Tes pieds dépassent

Presque 10 ans que je vais te voir dormir tous les soirs. 3600 « Maman, tu vas venir me donner mon colleux tantôt, hein ? » Pourtant, tu le sais que je n’oublierais ce moment pour rien au monde. Ce n’est pas toi que je gâte, c’est moi. C’est mon cœur maternel que je remplis en admirant ton air paisible de petit gars endormi.

On se donne 1000 câlins avant ton dodo, mais le dernier, quand tu dors déjà, il est spécial. C’est celui où je te souffle de beaux rêves au creux de l’oreille. Je replace tes cheveux rendus trop longs à mon goût (mais t’sais, ton corps, c’est ton corps, je te laisse faire tes choix !). Je t’écoute parler dans ton sommeil et je ris. Si ton toutou est tombé, je le remets près de tes bras. Je ferme la lumière et je t’envoie toutes les ondes de bon dodo du monde.

Je remonte un peu ta doudou sur tes épaules, mais pas trop parce que tu as tout le temps trop chaud. C’est mon côté maman-poule. Tout d’un coup que mon poussin aurait un frisson… Mais dès que je tire un peu sur le coin de la doudou, je vois tes pieds apparaître à l’autre bout. Ta doudou a rapetissé ? Ou c’est toi qui as grandi ? Même ton lit semble rétrécir… au même rythme que tes pantalons raccourcissent. Tes pieds dépassent au bout du matelas ! À croire que tu es couché dans ton berceau !

« Maman, j’ai mal aux jambes ! Pourrais-tu me masser s’il te plaît ? »

Ah, les poussées de croissance qui reviennent trop souvent. Elles te font souffrir ! Mais elles te font aussi grandir. Elles te font devenir celui que tu es, un grand bonhomme adorable et brillant, joyeux la plupart du temps, juste assez boudeur pour me rappeler que la puberté sonne à la porte. Pris entre l’arbre et l’écorce, accroc au cordon ombilical et prêt à en décrocher la seconde d’après.

Au retour de l’école, tes pieds te démangent, tu dois bouger. « Maman, je m’en vais jouer au basket ! »

Même pas le temps de dire « bye » que tu es déjà parti. Tu reviendras juste à temps pour le repas. Parfois même, tu passeras tout droit, jusqu’à ce que ton estomac te rappelle à l’ordre. Je sais que tu es avec tes amis en train de faire du sport. Tu pourrais être en train de faire des niaiseries ou des graffitis, en train de reluquer les filles ou de fumer ton premier joint. Mais non. Tu t’autonomises sainement, à ton rythme. Et tu reviens toujours.

Je t’ai toujours dit que tu serais toujours mon bébé tout en étant mon très grand garçon. Je le crois encore. Je te trouve beau quand tu t’éloignes de la maison parce que tu vas rejoindre tes amis et ta vie. Et je te trouve beau quand tu reviens te coller en disant qu’on t’a manqué. Chaque moment que tu nous donnes, je le prends, je le savoure. Je sais qu’ils seront de moins en moins fréquents, et c’est bon signe : ça veut dire que tu suis ton cours. Tu prends ton envol, tranquillement pas vite, avec ton sentiment de sécurité et l’assurance que nous t’aimons.

Tu fais ton cheminement, je fais le mien. J’ai besoin d’apprendre à être la mère de toi en version plus indépendante. C’est un défi d’apprendre à te laisser prendre tes décisions. Mais jusqu’à maintenant, tu me montres que j’ai toutes les raisons de te faire confiance, alors j’observe et j’admire mon fils à l’œuvre.

Je t’annonce tout de suite qu’à l’occasion, je vais te réclamer. Je vais imposer mon droit de véto pour te garder pour nous pendant quelques heures, pour un repas ou une activité, ou juste parce que. Même quand tu seras rendu tellement grand que tu vivras dans ton propre nid, je vais chérir nos moments ensemble. Et je vais encore te murmurer à l’oreille « je t’aime mon bébé ».

D’ici là, vas-y, grandis ! Mais pas trop vite.

Nathalie



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