Se donner du lousse l’été, ou l’art de se pogner le beigne!

Le printemps à peine entamé, dans un aréna bondé de parents complètement vidés, je sentais déjà le désespoir s’installer. La saison tirait à sa fin. L’odeur nauséabonde de l’équipement de hockey de fiston planait encore dans la voiture et nous rotions encore notre dernière poutine que déjà, la question fatidique commençait à se faire entendre : « Toi, ton enfant, tu l’inscris à quoi, cet été? »


J’ai toujours ressenti un certain malaise à avouer que par chez nous, on se donne du lousse l’été : pas de cours! Il m’arrive de percevoir du jugement, et même de la surprise, dans le regard des autres parents. À croire que je néglige mes enfants! Comme si ma progéniture allait s’engouffrer dans un état léthargique permanent, par ma faute, parce qu’elle n’est pas stimulée et dirigée trois fois par semaine, le temps des vacances scolaires; comme si notre existence allait s’arrêter là.


Honnêtement, lorsque l’été se pointe, je remercie le ciel de me redonner un semblant de vie (enfin! Je vais pouvoir dormir le samedi matin!), alors que d’autres parents ont l’impression de perdre le sens de la leur. C’est comme si l’idée (complètement absurde et irréaliste pour certains!) de ne pas avoir un horaire réglé au quart de tour, de ne pas courir sans cesse d’une activité à l’autre comme des poules pas de tête et de ne pas être systématiquement entourés de gens, engendrait un sentiment de vide qu’il fallait absolument combler par autre chose.


Est-ce égoïste de ma part? Sans doute un peu. Je ne vous le cacherai pas : après dix mois de repas sur le pouce, de weekends consacrés aux spectacles et aux sports, de voyagement à travers la province pour les divers tournois, de soirées à ne pas voir mon chum parce qu’on doit faire le taxi chacun de notre côté, et d’un emploi du temps établi en fonction de l’horaire surchargé des petits, la maman, et son portefeuille sont à boutte! Est-ce si déraisonnable de vouloir avoir la paix le temps d’un été? Peut-être qu’avoir des trous dans mon horaire, ça ne m’embête pas tant que ça, moi, finalement!


C’est vrai, mes enfants aiment apprendre de nouveaux accords à la guitare et perfectionner leur dernier kata. Oui! Du hockey, mon fils en mange! Mais vous savez quoi? Mes enfants ne haïssent pas ça non plus, flâner en pyjama le dimanche matin, ratatiner dans la piscine tout l’après-midi et partir à la conquête du quartier en vélo avec leurs amis. Parce que de temps en temps, c’est l’fun de vivre au gré du vent sans jongler avec les horaires de tout le monde. Parce que des fois, ça fait du bien de se pogner le beigne et de décrocher!


Je vous rassure : le cerveau des enfants ne ramollit pas parce qu’ils profitent de leur été pour jouer. À ce jour, je n’ai jamais entendu un criminel expliquer qu’il a emprunté la voie du crime organisé parce que son abominable mère ne l’avait pas inscrit à la balle-molle l’été de ses huit ans. Ne pas faire partie d’une équipe sportive ou ne pas apprendre une nouvelle discipline ne veut pas nécessairement dire que votre enfant tombera dans la consommation de drogues dures ou qu’il aura le temps de s’adonner à la planification d’une attaque terroriste. Un enfant peut très bien se développer, s’épanouir et socialiser sans être constamment dirigé!


Comprenez-moi bien : je n’ai rien contre les enfants qui pratiquent des activités organisées pendant la saison estivale. Je me demande simplement pourquoi on s’en impose tant, tout le temps! Je sais que les « Je ne sais pas quoi faire » et « C’est plate! » retentiront de temps à autre dans ma maison cet été. Mais je sais aussi que mes enfants en profiteront, qu’ils développeront leur autonomie et leur imagination, qu’ils se bâtiront une banque de souvenirs et qu’à la fin de l’été, papa et maman se seront reposés et seront d’attaque pour une autre année mouvementée.

 

Stéphanie Nesteruk



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