Traverser ça ensemble

J’ai toujours pensé qu’un couple devait un jour ou l’autre être confronté à un obstacle. Dans mon cas, ce jour est arrivé il y a quelques années. Ça faisait quelques mois que je me posais des questions. L’attitude de mon homme avait changé, il manquait de l’argent. Toutes les choses que je pouvais imaginer sont passées dans mon esprit. J’ai vécu une partie de ma deuxième grossesse avec beaucoup d’angoisse et de tristesse.

 

Un soir, j’ai donc décidé de prendre mon courage à deux mains. Je vivais dans le doute depuis trop de temps. Mon chum avait changé quelques mois après le début de ma grossesse qui nous apporta une belle petite princesse. Rien ne rentrait dans l’ordre, même qu’il était vraiment en chute libre. Je me suis donc mise face à lui en demandant avec mon air de glace : « Ce soir, tu vas me dire ce qui se passe! Tu me parles ou je pars avec nos deux enfants. » C’est alors qu’il baissa la tête en me disant que depuis un certain temps, il avait commencé à consommer…

 

Les mots tombèrent comme une bombe! Je m’en doutais, mais de l’entendre… J’étais fâchée. Pourquoi il avait eu besoin de se réfugier là-dedans? Qu’est-ce que j’avais fait? Était-il malheureux avec moi et nos enfants? Je ne comprenais rien. Je pris donc la nuit de repos en berçant ma fille. Les larmes coulaient sur mes joues. Ce fut dans le regard de ce tout petit être de deux semaines cette nuit-là que je trouvai la force. Je décidai alors de partir une semaine chez mes parents avec mes enfants. Le matin venu, j’ai regardé mon chum et je me souviendrai toujours de mon discours :

 

« J’ai décidé de partir chez mes parents, car je trouve qu’avec les conneries que tu fais en ce moment, tu ne nous mérites pas. Demain matin, à ton réveil, avec la solitude qui sera autour de toi, tu te demanderas si c’est vraiment ça que tu veux! Si tu prends la décision de t’en sortir, je serai là, mais avec certaines conditions à respecter. Si tu veux continuer dans cette voie actuelle, tu risques de tout perdre. Ton travail, ta maison, ta famille et peut-être même ta vie. »

 

Je partis donc avec mes enfants qui mettaient quand même un baume sur cette peine. Mon chum m’appela tous les jours, plusieurs fois par jour. Il pouvait venir voir ses enfants quand bon lui semblait. Il vécut une semaine seul en voyant que sa famille était beaucoup plus importante que de se geler. Je revins alors avec des règles strictes à respecter :

          Fournir toute facture

          Montrer ses talons de paye

          Revenir à la maison directement après le travail

          Changer de fréquentations

Il n’avait plus la possibilité de me cacher quoi que ce soit. Oui, il a vécu deux fois une rechute. Par contre, j’avais pris le temps de parler à d’anciens toxicomanes qui m’avaient donné des trucs pour détecter facilement si mon conjoint avait consommé. Je pouvais le savoir même au bout du téléphone. Il était coincé, soit il s’en sortait avec mon aide ou il allait en centre fermé. (Chose qu’il ne voulait pas trop, car nous avions quand même un fils qui voulait son père)

 

Devant notre garçon alors âgé de deux ans et demi, on essaya de rester neutre et de faire comme si de rien était. Notre fille, quant à elle, était tellement petite que nous avions moins d’inquiétudes. Mes parents ont été d’un grand support et ont toujours cru en mon amoureux. J’aurais aimé pouvoir en dire autant de sa famille, mais eux ont préféré fermer leurs yeux sur tout ça. Eux étaient au courant de tout et ne me disaient rien.

 

Pour arriver à passer au travers de toute cette histoire en gardant ma tête sur mes épaules, parler à mon entourage a été ma thérapie. J’ai été franche avec mon conjoint que je ne pouvais pas faire semblant de rien. J’avais besoin de parler à mon monde pour trouver l’énergie et il n’a pas eu trop le choix de comprendre.

 

Moi qui avais avant des préjugés sur les personnes qui avaient ce genre de problèmes, ma perception changea à ce moment. Aujourd’hui, je me rends compte que personne n’est à l’abri d’une dépression ou d’une faiblesse. Il ne faut pas oublier que dans le fond, ces personnes souffrent et ont juste besoin d’une bonne poussée vers le haut. Il faut savoir être ferme et ne pas les prendre en pitié tout en montrant que nous sommes là pour eux. Presque dix ans après cet épisode, tout va bien. Sans dire que je recommencerais, car oh! Non, je n’en serais pas capable. Je crois que toutes les embûches nous font grandir et apprendre. Donc aujourd’hui en regardant en arrière, je crois que j’ai beaucoup appris de tout ça. Je crois même qu’aujourd’hui, ça fait de nous (mon conjoint et moi) de meilleures personnes.

 

Eva Staire

 

 



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