Tu m’as agressée sexuellement
J’ai 33 ans et tu m’as agressée sexuellement. Oh, et on se connaît, en plus. J’suis donc capable de donner ton nom et de bien voir ta face dans mes cauchemars. Au cas où tu te le demandais, j’fais un peu de cauchemars. Pas mal, en fait. Mais j’pense pas que toi t’en fasses. T’as même dit que t’avais été con, que tu t’excusais, de me faire passer le message. J’pas ben ben certaine que c’est suffisant, comme excuse pour une agression sexuelle, sì ?
À cause de toi, j’suis allée à l’hôpital et au poste de police, toute honteuse de ce qu’il m’était arrivé. Nerveuse. Angoissée. Avec le sentiment que c’était ma faute. Tout ça a pris un beau 4 heures. Je ne sais pas si tu te souviens, mais toi, ça ne t’a pris que 10 minutes pour m’agresser. Mais t’sais, on ne s’obstinera pas sur qui a le plus de séquelles, dans quel laps de temps, hein ? On n’est plus des enfants.
À l’hôpital, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais jusqu’à ce que l’infirmière pose sa main sèche comme mon compte en banque sur mon avant-bras en me disant qu’à partir de maintenant, tout irait bien. Ces mots ne se rendaient comme pas à mon cerveau. J’essayais à la place de lui trouver la meilleure crème à main dans mes souvenirs de produits préf’ pour palier à son over utilisation de Purell. Et en même temps, j’pensais à mon compte en banque à sec. J’vais m’crémer le Desjardins. Anyway, j’ai pu faim depuis que tu m’as remplie de honte et d’horreur. Pis j’arrive au bout d’ma corde.
Elle a dit que je n’étais plus seule. Viol-Secours et toute la gang du CAVAC allaient être là. Pourtant, je ne l’ai jamais été, seule. T’étais là, pendant ces 10 minutes terrifiantes.
C’est à ce moment précis, dans la petite salle de l’urgence, que j’ai compris qu’il m’était arrivé quelque chose, que ma vie avait changé. Que tu venais de laisser une trace. Que ce n’était pas que dans ma tête que ça brassait. Mais bien aussi dans mon corps. Dans mon corps de jeune fille, qu’ils disent, Les Trois Accords.
C’était clair et laid : tu venais de m’agresser sexuellement.
On allait alors devoir vérifier tout mon corps. En passant par des orifices qui ne voulaient clairement plus voir personne. J’étais le centre d’attention de deux infirmières, une femme médecin, une travailleuse sociale et une visiteuse du campus, une stagiaire adorable. Ça en fait du monde pour un évènement qui n’a duré que 10 malheureuses mais interminables minutes. J’quand même chanceuse, j’ai eu un giga colleux d’une copine qui était de garde ce soir‑là dans un autre département. Comme quoi y’a quand même du doux.
On parle toujours de minutes qui changent notre vie. J’ai essayé d’y repenser (anyway j’pense juste à ça) et ce sont des minutes plutôt longues. 10 minutes où tu m’as terrorisée, parce que t’sais, j’sais pas si t’avais remarqué, mais t’es vachement plus grand et fort que moi. Pis j’te connais. Ou je croyais te connaître. J’suis restée là, figée, décontenancée, le chandail à moitié tiré, en ayant peur de faire quoi que ce soit. J’essayais de te faire comprendre ce que tu faisais. Parce que déjà là, je ne pouvais pas l’croire. J’voulais pas l’croire. J’avais simplement voulu t’offrir un transport sécuritaire pour aller manger une patate du McDo pas loin. T’sais, quand je te dis que je ne comprends pas, ben je comprends sweet fuck all de ce qui s’est passé. Je ne sais pas si je vais finir par comprendre un jour. J’ai aucune idée même s’il y a quelque chose à comprendre. Pourquoi tu t’es donné le droit de me toucher ? De me mettre un doigt dans la bouche en te caressant le membre excité au travers tes jeans. Tu te frottais tellement fort que je pensais qu’il allait prendre en feu, ton p’tit bâton. Au moins d’même, on aurait été blessés tous les deux.
Je te l’ai dit le NON, le seul qui a l’air valable pour refuser son consentement. J’aurais dû me traîner des feuilles de consentement pis cocher que je n’étais pas consentante ? Je te l’ai dit que t’étais con de faire ça. Je te le demandais, à répétition, pourquoi tu faisais ça. J’étais surprise parce qu’à chacune de mes questions, t’avais une réponse.
Je ne t’aurais pas repoussé si c’était ça que je voulais. Je ne serais pas allée me cacher dans la salle de bain d’un vieux McDo de la 1re avenue dans Limoilou un vendredi soir où les gens un peu weird sortent. J’aurais choisi l’Pur pour la vue. Pas un stationnement louche.
Je me sens comme un déchet. Veux-tu bien me dire pourquoi c’est moi qui me sens comme un déchet, alors que c’est toi qui a mis tes mains de force sur mes seins, mon corps, me tâtant comme de la viande, en me regardant dans les yeux, en pinçant mes mamelons alors que je conduisais d’une main et que je tentais de te repousser de l’autre. Mes mamelons, ils ont nourri mes enfants. Pis t’as mis tes mains dégueulasses dessus.
J’étais terrorisée. Parce que je savais que si j’avais eu plus long à faire comme trajet, tu serais arrivé à tes fins. Parce que je savais que tu aurais mis tes mains sales là où on a déjà trop forcé. Que tu m’aurais prise de force. Mais ça, tu l’as déjà un peu fait, hein ? C’est comme trop tard. Tu m’as juste pris les seins et touché le vagin à travers mes jeans en forçant le bouton et le zipper. En fait, t’as pas réussi à te rendre à mon vagin, justement. Ça fait qu’on n’en parle pas ? Tu m’as juste tiré par le cou pour que mon visage se rapproche de ton pénis. Parce que tu voulais donc que je le touche. Parce que tu voulais donc me montrer que t’étais bandé. Tu m’as juste forcé la main vers tes jeans en me disant que c’est ce que je voulais.
Moi ce que je voulais, c’était une patate du McDo. Pis que tu sois safe parce que t’avais bu. C’t’un fail, hein ?
Eva Staire