Lettre à toi, ma fille qui est lente

Chère cocotte,

Je te jure, chaque jour et à chaque embûche qui se présente devant nous, je m’efforce de t’aimer plus et de ne surtout pas te comparer avec ta sœur. Toi, ma cocotte qui as toujours été plus lente, plus sensible, plus peureuse. Je t’aime. Toi qui nous faisais des crises monumentales pour un simple moustique. Toi qui hurles tellement lorsqu’on te brosse les cheveux que les voisins pourraient appeler la police! Je t’aime. Toi à qui il faut répéter les mêmes consignes plusieurs fois, je t’aime. Toi qui aimes faire le clown et nous faire rire, je t’aime. Toi qui as une grandeur d’âme exceptionnelle et qui pleures devant un film triste, je t’aime.

À la prématernelle, ton éducatrice m’avait parlé de TDAH. Étant moi-même éducatrice, je comprenais de quoi il s’agissait et j’étais prête à y faire face! Même si j’ai souvent pleuré dans la voiture, en me demandant comment j’allais t’aider. Je m’efforçais de t’aimer plus. Parce que oui, il faut l’avouer, quand c’est difficile, même si nos enfants sont ce qu’on a de plus précieux, on s’épuise et on a juste le goût d’abandonner. Tu étais inscrite à des cours de gymnastique parce que tu voulais faire comme ta sœur. Mais quand j’ai vu comment tu agissais pendant les cours, je n’avais plus envie de payer (et c’est cher, la gymnastique!) pour te voir regarder le plafond sans trop écouter les consignes, aussi simples soient-elles!

Il y a eu l’ergothérapie pour améliorer ton hypersensibilité et ta concentration. Tu avais une éducatrice merveilleuse qui savait exactement comment t’aider au jour le jour. Je voyais tes progrès, je restais positive et j’étais fière de toi. Mais comme ton comportement plus lent n’affectait pas trop ta vie encore, on a laissé passer le temps. Plus lente à comprendre, plus lente pour apprendre. On s’est dit, ton papa et moi, qu’on allait attendre de voir comment ça allait se passer à l’école. Que tu étais encore petite et que tu avais plusieurs années encore devant toi pour t’améliorer. Et on t’aimait.

Chaque enfant est différent, c’est une évidence. Des lents et des plus rapides qui comprennent tout et très rapidement. Et puis, il y a eu les commentaires des proches : «Elle bouge beaucoup, hein!», «Elle n’arrête jamais!», «Penses-tu qu’elle a un TED?», «Comment ça, elle n’est pas comme sa sœur?» Parce que même si tu étais plus lente pour comprendre, tu n’arrêtais jamais. Toujours quelque chose à dire et toujours quelque chose à montrer.

La maternelle a commencé… et rien! Aucun commentaire négatif de la part de l’enseignant. Tout allait bien. C’était difficile à la maison, mais je me disais que tout allait tellement bien à l’école que tu devais te relâcher de retour à la maison. La première année a ensuite commencé avec les devoirs qui viennent avec. Et on est rendu là… La première rencontre de parents où on se faire dire que tu es plus lente. Que tu as besoin de coquilles sur tes oreilles pour mieux te concentrer. Que tu as le regard vide lorsqu’on te pose certaines questions. Rien de nouveau pour nous, mais c’est nouveau pour l’école. L’enseignante ne s’inquiète pas puisque tes résultats scolaires sont dans la moyenne de la classe. Mais elle va te surveiller. On ne peut s’empêcher de comparer avec ta sœur qui est toujours au-dessus de la moyenne dans toutes les matières. Grosse erreur de notre part. Mais on t’aime. Plus que tout.

Et aujourd’hui, quand tu n’as pas répondu à ma question et que tu avais le regard vide, j’ai essayé de comprendre pourquoi. Je te posais des questions simples et le plus calmement du monde : « Pourquoi, quand on te parle, tu ne réponds pas? », « Est-ce que tu comprends nos mots? » Tu ne me répondais pas… et tu avais les yeux pleins d’eau. Je sais depuis toujours que tu es une grande émotive, mais aujourd’hui, j’ai seulement voulu comprendre comment ça se passait dans ta tête. Et je n’ai pas réussi. Parce que la seule chose que tu m’as répondue, c’est : « Je ne le sais pas. » Et la seule chose que j’ai réussi à te répondre, c’est : je t’aime ma cocotte!



Commentaires