Tes petits bobos

Tu as presque un an et demi. Tu as l’air d’être sur un bateau. Quand tu marches, tu fais deux pas, puis le plancher t’appelle. Souvent, tu cognes ta petite lèvre qui se met à saigner. Mon cœur veut fendre chaque fois. Un mélange de tristesse de ne pas pouvoir prendre ta douleur, mais aussi de gratitude. Gratitude que ça soit juste une petite égratignure à la lèvre. Pas une maladie terrible ni une mort imminente. Juste une petite lèvre qui saigne.

J’ai une pensée pour toutes les mamans du monde qui voient souffrir leurs enfants ou pire, qui ont dû les laisser partir. Tous ces deuils injustes, mais bien réels. Je suis là à te coller pour te réconforter de ta petite lèvre endolorie, petits bobos minuscules qui pourtant m’inquiètent chaque fois. C’est un peu intense, mais comme ça n’arrive pas souvent, on dirait que je prends ces petits bobos pour me rappeler la chance que j’ai de te voir grandir.

Soudain, je n’ai plus envie de me plaindre du ménage, de la fatigue, de ma liste de choses à faire qui ne diminue jamais. J’ai juste envie de remercier le ciel de ta santé. J’ai déjà vu des mamans pleurer la mort de leur enfant. J’ai leurs cris dans mes oreilles quand j’y repense en fermant les yeux. Un cri sincère et profond. Le même qu’un nouveau-né désemparé qui s’époumone pour qu’on prenne soin de lui. Un cri primal et instinctif. Le même que toi qui viens tomber et qui ne comprends plus rien à travers cette douleur.

Je suis là pour toi, même si je ne peux pas prendre ta douleur. C’est une chance de pouvoir t’accompagner, de te donner un toit, des vêtements, de l’amour. Oui, ça implique du travail, du ménage, du pliage, du lavage et j’en passe. Oui, des fois, je suis fatiguée, impatiente et débordée, mais ta petite lèvre qui saigne me ramène à l’essentiel. À l’amour que nous avons l’une pour l’autre et à cette chance exceptionnelle que j’ai de t’avoir avec moi en santé.

Prendre soin de toi, de notre maison, de notre famille, c’est le plus beau rôle de ma vie et c’est le plus important aussi. Je te promets de ne jamais l’oublier.

Roxane Larocque



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