nouvelles même quand les nouvelles ne viennent pas d’elles-mêmes. Du genre qui s’organise pour te voir même si tout semble si désorganisé, dans ta vie comme dans la mienne. Du genre qui est là pour toi, peu importe la distance géographique et temporelle qui nous sépare. Tant que tu ne me dis pas de quitter ta vie, j’y garde un pied à terre. Et même si tu me dis de quitter ta vie, tu gardes un petit coin douillet dans la mienne. Au cas où tu aurais le goût d’y revenir, le temps d’un souper ou d’un pardon.

Je te le dis : fidèle comme dans « chien fidèle ». Lassi, c’est mon deuxième prénom.

Puis, en observant mes garçons au parc, je me suis dit qu’il était temps de modifier mon schéma relationnel. Pas de tout balayer, mais d’enrichir l’expérience.

Eux, ils se pointent au bas d’une glissade et hop : « C’est quoi ton nom ? Tu vas à quelle école ? Tu as quel âge ? On joue ensemble ? » That’s it. Un speed dating dans un carré de sable. Et quand maman dit qu’on retourne à la maison, c’est fini, merci, au revoir ! Il y a même souvent un câlin échangé. Pas de cœur arraché, pas de promesses risquées : ils ont profité de la vie pendant le temps que la vie leur donnait. Ils se reverront peut-être, ou pas. Là n’est pas la question. Tout est dans le présent. Le cadeau de l’amitié.

J’ai donc choisi de me laisser inspirer par mes cocos. J’ai appris à être infidèle en amitié, mais sans délaisser mes amis de longue date, mes coups de cœur humains, ceux qui me tiennent la main depuis belle lurette et même avant. J’ai appris à butiner sans culpabilité.

« Ça te tente de venir souper ? En toute simplicité… »

Pas besoin de longues présentations : les réseaux sociaux ou les amis communs s’occupent des préliminaires.

« Il me semble que je feele pour sortir, ça te dit ? Je passe te chercher après le travail. »

Pas de cassage de tête, pas d’engagement à la vie à la mort, pas de contrat d’amitié caché. Un one-night amical. Qui bien souvent se transforme en plus grand, en plus durable. Il faut se souvenir que je suis têtue en amitié… Si j’aime notre temps vécu ensemble, si j’ai du plaisir ou des frissons, si je sens que l’échange émotif/intellectuel/humoristique/name it est réciproque, pourquoi ne pas batifoler à nouveau ?

Attention, par « batifoler », je ne parle pas de sexe. Tut-tut. J’entends « s’amuser entre amis », partager des bons moments, des confidences, se faire progresser comme ceux qui nous connaissent trop ne peuvent pas le faire. La nouveauté apporte un point de vue différent sur ce qu’on ressasse depuis des lustres. Un nouvel ami, ça vient avec des questions que les autres, ceux qui connaissent nos subtilités et nos susceptibilités, n’osent pas poser.

« Tu te vois où, dans cinq ans ? Dans la même maison, la même ville, le même emploi ? Ou si tu rêves de changements ? »

« Es-tu certaine que ce n’est pas toi qui perçois la situation de cette façon ? »

« Comment réagirais-tu, toi, si quelqu’un te parlait comme tu l’as fait ? »

Des questions, des remarques qui brassent, qui font avancer, qui surprennent. Ça fait du bien, pour une tête de cochon dans mon genre. Ça remet les idées à la bonne place, ou en tout cas, à une nouvelle place.

Depuis que j’ai mis à mon ordre du jour de tisser de nouvelles relations, les amitiés pleuvent. J’en initie plusieurs, j’en accepte d’autres au gré des propositions. Et jamais, jamais, je ne suis déçue. J’apprends. J’emmagasine de magnifiques relations, des possibilités, des contacts humains, des sourires, un condensé de bien-être. J’en ferais mon emploi à temps plein si je pouvais, mais il faut bien nourrir la marmaille. Alors je suis l’amie que je suis, pour le temps que j’ai.

Nathalie Courcy



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