M’aimer comme je t’aime

Ma douce fille, tu es née il y a maintenant plus de trois mois. Tu es extraordinaire. Allumée, calme et tu bouges déjà beaucoup. Je sens que tu vas nous faire courir, ton père, ton frère et moi. Tu es bien dodue aussi. Déjà, tes bras sont pleins de plis et ton ventre déborde par-dessus tes couches. Tes grands sourires qui soulignent ton double menton me font craquer. Je trouve cela magnifique et je suis fière que ce soit mon lait qui te nourrisse ainsi.

 

Pourtant, quand je regarde mes plis de bras à moi, mon ventre qui déborde par-dessus mes pantalons et mes grands sourires qui soulignent mon double menton, je n’ai pas la même réaction.

 

En fait, c’est une montagne russe mon affaire. Des jours, je me trouve belle; des jours, je ne pense pas à mon corps; des jours, je suis gênée de rencontrer les gens de mon entourage par peur de leur réaction; des jours, je me compare aux autres mamans. Tu vois, tout ça, ça m’appartient. Ça n’a rien à voir avec toi ni avec ma grossesse, ces peurs‑là, elles étaient en moi avant et je n’avais jamais fait la paix avec elles.

 

Je pense que les bébés nous offrent la chance de grandir, de travailler sur nous. La période périnatale est un révélateur de notre identité la plus profonde et des tourments qui l’accompagnent. Parce qu’avec tous les bouleversements de la parentalité, tant positifs que négatifs, les masques tombent. Le plus beau comme le plus laid ressortent de nous-mêmes et j’ai décidé d’accepter les deux côtés.

 

Évidemment, il y a un contexte social, une pression de performance, une valorisation de la perte de poids postpartum. Mais ma fille, sache que nous ne sommes pas des victimes. Sache que tu as du pouvoir sur ta vie, sur tes souffrances et tes blessures futures. Mon corps, il ne sera jamais comme avant… ni comme avant la grossesse ni comme avant rien en fait. Il évolue, se transforme, s’adapte. J’ai envie de lui faire confiance à ce corps si puissant qui m’a permis de créer, de porter et de donner la vie. Manger quand j’ai faim, bouger quand j’en ai besoin et me reposer quand je n’ai plus d’énergie.

 

Je n’ai pas envie de passer la majeure partie de mon temps centrée sur moi-même, sur mes démons et mes doutes. Ta venue dans notre famille, ma fille, me permet de devenir une meilleure personne, de travailler sur moi et d’enfin m’aimer comme j’aime mes enfants : inconditionnellement.

 

Roxane Larocque



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