Tu sais que tu travailles avec les enfants et que tu es aussi parent quand…
1— Tu clenches le monsieur de l’évangile en papier en bricolages! À faire vingt exemplaires de cartes de vœux originales de la fête du moment et autres bricolages… presque tous les jours. Et en plus, rendu chez vous avec tes enfants, tu as de quoi avoir l’air d’Édouard aux mains d’argent.
2— Tu es obligé d’avoir un cœur d’enfant. Tu ris même des jokes de pipi caca pet. À force de vivre dans un milieu d’enfants, tu finis par leur ressembler… et honnêtement, je trouve que c’est une bonne chose! Même si j’ai l’impression d’être la Billy Madison de ma gang-d’amis-d’adultes-qui-travaillent-juste-avec-d’autres-adultes, je m’en fous! Tel un enfant de quatre ans… de huit ans ou encore de quatorze ans!
3— Tu distribues ta patience dans ton milieu de travail comme une reine de carnaval distribue des confettis sur son char allégorique. Il te reste juste deux/trois confettis dans le fond de ta poche rendu chez vous… De plus, à la naissance de tes enfants, tu réalises que ton réservoir de patience est étroitement relié à la qualité de ton sommeil. Et ça te provoque un mix de sentiments passant de l’horreur à l’espoir.
4— Tu es soit immunisé contre n’importe quel microbe de n’importe quelle époque ou tu pognes toujours tout… tout le temps. Parce que maintenant, tu as deux souches potentielles de virus : ton milieu de travail et le milieu « de travail » de tes enfants. J’ai moi-même réfléchi à la possibilité d’acheter des parts à ma pharmacie. J’ai aussi compris le sens du mot « famille » dans « médecin de famille ». À la voir aussi souvent, je vais finir par l’inviter à Noël. J’envoie toutes mes condoléances aux systèmes immunitaires des familles dans lesquelles les deux parents travaillent dans un milieu d’enfants.
5— Ta liste de prénoms pour tes futurs enfants est maintenant très restreinte… Tu sais que tu travailles avec les enfants et que tu es aussi parent quand… parce qu’avant, tu avais l’embarras du choix. Mais maintenant, tu as des références angéliques ou vraiment pas, à chaque prénom tendance. Tu as aussi une liste noire de noms que tu te promets de ne jamais utiliser pour baptiser ta progéniture… parce que quand le même prénom, porté par dix enfants différents, te donne de la misère, tu comprends que c’est sûrement pas un hasard! Ah! oui, parlant de prénoms, tu appelles tes enfants par le nom de tes élèves et vice et versa.
6— Tu as le cœur assez grand pour y entrer au moins cent enfants. Tu te rappelles chaque nom, leurs allergies, leurs forces et ce qu’ils ont à travailler. Tu y penses parfois même chez toi, la nuit. N’empêche que quand tu t’occupes des enfants des autres pendant que d’autres personnes s’occupent des tiens, tu te sens parfois coupable ou déchiré. Tu aimerais que tes enfants soient là, en train de jouer avec toi à ce nouveau jeu que tu viens d’inventer. Et quand tu dois t’absenter du boulot, tu as souvent une pensée pour les enfants et par le fait même, pour tes collègues qui auront à dealer avec ton absence et avec les coupes budgétaires du gouvernement.
7— Quand ta progéniture a le même âge que les enfants avec lesquels tu travailles, ta vie est comme la série Pat Patrouille : tu sais qu’aujourd’hui c’est un nouvel épisode, mais ça revient toujours à la même affaire. Tu ne fais que RÉPÉTER les mêmes interventions jour… et nuit. « Tu es fâché, dis-le-lui », « NON! Les dents c’est pour manger, pas pour mordre! », « Occupe-toi de tes choses à toi », « C’est pas important de savoir qui a commencé, on cherche une solution, là », « Non, pousser, c’est pas une solution », « Regarde mon visage! Je suis fâché! » Et c’est rendu que tu le dis même aux adultes que tu côtoies par pur réflexe. Tu as droit à huit terrible two au travail et un de plus rendu chez vous! Tu as vingt ados de sept ans à l’école et deux de plus une fois rendu chez toi! Par contre, tu as droit aux plus beaux côtés X 1000! Pas beaucoup de gens se font accueillir au boulot par quatre-vingts sourires « troués » ou ont cinquante câlins par jour et plein d’anecdotes vraiment marrantes!
8— Tu interviens de façon pédagogique presque 24 heures sur 24. Tu gesticules plus que la moyenne et tu prononces tous-les-bons-mots-en-mettant-l’accent-sur-les-mots-difficiles-ou-omis. Tu as l’air d’un prof de chant qui fait des vocalises avec tes bruits de bouche exagérés! Ça t’arrive même de le faire avec ton entourage. « On dit S’ASSEOIR, pas s’assire, alors oui, je viens M’ASSEOIR si c’était ça ta question. » Ce n’est même pas pour bien faire, c’est juste qu’à être en mode pédagogique à la garderie, à l’école et en plus, rendu à la maison, tu as de la misère à mettre la « switch pédagogique » à off.
9— Tu te mets de la pression pour bien élever tes enfants. Tu as eu tout plein de cours et de formation pour savoir comment intervenir avec ces petits êtres humains. C’est vraiment pratique, mais ça fait que justement, tu sais comment intervenir. Alors, quand tu fais quelque chose de pas « pédagogique », tu le sais aussi et tu te sens coupable ou encore tu te dis que les autres te jugent. Ça fait aussi que ton enfant te dit des phrases d’éducatrice (celles que tu répètes au no 7) : « Maman! Regarde mon visage, je suis fâché! » Tu as probablement assez de matériel pédagogique chez vous pour ouvrir une garderie ou une école.
10— Tu es passionné par ton métier. Tu ne comptes pas les heures travaillées on the side, un flash par-ci, un résumé d’intervention par-là, une planification d’activités et de la correction chez toi, cher prof. Le tout, pendant que tu berces ton plus jeune ou que tu termines ton café froid. Mais tu le sais que ça vaut la peine d’y mettre tout ce temps et toute cette énergie. Parce que tu sais que ces enfants et les tiens sont les adultes de demain et que tu aides à faire grandir du mieux que tu peux la prochaine génération.
Krystal Cameron, éducatrice spécialisée