Réalité d’une mère au foyer

Si l’on m’avait dit quand j’étais jeune qu’un jour, je serais mère au foyer, j’aurais ri aux éclats. Moi qui carburais à l’adrénaline, me voilà à laver et relaver mes chaudrons sans arrêt. Passer plus de temps qu’il en faut dans ma cuisine, laver et plier les vêtements de quatre autres êtres humains. Vivre pour les autres, voilà ma réalité temporaire.

Mon conjoint et moi en avions discuté préalablement. Il était donc convenu que si nous avions un troisième enfant, je quitterais mon emploi des dix dernières années afin de m’occuper des enfants ainsi que de la maison.

J’avais beau travailler dans un hôpital, mon salaire n’était clairement pas celui d’un chirurgien. La réalité est que je travaillais à peine pour payer la gardienne. Je perdais mon temps dans le trafic, courais à gauche et à droite dès mon réveil, sans oublier la charge mentale d’être mère. J’étais littéralement exténuée et je voyais mes enfants à peine trois heures par jour.

Lorsque j’étais prise dans le trafic, c’était mon break officiel de la journée. Sans enfants, sans patron pour me rappeler que je n’en faisais jamais assez. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de me torturer : « Qu’allais-je faire pour souper ? » « Vais-je arriver en retard pour aller chercher fiston si j’arrête acheter du lait ? » « Est-ce qu’il me reste du savon ? » « Faudrait bien que j’appelle ma mère afin de donner des nouvelles. » « Fiston a-t-il une pratique de hockey cette semaine ou c’est la semaine prochaine ? »

Toute cette charge ne s’est pourtant pas envolée le jour où je suis devenue mère au foyer. Avant, j’avais l’excuse de travailler. Maintenant, si ma maison est à l’envers, si mes enfants ont un retard de langage, s’ils ne sont pas assez développés côté moteur selon les foutus standards, et bien ne cherchez pas la coupable. C’est évidemment, c’est moi.

Parce que maintenant, les gens peuvent se permettre de dire que je ne fais « RIEN ». Que je l’ai facile. Parce que moi, je ne travaille pas. Parce que notre société qualifie maintenant de lâche une femme qui décide de rester auprès de ses enfants. Ce qui était normal il y a de cela quelques années, ne l’est clairement plus aujourd’hui et cela me frustre au plus haut point. Je fais tout et de mon mieux pour mes enfants. Suis-je la mère parfaite ? Certainement pas. Mais je le fais avec cœur et je tente de donner tous les outils possibles à mes enfants afin qu’ils puissent s’épanouir pleinement.

Devenir femme au foyer ne fut pas un choix « facile ». Il faut faire de gros sacrifices côté monétaire et non, ce n’est pas toujours rose. La vie sociale en prend un coup. Vient un temps où on a l’impression que les seules conversations d’adultes que l’on peut avoir, outre celles avec notre conjoint, sont avec les autres parents lors des activités sportives. Et voilà que temporairement, notre cerveau surchauffe à tenir une conversation autre que le classique « gaga gougou ».

J’en suis venue à me poser la question suivante : est-ce que je changerais de place avec une femme de carrière si je le pouvais ? La réponse est évidente : non. Sans aucune hésitation. Bien que j’aie parfois un besoin viscéral de sortir de la maison, je ne changerais de place pour rien au monde. J’ai eu la chance d’être auprès de mes enfants, de les voir grandir, de passer du temps de qualité avec eux et j’en suis reconnaissante. Peu importent les jugements, j’ai su profiter de la petite enfance de mes enfants. Et ça, ça ne reviendra pas.

Plus de deux ans maintenant et ma petite dernière fera son entrée à la maternelle. Ai-je un pincement au cœur ? Évidemment. Mais ce sera simplement la fin d’un chapitre. Que me réserve le prochain chapitre ? Je n’en ai aucune idée, mais je foncerai tête baissée comme j’ai foncé dans mon rôle de mère au foyer. Tout comme ce fut le cas avec la vie de mes enfants, à moi de créer cette nouvelle aventure.

Geneviève Dutrisac

 



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