L’art qui fait du bien

Oui, je sais. Le cahier de coloriage zen que vous avez reçu à votre fête est intitulé « Art-thérapie ». Et vous y croyez! Bien sûr, prendre le temps de colorier, seul, avec nos enfants ou entre amis, ça aide à se calmer le pompon. Mais ce n’est pas de l’art-thérapie. C’est du coloriage. Ou une forme de méditation. Une façon de se mettre le cerveau à off et d’inviter notre enfant intérieur le temps d’un coucou.

L’Association des art-thérapeutes du Québec définit l’art-thérapie comme « une discipline des sciences humaines qui étend le champ de la psychothérapie en y englobant l’expression et la réflexion tant picturale que verbale ». Alors c’est quoi… on s’assoit, on jase et on gribouille? Parfois, oui, mais pas tout le temps. Ça dépend des objectifs définis avec le thérapeute, de notre état émotif et physique, de nos préoccupations du moment et de ce que perçoit le thérapeute.

Quelqu’un qui serait submergé par les émotions pourrait être guidé vers des figurines et un bac à sable. Le choix des figurines sera important, mais aussi le langage verbal et les gestes, les hésitations, le rythme des mouvements, tout comme la façon de placer les figurines dans l’espace. On est loin d’un jeu naïf de Barbie ou de Transformers! Un paon échevelé qui baboune devant une carpe aplatie peut révéler bien plus que des mots pesés et filtrés par le conscient.

L’art-thérapeute peut nous amener à créer à partir d’une silhouette complète ou partielle (une partie du corps ou le buste), en deux ou en trois dimensions. Notre main optera pour les crayons-feutre ou de bois, les pastels ou la peinture, les plumes ou les mouchoirs. La manipulation du matériel, les textures, la pression exercée sur les outils, tout parle. Et croyez-moi : on se révèle même si on essaie de se censurer.

Ne se couronne pas art-thérapeute le premier venu : les art-thérapeutes doivent avoir réussi un programme universitaire spécialisé de deuxième cycle ainsi qu’une formation dans les domaines des arts et de la psychologie. L’art-thérapeute est formé pour analyser nos réactions et nos créations. On n’est pas au royaume de l’œuvre d’art ni du jugement critique, et encore moins de la psycho pop à cinq sous. Le rouge ne signifie pas nécessairement l’amour ou l’agressivité, et le noir peut révéler un sentiment de bien-être, de vide, d’insécurité, name it.

Le plus beau dans cette histoire, c’est qu’on peut trouver beaucoup de plaisir dans les séances d’art-thérapie. Quand on pense thérapie, on imagine souvent le divan de Freud ou le psy à lunettes qui prend des notes sans arrêt en dodelinant de la tête. Pensez plutôt à un espace multicolore, rempli d’outils de création qui vous invitent à vous laisser aller. La relation de confiance avec le thérapeute se construit au fil des coups de crayons et de ciseaux. Mais aussi au fil des silences et des bouleversements. L’art-thérapie, ce n’est pas une séance de bricolage version école maternelle. On est en plein dans le travail sur soi. Et ça marche.

Ma première rencontre avec l’art-thérapie remonte à un atelier qui permettait de visualiser ce qu’on voulait de l’année à venir. C’était un soir de janvier, un petit groupe, une amie, des inconnues, une art-thérapeute inspirante et des piles d’images de magazines, de livres, de catalogues de tissus. Le tapis volant d’Aladin aurait porté mon corps que je ne me serais pas plus sentie voler. Une rencontre avec moi-même à travers le miroir des images et l’accompagnement de l’art-thérapeute.

Depuis, je rencontre cette professionnelle régulièrement. Je compte les dodos avant mes rendez-vous, comme un enfant impatient que Noël arrive. Alors, imaginez un enfant qui va rencontrer un art-thérapeute! Le côté ludique de la création et des couleurs facilite la communication et approfondit l’échange. Il est bien moins effrayant de représenter notre peur de mourir avec de la pâte à modeler ou du carton qu’avec des mots.

L’art-thérapie peut aussi trouver sa place dans les milieux de travail, les résidences pour personnes âgées, les maisons d’accueil pour femmes battues… bref, partout où il y a de la souffrance, des relations pas toujours roses et des questionnements. Comme les thérapies traditionnelles, l’art-thérapie ne fait pas de magie instantanée. Mais avouez que ça vaut la peine de l’essayer?

Association des arts-thérapeutes du Québec
Canadian Art Therapy Association



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