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Je suis une victime. Texte : Arianne Bouchard

C’est comme ça que le système m’appelle. En vrai, je me considère plus comme une survivante,

C’est comme ça que le système m’appelle. En vrai, je me considère plus comme une survivante, parce que c’est ça, j’ai survécu.

J’ai survécu à ses mains robustes, chaudes et rêches sur ma peau. J’ai survécu à toutes ses insultes et à toutes les fois où il me traitait de moins que rien. J’ai survécu à toutes les fois où il m’a fait sentir comme un objet, en me regardant comme un chien baveux devant un steak saignant. J’ai survécu à toutes les fois où il a voulu me faire du mal en s’en prenant à ma famille. Oui, j’ai survécu.

À un certain point, il a failli réussir à me briser. Tellement de fois j’ai souhaité mourir. Tellement de fois j’ai essayé de trouver le courage pour mettre fin à toutes mes souffrances. Tellement de fois j’ai crié à l’aide pour n’entendre que l’écho de ma propre voix. Tellement de fois, j’ai ravalé mes doutes, séché mes larmes et pris mon courage à deux mains pour continuer d’avancer et me battre malgré mon envie d’en finir.

Et maintenant plus encore, j’ai trouvé la force de tourner la page. J’ai donc pris mon courage à deux mains et j’ai porté plainte, contre mon bourreau, ce monstre sans pitié qui m’a tellement pris. Il pensait peut-être m’avoir tout pris, mais il y avait encore en moi les braises ardentes de ma force de caractère, qui m’ont permis de survivre tout ce temps.

Et quand j’ai porté plainte, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas vraiment tourner la page finalement. Le système n’est pas là pour nous aider à aller mieux. Le système n’est pas fait pour les victimes. En fait, les victimes n’ont pas grand rôle au bout du compte, puisque c’est la « Reine » qui poursuit directement et non elles-mêmes. Elles sont seulement la « preuve » que l’accusé est, oui ou non, coupable.

Et puis quand je dis que le système n’est pas en faveur des victimes, c’est aussi parce qu’elles ne choisissent pas leurs alliés. Encore une fois, on choisit pour elles. L’avocat, aussi compétent soit-il, leur est attribué. Elles ne les choisissent pas. Alors, encore une fois, l’accusé part en force avec les meilleurs outils, car lui, il a le pouvoir de choisir. Je trouve que c’est un manque de considération incroyable, à ce stade, d’encore vouloir choisir pour elles. Parce que la plainte, à la base, c’est pour dénoncer justement un vice de consentement, pour un choix qu’elles n’ont pas eu l’opportunité de faire.

De plus, le procès, s’il y en a un au bout du compte, doit se faire dans le district judiciaire où ont eu lieu les évènements. En ce genre de circonstances, on pourrait s’attendre à un minimum de considération pour les victimes, en leur laissant le choix de porter plainte chez elles, avec tous leurs repères, mais non. Si les évènements ont eu lieu à un endroit du passé, il faudra qu’elles prennent leur courage à deux mains pour y faire face, si vraiment, elles souhaitent poursuivre.

L’accusé à la chance d’avoir la présomption d’innocence de son côté, alors que nous, victimes, n’avons pas le droit à la présomption de vérité. Tout ce que l’on dit pourra être retenu contre nous dans le cadre d’un procès. Finalement, c’est comme si on faisait le procès des victimes, puisqu’on reprend toutes leurs dépositions, on les morcelle et on cherche à trouver les failles de leurs témoignages qui pourraient démanteler toute l’accusation. Comme victime, on a l’impression de marcher sur des œufs, tout ce qu’on dit et même tout ce qu’on ne dit pas peut servir à innocenter les monstres de nos cauchemars. Parce que sans trousse de viol, sans preuve matérielle, tout ce qui constitue la preuve, ce sont les témoignages et les preuves circonstancielles. Un fardeau difficile à prouver pour l’accusation.

À certaines étapes du processus, on a l’impression que c’est une vendetta contre les victimes elles-mêmes. Comme si tout le monde se braquait contre elles, pour les faire craquer. À tellement de reprises le système les pousse au bord du gouffre de l’abandon. C’est comme si on accusait les victimes de mentir. C’est comme un double traumatisme. Déjà que leur corps entier et chaque fibre de leur être essaient de les convaincre que ce n’est pas arrivé, que c’est juste un cauchemar… on ne les croit pas.

Et puis il y a aussi le manque de délicatesse de notre système. Je comprends que certaines questions doivent être posées pour établir les faits, mais ce que je ne comprends pas, c’est le raisonnement de certains quand il s’agit de les poser. « As-tu joui ? » NON. On ne va pas là. Et puis même si les victimes avaient, par accident, joui, on n’est plus au Moyen Âge, on le sait que c’est une réaction biologique du corps, qui n’est pas toujours synonyme de plaisir, d’excitation et surtout pas de consentement. Voilà encore une question pour essayer de déstabiliser les victimes, les faire douter d’elles-mêmes et les faire se sentir plus sales qu’elles ne se sentent déjà.

Ensuite, il faut qu’on parle des ressources, parce que bien honnêtement, je pense que notre système, encore une fois, est problématique. Pour recevoir de l’aide, il y a tellement de formulaires à compléter… Laissez-moi vous dire que dans l’état comateux dans lequel se trouvent certaines victimes suite à leur agression, remplir des formulaires, c’est parfois trop demander. Pourrait-on trouver un moyen de faciliter l’accès aux services d’aide sans passer par les douze travaux d’Astérix ?

Et le pire dans tout cela, le plus gros problème selon moi, c’est vraiment une question de délai. Pourquoi est-ce que ce doit être aussi long ? Pourquoi est-ce que les procédures peuvent prendre des années ? Pourquoi est-ce que comme victimes, on nous refuse ce droit légitime de tourner la page ?

Je n’ai hélas aucune réponse à ces questions, mais j’espère que dans l’avenir, le système sera fait en considération des victimes, en arrêtant de les victimiser, pour les aider à réaliser qu’elles ne sont pas des victimes, mais des survivantes.

Arianne Bouchard

Alerte au viol – Texte : Arianne Bouchard

Tu te dis sûrement : oh non, pas encore un autre texte qui parle d’agression sexuelle. Ben oui,

Tu te dis sûrement : oh non, pas encore un autre texte qui parle d’agression sexuelle. Ben oui, encore un autre. Tant qu’il y aura des imbéciles, il y aura toujours des agressions sexuelles et tant qu’il y en aura, il y aura toujours du monde pour en parler, alors me voici.

Ce texte s’adresse essentiellement aux filles et aux femmes, car les agressions sexuelles sont majoritairement subies par elles. Les gars, je ne vous oublie pas pour autant et votre douleur n’en est pas moins réelle non plus.

Alors, fille, voilà ce que j’aimerais te dire.

Même si t’as une jupe courte. Même si t’as des vêtements moulants. Même si t’as un décolleté plongeant. Même si TOUTE, un habillement, ce n’est pas un consentement. T’as le droit de te sentir belle, t’as le droit de te sentir femme, sans toujours te demander si tu es habillée comme une alerte au viol. J’ai une amie qui, sur son lieu de travail, dans un bureau respecté, s’est fait dire de changer de tenue, que sa jupe, de longueur bien respectable et pas trop moulante non plus, lui donnait l’air d’une alerte au viol. Excusez-moi, pardon, mais ce genre de phrase, c’est NON !

Pis ç’a l’air de quoi une alerte au viol de toute façon ? D’une femme forte et indépendante, qui a le courage de sortir de chez elle en portant des vêtements qu’elle aime en faisant fi du regard de la société ? Parce que si c’est ça, l’alerte doit crier fort, tout le temps ! En 2022, je pense qu’on devrait pouvoir porter ce qu’on veut. Ce n’est pas à nous comme femmes de nous habiller autrement, mais à vous, très chers hommes, de ne pas nous regarder comme le ferait un charognard devant un morceau de viande fraîche. On est plus que de la chair cachée sous quelques vêtements. On est des personnes et on mérite le respect et la considération qui va avec !

Ce qui inclut notamment le droit de choisir et de dire non quand ça ne nous tente pas. Même si c’est ton chum, même si le gars est sexy, même si tu t’es déjà dit que « tu lui ferais pas mal à celui-là », même si c’est ton ami et que tu lui fais confiance ; si ça te tente pas et que tu dis non, c’est non. Tu n’as pas à te sentir mal de pas avoir envie non plus. C’est correct, ça arrive quelquefois.

Et même si tu as dit oui au départ, même si vous aviez commencé, t’as le droit de changer d’idée. J’ai vu sur Internet la fameuse allégorie de la tasse de thé et c’est vraiment ça. Pour vrai, je pense vraiment que cette vidéo devrait faire le tour du monde et être partagée dans les écoles. Ça dit tout. Alors je t’invite à aller voir cette vidéo et à la partager autour de toi pour sensibiliser les gens au consentement.

En attendant d’aller voir cette fameuse vidéo, continuez d’être toi-même, de porter les vêtements que tu aimes et de ne pas te soucier de ce quoi t’as l’air dans le regard des hommes. Ce n’est pas à toi de changer de look, c’est à eux de changer de perception.

Arianne Bouchard

Je suis « La parfaite victime », et je m’en excuse. Sincèrement.

En juin dernier sortait en salle le documentaire La parfaite victime, un film de Monic Nér

En juin dernier sortait en salle le documentaire La parfaite victime, un film de Monic Néron et Émilie Perreault produit par Denise Robert. Ayant été victime de plusieurs agressions sexuelles dans ma vie, dont la première à quinze ans, j’ai pris plusieurs mois avant de l’écouter. J’étais moi‑même « dans le système » pour un événement datant de plus de deux ans. Va savoir si j’avais suffisamment cheminé pour être solide et ne pas décompenser.

En l’écoutant, j’ai pleuré. Fort. Des vraies larmes. J’ai supplié mon cœur de rester dans mon corps. Entendre et voir ces victimes sur mon écran m’était quasi insupportable. Je les comprenais trop bien, toutefois je ne comprenais pas la narration choisie. Le choix de ton. J’en suis encore bouleversée.

J’ai lu tous les commentaires publics à propos de ce film. Pour la majorité, des victimes envenimées, des menaces, des horreurs contre le système et contre les professionnels ayant accepté de faire ce film qui trouble, qui dérange. Mais peu osaient dire que le système les avait soutenus. Probablement par peur. Par honte. Je comprends, j’ai aussi souvent questionné mon cheminement, et le choix parfois douteux de têtes retenues pour l’écran, et je n’ai pas porté plainte pour mes agressions passées dans mon jeune temps, par honte, peur et découragement également. Mais je me sentais mal d’écouter ce documentaire qui me peignait alors comme la « parfaite victime », puisque le système avait été de mon côté. Mal d’avoir gagné ma cause. Mal d’être allée jusqu’au bout. Comme si ça avait été facile, comme processus, vu que j’avais gagné. Je me souviens, lors de la huitième écoute, m’être dit que je n’avais pas ma place aux côtés de ces hommes et femmes. J’aurais voulu les prendre dans mes bras et leur donner mon « coupable ». Du genre « prends mon verdict, j’vais garder la leucémie ».

Sous une publication de la page principale du film, une femme énonçait que si un jour ça lui arrivait, jamais elle n’irait porter plainte. C’était bien clair, elle était découragée des propos tenus, des statistiques. Ça aussi, je comprends. Parce qu’avoir visionné le film AVANT ma plainte, jamais je n’y serais allée.

Mais comme humain, mon devoir est de rester ouverte à ce que la vie m’amène. D’accepter ce qui est et de changer ce que je peux changer. C’est mon choix d’avancer dans la direction que je crois être juste. J’avoue que ce n’est pas toujours évident.

Dans mon histoire, j’ai vécu les deux côtés du système ; j’ai abandonné une plainte de viol parce que je trouvais injustes les répercussions sur mon amie (#pasbesoindamiecommeca) du temps, qui aurait pu empêcher mon viol, mais qui préférait commettre l’adultère dans la pièce d’à côté. Puis j’ai connu le processus traditionnel avec une enquêteuse et un procureur doux, attentionnés, compréhensifs mais surtout, humains. De le voir apparaître sur mon écran et de lire des commentaires haineux disant que le DPCP ne fait rien pour les victimes… j’pensais crever. La tête me tournait, j’avais la chair de poule. Parce qu’en grande, grande, grande partie sans mon procureur, je ne serais pas ici. Mes enfants n’auraient pu de mère.

Je me souviens exactement de la journée où j’ai dû aller au Palais de justice de Québec afin de remplir la déclaration sur les effets subis suite à cet événement. La fin approchait enfin. Je devais coucher sur papier tout ce que ça m’avait enlevé, coûté. Je l’ai fait en pleurant. Du début au point final, plusieurs pages plus tard.

Dans un élan de détermination et de courage, j’avais demandé à voir la salle où il avait plaidé coupable. Oui, après s’être présenté à mon domicile malgré le jugement qui l’en empêchait, il plaidait coupable, enfin.

J’avais besoin de voir où ça avait été « réglé ». Je l’ai vue dans les jours suivants, après avoir noirci tellement de feuilles avec des mots réfléchis et puissants sur lesquelles je lui souhaitais avec bienveillance de se réhabiliter. Mais que de mon côté, je devais avancer et lui laisser ça. Ça lui appartenait maintenant.

Je me souviens de la vague de violence qui m’avait transpercée au moment où j’ai su que ça ne leur avait pris que quatre minutes.

De quoi ?

Quatre minutes de comparution seulement. J’ai demandé l’enregistrement pour entendre de mes oreilles ces quatre minutes où il plaidait Coupable au chef d’accusation d’agression sexuelle.

Pour plusieurs victimes, juste l’idée de réentendre la voix de son agresseur est insupportable. Mais pour moi, il était fondamentalement crucial que je l’entende prononcer son aveu de culpabilité. C’était viscéral. Les tripes serrées et le cœur en morceaux, j’avais écouté le fichier audio, payé de ma poche, en boucle pendant des heures. En fait, je l’écoute encore, et j’ai le message de mon procureur dans ma boîte vocale.

Si ça prend ça pour avancer ? Je sais pas. Mais d’entendre de sa bouche que ça ne m’appartenait pas, ça valait de l’or. Je partagerai un jour avec vous la lettre lue en cour lors de la sentence. Je viens d’aller chercher l’audio, merci Bureau en gros de faire des transferts CD vers des clés USB. #presqueunedisquette.

J’ai fait un malaise avant de sortir du Palais de justice. Le constable m’a dit qu’il était là, que j’avais rien à craindre.

J’ai fait une crise d’angoisse dans le stationnement.

J’ai dû m’arrêter sur le chemin du retour pour vomir.

Je suis arrivée à la maison en ne voulant qu’une chose : une famille.

Toute la soirée, seule, j’ai essayé de ramasser les bouts de mon cœur brisé. Ce dont j’avais besoin ?

Qu’on me laisse pleurer en me flattant les cheveux.

Qu’on me dise que ce que j’ai vécu, c’est horrible.

Qu’on me laisse crier, ce que j’ai fait, habillée dans le bain, la rage au cœur.

Quatre minutes.

Ça en avait duré dix, y’a deux ans.

Dix minutes.

Deux ans.

Quatre minutes.

Mais j’ai gagné. Parce que j’ai choisi de faire confiance au système. Parce que j’ai dénoncé cet agresseur. J’ai entendu le « Oui, coupable » que je devais entendre et qui a résonné jusque dans mon âme. Si ça a été facile ? Non, c’est vrai que c’est long comme processus. Mais se guérir aussi. Tellement.

Si tu es victime d’agression sexuelle, reste pas dans le silence. Je suis là. Tu m’écris. Je vais te tenir la main pour aller porter plainte. Je vais te flatter les cheveux pendant que tu pleures et j’vais même ramasser ton vomi.

Mais reste pas seule. T’as le droit de te faire entendre, si tu le souhaites. Y’a des gens qui passent leur vie à le défier, le doute raisonnable. Y’a des gens qui sont là pour dire que ce que t’as vécu, c’est horrible. Et certains le font en toge.

Fais-toi le cadeau de la bienveillance. D’y croire. Parce que juste de porter plainte, c’est déjà se libérer de ce qui ne nous appartient pas.

K.

 

Si tu as été victime d’agression sexuelle, je partage avec toi quelques ressources à ta disposition. Je te rappelle que tu peux m’écrire, slide dans mes DM anytime, ok ?

https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/violences/agression-sexuelle-aide-ressources/organismes-d-aide-aux-victimes

 

 

 

 

 

La culture du viol, l’ombre de beaucoup de gens — Texte : Eva Staire

La culture du viol. Un terme qui nous colle à la peau même si on n

La culture du viol. Un terme qui nous colle à la peau même si on ne veut pas. Non. Quand on retrouve le mot viol, on s’éloigne. Ce n’est pas nous. Mais sais-tu réellement ce qu’est la culture du viol ? Tu y as probablement déjà pris part, sans trop le savoir. Notre société y contribue. Ton chum y contribue peut-être. Ta mère aussi. Ta sœur. Ton oncle.

La foulée de #metoo a pris d’assaut les réseaux sociaux ces dernières années. Non pas que j’adhère à cette manière de dénoncer les agresseurs, mais j’adhère au mouvement étant donné que notre système de justice est clairement défaillant dans ce domaine. Je ne donne pas raison à toutes les dénonciations. Non. Mais je ne juge pas. Si un homme ou une femme décide de parler de son agresseur et de le balancer publiquement, c’est parce que quelque part, la justice n’a pas été adéquate. Après ça, il faut faire quoi ? Se taire ? Vivre avec ce traumatisme, ces blessures difficiles à cicatriser ? Après tout, nous ne sommes que des victimes, aussi bien continuer à se victimiser et à vivre dans le silence pendant que notre agresseur nie et continue à vivre comme si de rien n’était. Dénoncer, c’est difficile. Beaucoup plus que tu ne peux le croire, si tu ne l’as jamais vécu. Et je te souhaite sincèrement de ne jamais avoir à le vivre. Mais souviens-toi que souvent dans la vie, il faut le vivre pour le comprendre.

Est‑ce que le mouvement conclut que 100 % des dénonciations sont véridiques ? Bien sûr que non. Il y a toujours des exceptions. Mais je le dis : des exceptions.

L’enseignante qui a abusé de son élève est si chaude. L’élève est si chanceux. « Hey, moi dans mon temps, si ma prof avait ressemblé à ça, je ne me serais pas plaint. » Ah non ? Si c’est ta fille de quinze ans qui a des relations sexuelles avec son tuteur de vingt-cinq ans, vas-tu avoir le même discours ? Tu participes activement à la culture du viol ! Tu adhères à un comportement qui banalise et transforme en plaisanteries les agressions sexuelles. Le corps des femmes n’est pas plus un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. Pas plus ni moins que celui des hommes. Tes commentaires sexistes sur leur physique et leur habillement créent un climat complètement normatif pour les agresseurs. Comme si quelqu’un de sexy devait être toléré comme abuseur. Comme si une personne plus laide devait absolument être plus « dégueulasse » que le bel homme d’affaires dans son beau complet.

Quand tu te fais pénétrer, toucher, étrangler… contre ton gré, que la personne soit à ton goût ou non n’enlève absolument rien au geste ! Que la personne soit un de tes bons amis, ça non plus, ça n’excuse en rien ses agissements. Même chose si cette personne est ton conjoint ou ta conjointe. Si on ne doit pas porter plainte contre les pères et les mères de famille, les personnalités connues, les gens qui ont un bon métier, que nous reste‑t‑il ? Non, les bandits ne sont pas tous des pauvres. C’est une fausse mentalité.

Souviens-toi surtout que chaque petite phrase, chaque petit mot que tu oses écrire sur une potentielle victime lui fait mal à une puissance extrêmement élevée. Dans les agressions de ce type, la responsabilité de l’agression repose sur la victime. Ce sera toujours sa parole à elle qui sera remise en cause. La victime est un témoin dans son dossier. Personne n’est là pour la défendre, contrairement à l’abuseur. Lui, le système de justice le défend.

La parfaite victime n’existe pas dans le système de justice au Québec. La parfaite victime existe cependant pour chaque agresseur. Et toi qui te permets de juger la personne qui dénonce, tu fais malheureusement partie de la culture du viol. Par tes mots, par tes actions et par ton ignorance.

Rappelle à ton enfant que son corps lui appartient. Apprends à ton enfant à parler, à dénoncer. À analyser. À réfléchir. Jugerais-tu aussi sévèrement ton frère qui s’est fait abuser par ton oncle ? Ta mère qui a subi les sévices de son père, jadis ?

Pense avant d’écrire. Étais-tu là ?

Eva Staire

Gros dégueux ! Texte : Nathalie Courcy

Avertissement : Si vous n’êtes pas prêts à lire ma hargne prof

Avertissement : Si vous n’êtes pas prêts à lire ma hargne profonde envers les gros dégueux, arrêtez tout de suite, parce que ce texte est un déversement assumé de fiel.

Mais qui sont les gros dégueux ? Les abuseurs, les agresseurs, les harceleurs, les violeurs. Ceux (et celles, parce que ça se conjugue aussi au féminin ! Ça fait « grosses dégueuses…) qui s’en prennent aux enfants, aux bébés, aux ados, aux femmes, aux hommes, aux personnes âgées. Parfois même aux chiens, aux chèvres… J’ai même déjà entendu des hommes dire qu’ils se faisaient… par des veaux. Je vous jure.

Vous commencez à comprendre, hein, de quoi je parle? Ça n’a rien à voir avec la grosseur physique du gros dégueux. C’est juste qu’il faut être immensément colons et plein de m… pour faire des choses aussi dégoûtantes et horribles.

Que tu sois militaire, pauvre, curé, femme au foyer, père de famille, vedette, grand frère, ado frustré ou vieillard emmerdé, tu n’as pas d’affaires à toucher les autres sans leur consentement clair. Tu n’as pas le droit de mettre ta main ou ta bite sur eux ou en eux. Tu n’as pas le droit de cruiser avec insistance, de suivre une personne avec tes pieds, ton regard ou une application sur un cellulaire. Tu n’as pas le droit de dénigrer, de détruire l’estime de l’autre et les liens avec son entourage pour devenir son seul porc d’attache. Tu n’as pas le droit de menacer, de forcer, de frapper, d’étrangler, de brûler, d’assassiner. Tu n’as pas le droit de forcer à la prostitution pour faire du cash sur le c… des autres.

C’est interdit, illégal. Tu te retrouveras devant un juge, dans une cellule de prison, peut-être. Tu perdras ton emploi et ta crédibilité, peut-être. Mais chose certaine, ta victime, tes victimes, se retrouveront piégées dans tes griffes et dans un mal-être immense et pénible à guérir. Tu auras beau leur offrir des fleurs, des bijoux ou de la drogue pour leur prouver que tu les aimes les manipuler, ça ne réparera pas les plaies que tu leur fais au corps et à l’âme. Et on le sait, si tu leur offres des fleurs, c’est juste pour leur casser le vase sur la tête par la suite.

Gros dégueux, tu me dégoûtes. Tu m’écœures. Tu me répugnes. Chaque fois que j’entends parler de toi aux nouvelles, j’ai le goût de vomir. Mon corps te rejette. Je ne comprends pas que tu ne sois pas capable de garder tes mains dans tes poches et ta queue dans tes jeans. C’est simple pourtant :

– Veux-tu ?

– Non.

– OK.

That’s it.

Pas d’ostinage, pas de niaisage. Pas de « Envoye donc ! ». Pas de « Je le sais que tu veux… ». Pas de « Si tu me suces pas, ton patron va recevoir des photos de toi et tu vas perdre ta job ». Non. NON ! Si tu n’entends pas OUI, tu ne fais rien, tu t’éclipses et tu laisses tranquille.

Je ne comprends pas non plus pourquoi tu ne te fais pas soigner. La honte, j’imagine. Le manque de conscience ? De lucidité ? Quelque part en dedans de toi, il doit bien y avoir une petite partie qui te dit que c’est mal et malsain de forcer quelqu’un à avoir des contacts sexuels. Il doit bien y avoir une tite lumière rouge sang qui allume quand tu cognes, quand tu étampes dans le mur, quand tu cries. Les vois-tu, les yeux apeurés qui te regardent faire ton power trip ? Le vois-tu, le corps qui se vide de toute présence pendant que tu assouvis tes pulsions animales ? Ça t’excite, de défoncer une poupée de chiffon sans âme ? Vraiment ?

Je vous avais dit, hein, que mon texte serait sans compassion ? En réalité, j’ai de la peine pour ces hommes, ces femmes, qui sont si malheureux et mal dans leur peau qu’ils cherchent désespérément la peau des autres pour se l’approprier. Mais j’ai surtout de la colère et du dégoût envers eux. Envers le système aussi, qui les innocente trop souvent, faute de « preuves hors de tout doute raisonnable ». La parole de l’un contre la parole de l’autre. Les souvenirs brouillés d’une victime traumatisée contre des années de pratique en manipulation de la part du bourreau. Combien de victimes aura-t-il le temps de faire avant d’être forcé à l’introspection ?

Je sais bien que des gros dégueux, il y en a toujours eu, il y en aura toujours (ça m’écœure juste de l’écrire). Je sais aussi qu’on en entend plus parler dans les médias parce que les médias sont partout. Merci #MeToo et autres mouvements de dénonciation. Merci aux victimes qui dénoncent et affrontent ce long parcours du combattant que sont la mise en accusation et le procès. Vous tracez la voie pour d’autres, vous montrez l’exemple, vous aidez à  sensibiliser la population. Peut-être que grâce à vous, quelques gros dégueux sauront aller chercher de l’aide avant de s’en prendre à des personnes innocentes et souvent vulnérables.

On a tous un rôle dans la lutte contre les abus sexuels et la violence. Mon rôle aujourd’hui, c’était d’écrire ce texte et de le signer.

Nathalie Courcy

Tu m’as agressée sexuellement

J’ai 33 ans et tu m’as agressée sexuellement. Oh, et on se con

J’ai 33 ans et tu m’as agressée sexuellement. Oh, et on se connaît, en plus. J’suis donc capable de donner ton nom et de bien voir ta face dans mes cauchemars. Au cas où tu te le demandais, j’fais un peu de cauchemars. Pas mal, en fait. Mais j’pense pas que toi t’en fasses. T’as même dit que tavais été con, que tu texcusais, de me faire passer le message. J’pas ben ben certaine que c’est suffisant, comme excuse pour une agression sexuelle, sì ?

À cause de toi, j’suis allée à l’hôpital et au poste de police, toute honteuse de ce qu’il m’était arrivé. Nerveuse. Angoissée. Avec le sentiment que c’était ma faute. Tout ça a pris un beau 4 heures. Je ne sais pas si tu te souviens, mais toi, ça ne t’a pris que 10 minutes pour m’agresser. Mais t’sais, on ne s’obstinera pas sur qui a le plus de séquelles, dans quel laps de temps, hein ? On n’est plus des enfants.

À l’hôpital, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais jusqu’à ce que l’infirmière pose sa main sèche comme mon compte en banque sur mon avant-bras en me disant qu’à partir de maintenant, tout irait bien. Ces mots ne se rendaient comme pas à mon cerveau. J’essayais à la place de lui trouver la meilleure crème à main dans mes souvenirs de produits préf’ pour palier à son over utilisation de Purell. Et en même temps, j’pensais à mon compte en banque à sec. J’vais m’crémer le Desjardins. Anyway, j’ai pu faim depuis que tu m’as remplie de honte et d’horreur. Pis j’arrive au bout d’ma corde.

Elle a dit que je n’étais plus seule. Viol-Secours et toute la gang du CAVAC allaient être là. Pourtant, je ne l’ai jamais été, seule. T’étais là, pendant ces 10 minutes terrifiantes.

C’est à ce moment précis, dans la petite salle de l’urgence, que j’ai compris qu’il m’était arrivé quelque chose, que ma vie avait changé. Que tu venais de laisser une trace. Que ce n’était pas que dans ma tête que ça brassait. Mais bien aussi dans mon corps. Dans mon corps de jeune fille, qu’ils disent, Les Trois Accords.

C’était clair et laid : tu venais de m’agresser sexuellement.

On allait alors devoir vérifier tout mon corps. En passant par des orifices qui ne voulaient clairement plus voir personne. J’étais le centre d’attention de deux infirmières, une femme médecin, une travailleuse sociale et une visiteuse du campus, une stagiaire adorable. Ça en fait du monde pour un évènement qui n’a duré que 10 malheureuses mais interminables minutes. J’quand même chanceuse, j’ai eu un giga colleux d’une copine qui était de garde ce soir‑là dans un autre département. Comme quoi y’a quand même du doux.

On parle toujours de minutes qui changent notre vie. J’ai essayé d’y repenser (anyway j’pense juste à ça) et ce sont des minutes plutôt longues. 10 minutes où tu m’as terrorisée, parce que t’sais, j’sais pas si t’avais remarqué, mais t’es vachement plus grand et fort que moi. Pis j’te connais. Ou je croyais te connaître. J’suis restée là, figée, décontenancée, le chandail à moitié tiré, en ayant peur de faire quoi que ce soit. J’essayais de te faire comprendre ce que tu faisais. Parce que déjà là, je ne pouvais pas l’croire. J’voulais pas l’croire. J’avais simplement voulu t’offrir un transport sécuritaire pour aller manger une patate du McDo pas loin. T’sais, quand je te dis que je ne comprends pas, ben je comprends sweet fuck all de ce qui s’est passé. Je ne sais pas si je vais finir par comprendre un jour. J’ai aucune idée même s’il y a quelque chose à comprendre. Pourquoi tu t’es donné le droit de me toucher ? De me mettre un doigt dans la bouche en te caressant le membre excité au travers tes jeans. Tu te frottais tellement fort que je pensais qu’il allait prendre en feu, ton p’tit bâton. Au moins d’même, on aurait été blessés tous les deux.

Je te l’ai dit le NON, le seul qui a l’air valable pour refuser son consentement. J’aurais dû me traîner des feuilles de consentement pis cocher que je n’étais pas consentante ? Je te l’ai dit que t’étais con de faire ça. Je te le demandais, à répétition, pourquoi tu faisais ça. J’étais surprise parce qu’à chacune de mes questions, t’avais une réponse.

Je ne t’aurais pas repoussé si c’était ça que je voulais. Je ne serais pas allée me cacher dans la salle de bain d’un vieux McDo de la 1re avenue dans Limoilou un vendredi soir où les gens un peu weird sortent. J’aurais choisi l’Pur pour la vue. Pas un stationnement louche.

Je me sens comme un déchet. Veux-tu bien me dire pourquoi c’est moi qui me sens comme un déchet, alors que c’est toi qui a mis tes mains de force sur mes seins, mon corps, me tâtant comme de la viande, en me regardant dans les yeux, en pinçant mes mamelons alors que je conduisais d’une main et que je tentais de te repousser de l’autre. Mes mamelons, ils ont nourri mes enfants. Pis t’as mis tes mains dégueulasses dessus.

J’étais terrorisée. Parce que je savais que si j’avais eu plus long à faire comme trajet, tu serais arrivé à tes fins. Parce que je savais que tu aurais mis tes mains sales là où on a déjà trop forcé. Que tu m’aurais prise de force. Mais ça, tu l’as déjà un peu fait, hein ? C’est comme trop tard. Tu m’as juste pris les seins et touché le vagin à travers mes jeans en forçant le bouton et le zipper. En fait, t’as pas réussi à te rendre à mon vagin, justement. Ça fait qu’on n’en parle pas ? Tu m’as juste tiré par le cou pour que mon visage se rapproche de ton pénis. Parce que tu voulais donc que je le touche. Parce que tu voulais donc me montrer que t’étais bandé. Tu m’as juste forcé la main vers tes jeans en me disant que c’est ce que je voulais.

Moi ce que je voulais, c’était une patate du McDo. Pis que tu sois safe parce que t’avais bu. C’t’un fail, hein ?

Eva Staire

Ça ne se dit pas!

Ce que je vais vous dire là, ça ne se dit pas. Ça s’écrit enco

Ce que je vais vous dire là, ça ne se dit pas. Ça s’écrit encore moins. Mais ça se ressent.

Ça m’a pris des années avant de me l’avouer à moi-même. Des mois avant d’oser le nommer devant ma thérapeute. Et une autre année avant de vous en parler.

Pourquoi oser, ce soir? Parce que je sens, non, je sais, que je ne suis pas seule. Si j’avais entendu quelqu’un me raconter cette histoire, j’aurais pris conscience plus tôt de ce qui me tourmentait. J’aurais laissé moins d’emprise à la culpabilité et à la honte. J’aurais osé me rendre compte de l’absurdité de ce que je m’imposais. Parce que mes mots aideront, peut-être, l’une d’entre vous à défaire un nœud qui entrave le cœur autant que le corps.

Il était là, couché près de moi. Pour la 7000e nuit. Il ronflait un peu. Si j’avais dormi comme j’aurais dû le faire, je ne l’aurais même pas entendu tellement le bruit était subtil. Mais je ne dormais pas. Une autre nuit d’insomnie marquée par les interrogations, les jugements sur moi-même : « Non mais vraiment? Tu as encore dit oui? »

Il s’était endormi après l’acte. Pas un acte manqué comme en psychanalyse, mais un acte raté. Une relation sexuelle qui ne faisait même pas de bien. Ni à lui ni à moi. Du sexe parce que. Par devoir. Parce qu’il le faut bien, une fois de temps en temps. À quel moment était-ce devenu moins bon ? À quel moment la passion des corps était-elle devenue à sens unique ? Depuis quand avais-je son corps en aversion ? Depuis quand la frustration avait-elle élu domicile entre nos draps ?Ça arrive même dans les meilleurs couples, me direz-vous. À moins d’être un fidèle disciple d’Alexandre Jardin, difficile de se renouveler au fil des années de mariage et des enfants qui se multiplient. On avait bien essayé, pourtant. Mais ce n’était pas ça. C’était plus. Plus profond. Plus grave. Une cassure passée et non pansée.

Quand je le regardais, quand je pensais à lui, ma libido s’expulsait de mon corps comme le souffle d’un pauvre moldu à l’approche de Voldemort. L’idée même de me retrouver près de lui me tordait l’utérus jusqu’à me crisper les orteils. Comment en était-on arrivés là…

Il n’y avait pas eu d’agressions. Pas de manque de respect abusif. Pas d’intimidation, de luttes de pouvoir. Il avait même été très tolérant devant mon manque d’intérêt (sans l’accepter, ça va de soi ; le sujet réapparaissait à l’occasion lors des discussions animées). Mais il ne s’est pas battu pour inverser le processus. Il n’a pas essayé de comprendre, d’écouter quand je lui disais mon malaise. Il n’a pas tenté les solutions que je proposais. Il a laissé les choses aller, pourrir, s’envenimer. « C’est comme ça… »

À la longue, j’ai développé des stratégies (malsaines, mais appelons ça des stratégies de survie) : je me couchais au milieu de la nuit, prétextant avoir du travail à faire, ou encore, si je voyais qu’il se coucherait tard, je me dépêchais à rejoindre le lit pour m’endormir le plus vite possible. Quitte à feindre le sommeil profond s’il osait monter à l’étage plus tôt que prévu. Tout pour éviter la caresse, la main sur le sein, le genou qui se glissait entre mes jambes. Tout pour repousser le moment où je devrais choisir entre me respecter et le soulager. Entre dire « non » et vivre avec son silence déçu et frustré, ou consentir passivement et vivre avec mon propre silence déçu et frustré. Éventuellement, j’ai choisi de ne plus offrir mon corps contre du vide. Je me suis choisie.

Ai-je exprimé ma peine, mon désir d’améliorer la situation ? Oui. J’ai très (trop ?) longtemps cru que ça pourrait s’arranger. J’espérais qu’il répondrait à mon besoin de tendresse et de gestes d’attention. C’est ça qui m’allumait. Chacun son langage de l’amour… et on n’avait plus le même dictionnaire.

J’ai souvent essayé de rallumer ma flamme en essayant « quand même ». La libido vient en baisant, c’est ce qu’ils disent. Mais elle vient aussi en la nourrissant. En aimant vraiment.

Au fil des nuits écourtées et de la proximité inconfortable, j’ai mis un mot sur ce que je ressentais. Je me sentais violée. Chaque nuit, chaque jour. Le viol n’était pas réel, juste dans ma tête, dans mes sensations. Je ne me sentais pas respectée ni aimée malgré les « je t’aime » et les « t’es belle », malgré les « prends ton temps, ça va revenir ». Je me sentais envahie dans mon propre corps, dans l’espace d’intimité qu’était ma chambre. Je me sentais coincée dans mon refus, mais sans avoir la force ni la volonté de le dépasser.

Quand on ne se sent plus en sécurité dans sa propre maison et dans les bras de son mari, quel refuge nous reste-t-il ?

Aurais-je dû partir plus tôt ? Peut-être. J’y croyais trop, à la rédemption du couple, à la promesse répétée, à l’amour qui rime avec toujours. Devant l’absence de violence, devant les moments de rire et de complicité qui arrivaient encore à l’occasion, je voulais y croire. Je me sentais injuste et bébête de tourner le dos à un amour « quand même pas si pire ». J’ai étiré la sauce, jusqu’au jour où j’ai compris qu’une femme (ou un homme) ne peut pas vivre ainsi emprisonnée dans sa propre vie.

Je me répare, je prends mon temps, j’analyse le pourquoi du comment pour essayer de m’en tenir loin dans mes prochaines relations. Et j’ose le dire, même si ça ne se dit pas : je me suis sentie violée par celui qui aurait dû le plus m’aimer.

Eva Staire

Les valeurs à la bonne place

Je suis fière de ma fille. Je suis tout le temps fière de mes enfa

Je suis fière de ma fille. Je suis tout le temps fière de mes enfants, mais là, je suis encore plus fière. Ma fille aînée a les valeurs à la bonne place et elle est capable de défendre ses convictions. Je vous explique.

Ma Peanut est dans un programme spécialisé en arts au secondaire. Elle tripe sur l’art, elle en mange, elle en rêve. Elle veut devenir prof d’arts au cégep et fait tout pour y parvenir. Elle consacre 80 % de son temps d’éveil à la pratique artistique. En congé, ça monte à 98 %. C’est à se demander si elle n’apporte pas ses pinceaux dans la douche.

Depuis quelques semaines, elle travaille sur un projet d’arts pour un cours : un calligramme, c’est-à-dire qu’elle utilise les mots et diverses calligraphies pour créer une image. Elle avait choisi de représenter une de ses chanteuses préférées. Elle a traduit les paroles d’une chanson, pratiqué différentes calligraphies, dessiné les esquisses, fait les calques… Bref, elle y a mis des heures et des heures, est même allée aux périodes de récupération en arts pour améliorer le produit fini.

Elle en était à la dernière étape du projet quand une bombe lui est tombée sur le cœur. Un peu par hasard, elle a appris que la chanteuse qui lui servait de modèle (pour son projet et dans sa vie) était accusée d’avoir violé une autre chanteuse dans le passé.

On avait déjà discuté de la vague de dénonciations qui ramasse plusieurs personnalités publiques dans le tsunami #MoiAussi. Mais elle ne connaissait pas vraiment les personnes dont il était question. Là, ça la touchait en plein cœur, dans son âme de jeune adolescente qui admire une vedette et qui écoute ses chansons vingt heures par jour, qui lit tout sur elle et qui la place au centre de ses conversations avec ses copines et ses parents.

Quand elle a su, elle a pleuré. Beaucoup. Elle a confronté la nouvelle de la dénonciation avec d’autres sources. Toutes rapportaient la même histoire. La chanteuse elle-même ne niait pas le geste même si elle en minimisait l’impact. Ma fille a discuté avec sa meilleure amie, tout aussi admiratrice et donc, tout aussi choquée. Elles ont failli effacer tous ses albums de leurs appareils électroniques, mais elles se sont retenues. « On se donne quelques jours pour y penser. » La distinction entre l’œuvre produite par un artiste, la personne elle-même et les actions d’une personne peut être difficile à faire, même pour un adulte.

Puis, ma belle Peanut m’a annoncé qu’elle ne pouvait pas continuer le calligramme représentant cette chanteuse. Qu’elle refusait d’exposer ce projet au vernissage de fin d’année. Qu’elle ne pouvait pas contribuer à faire connaître quelqu’un qui avait abusé d’une autre personne. Elle a pris l’initiative de contacter son enseignante, lui a expliqué la situation, a demandé la permission de refaire le travail au complet.

En fin de semaine, ma Peanut passera encore plus d’heures que d’habitude à pratiquer son talent artistique. Elle traduira la chanson d’un autre chanteur (en gardant en tête que l’image projetée par les personnes [connues ou non] n’est qu’une partie de la réalité). Elle dessinera des esquisses, fera les calques. Elle s’assurera de pouvoir remettre son projet d’arts dans les délais prévus au départ. Et elle sera fière, parce qu’elle aura su défendre ses valeurs et ses convictions.

Bravo, ma Peanut ! Tu es un modèle à suivre.

Nathalie Courcy

Violences envers les femmes: revenir à l’amour

On m’a reproché

On m’a reproché de vivre dans un monde de licornes et d’arcs-en-ciel. OUI! Mets-en! Je permettrai toujours à mon esprit de galoper à dos de licorne sur des arcs-en-ciel plutôt que d’accepter ou de cautionner la bêtise humaine. Et loin de moi l’idée de penser que je suis #mamanparfaite.

Je défendrai toujours le droit à la Dignité, le droit à la Liberté, celle de son corps tout comme celle de son esprit. On a beaucoup parlé de culture du viol dans la dernière année et je sens le désir d’en parler encore pour alimenter mon esprit de femme et de maman. Bien honnêtement, jusqu’à tout récemment, je ne savais pas trop quoi en penser. Le mot « culture », c’est gros, surtout quand il est question de viol, d’agression et de harcèlement. Vous connaissez les vidéos de « Tout l’monde s’en fout »? Je les adore, c’est un doux mélange d’intelligence au travers d’un bel humour autour de plusieurs enjeux de société. Je vous invite à écouter la vidéo sur la culture du viol. Je dois avouer l’avoir regardée plusieurs fois tout comme plusieurs autres de leurs vidéos d’ailleurs.

Si comme moi, vous valorisez le droit à la Liberté de son corps et de son esprit, la notion de consentement est simple à comprendre. Ce n’est pas compliqué : à partir du moment où il n’y a pas de consentement, personne ne devrait se donner le droit de quoi que ce soit sur quelqu’un d’autre. J’aime quand c’est simple. Pas vous? Et que dire de ce beau questionnement que les vidéos amènent et que mon cœur de mère achète pour partager à mes enfants?

« Dans une relation, pourquoi ne pas se questionner sur ce qu’on peut donner à l’autre au lieu de penser à ce qu’on pourrait prendre?! »

Voilà, tout est dit.

Comment peut-on éduquer ses enfants maintenant? J’ai choisi de le faire le plus simplement du monde en leur partageant ce qui m’importe au sujet des relations amoureuses harmonieuses. Parce que c’est bien de relations amoureuses dont il est question quand on parle de sexualité. Vous serez d’accord? J’essaie d’utiliser toutes les occasions possibles pour faire remarquer à mes enfants qu’une relation entre deux personnes se bâtit sur la confiance. Pour cela, il faut apprendre à se connaître, à reconnaître ses besoins et ses limites, puis à les communiquer. Ensuite, il suffit d’apprendre à connaître et à respecter les besoins et les limites de l’autre. C’est ce qui permet de savourer un Amour sain.

J’ai souvent le sentiment qu’on préfère se diviser plutôt que de créer un monde uni. Je sens trop souvent qu’on tente de départager la responsabilité des victimes de celle des agresseurs. On ne peut pas être pour ou contre une agression, un abus ou le harcèlement. On peut tout simplement être pour le Respect et la Liberté.

Et si vous entendez encore parler d’un cas d’abus, d’agression ou de harcèlement sexuel, au lieu de débattre pour décider si c’est vrai ou non, si cette personne l’a cherché ou non, commencez donc par offrir votre Compassion. Parce que je vais répéter ce que j’ai déjà écrit : pourquoi juger si rapidement et si durement? Dans le fond, on ne sait rien. On ne sait rien de cette personne qu’on juge ni de ce qu’elle vit. Retenons nos paroles vaines et ouvrons notre cœur en guise de soutien à ceux qui en arrachent parfois, un peu, de temps en temps, tellement, tout le temps, parfois, selon… parce qu’on n’en sait RIEN, tendons la main ou passons notre chemin!

Je n’accepte juste pas un commentaire injustifié au sujet de quelqu’un qui a vécu un geste déplacé ou indésiré de nature sexuelle. #JusteNON #PASCORRECT

Le 25 novembre dernier, débutaient les douze jours d’action contre les violences envers les femmes. Soyons conscients!

 

 

Stéphanie Dionne

#MoiAussi: On est toute une gang

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On est toute une gang à avoir utilisé le mot-clic #MoiAussi ou #MeToo ces derniers jours. Malheureusement. On aurait tant aimé que ce mouvement ne soit pas nécessaire, que les cas d’agressions sexuelles, de harcèlement, de viols soient rarissimes, inexistants. On aurait aimé ne pas faire partie de celles et de ceux qui ont une ou des raisons de l’utiliser. On aurait aimé que nos sœurs, nos filles, nos femmes, nos mères, nos cousines, nos amies, nos voisines, n’aient rien vécu qui leur donne l’élan de reprendre ce mot-clic. Et pourtant.

Pourtant, on est toute une gang à avoir publié notre #MoiAussi. À avoir hésité. À s’être demandé si on oserait révéler une vérité que plusieurs autour de nous ne connaissaient pas. À avoir choisi de montrer notre mal à nu.

Certaines ont repris le mot-clic sans explications, sans justifications. Une façon de dire « J’en suis » tout en restant discrète, sans entrer dans les détails qu’on n’est pas prête à approfondir le sujet, à plonger dans un passé qu’on préférerait ne pas traîner derrière nous, dans notre chambre à coucher, au travail, dans nos relations familiales… Respect pour ces humains qui ont osé, tout en se respectant.

Certaines ont utilisé le mot-clic comme un tremplin pour faire (re)connaître leur histoire et la laideur de ceux qui les ont blessées. Une façon de dire « Voici la réalité », de détruire le tabou, de dire ce qui se passe vraiment quand une personne est agressée sexuellement. Le mot-clic «MoiAussi » prend quelques secondes à publier. Le mouvement durera un temps, quelques jours, quelques semaines. Il sera remplacé par une autre lutte, tout aussi pertinente. Mais les gestes, les crimes engrangés dans ce mot-clic restent présents dans la mémoire corporelle des victimes et dans leurs souvenirs conscients et inconscients. L’impact demeure, fait souffrir évolue. S’éternise, même s’il rend plus fort.

Derrière certains #MoiAussi, j’ai revu l’étincelle triste que j’avais perçue dans les yeux d’amies en les rencontrant. J’ai imaginé le cheminement parcouru pour devenir des citoyens exemplaires, des travailleurs efficaces, des conjoints équilibrés, des parents capables de transmettre à leurs enfants leur amour de la vie, des partenaires sexuels qui ont réussi à redonner un sens sain à des gestes qui auraient pu les anéantir. J’ai compris le lien intuitif que je sentais avec des personnes de mon entourage. On est toute une gang à partager un secret, devenu un peu moins secret ces derniers jours…

Espérons que la solidarité créée par le mouvement #MoiAussi persistera. Espérons que ces femmes, ces quelques hommes aussi, se reconnaîtront comme membres d’un groupe de soutien. Espérons qu’ils n’auront plus la honte au cœur et le mal de corps. Espérons qu’ils oseront se parler, se dire « Toi aussi, ça t’est arrivé ? Je suis là pour toi ».

Et espérons que la sensibilisation engendrée par ce mouvement virtuel empêchera des brutes de se servir d’une femme, d’un homme, d’un enfant, pour assouvir ses instincts sexuels sans sa permission. Je rêve en couleurs, je sais, mais je me donne quand même le droit de rêver. Parce que j’ai des filles, une mère, des cousines, des voisines… Parce que #MoiAussi.

 

Nathalie Courcy

 

Nous n’avions pas la même définition du mot amour

Recroquevillée sur moi-même, à laisser couler les larmes sur mes joues, je me vois encore en trai

Recroquevillée sur moi-même, à laisser couler les larmes sur mes joues, je me vois encore en train de mourir à petit feu. Quinze années   se sont écoulées depuis ma première histoire d’amour d’horreur.

J’avais tout juste 15 ans, j’étais une adolescente d’une bonne famille; je performais à l’école, j’avais un réseau social très fort. C’est alors que j’ai fait la rencontre d’un jeune homme de 21 ans, charmant, attentionné, respectueux. Du moins, c’est ce qu’il m’a fait croire.

Je l’aimais, c’était mon premier amour. J’étais prête à tout pour lui, je voulais cheminer avec lui. Les papillons dans mon ventre m’assuraient qu’il était mon grand amour, le vrai. J’y croyais.

 

“J’ai vite compris que lui et moi, n’avions pas la même définition du mot amour.”

 

Pourquoi disait-il m’aimer si c’était pour me blesser constamment ? Me blesser… Oui. Mais pas juste avec ses poings, pas juste avec ses pieds et pas juste avec des couteaux. Non. Me blesser avec les mots.

Onze ans plus tard, malgré mes cicatrices, c’est ma tête qui a encore mal. C’est avec elle que je dois dealer jour après jour pour vaincre mon anxiété, ma peur constante de tout. Ma peur de la mort principalement.

 

“Je vais te faire souffrir, petite pute.”

 

À tous les soirs lorsque je me couche, j’ai encore les images de la petite fille de 16 ans ligotée sur la voie ferrée. Je sens encore mon corps trembler, mon cœur battre à tout rompre et pensant vraiment être arrivée au chemin de non-retour. Je vois mes parents pleurer ma mort. Je te revois, toi et ton visage de satisfaction, me fixer droit dans mes yeux gorgés d’eau et de peur. Tes mots résonnent dans ma tête telles les cloches d’une église : « Je vais te faire souffrir, petite pute. » Puis j’entends le son du train qui approche. Je n’ai d’autres solutions que de fermer mes yeux et attendre. La bouche masquée d’un ruban, je ne peux crier.

Je ne sais pas si c’est la peur qui t’a gagné cette journée-là ou si c’est la raison, mais tu m’as détachée. J’ai eu peine à me tenir sur mes deux jambes pour regagner la voiture; j’étais complètement épuisée. Cette scène-là, elle me suit jour après jour. Une plaie comme ça, ça ne se referme pas aussi vite qu’une plaie physique.

Pourtant, j’en ai eu des plaies. J’en avais les bras remplis. Les jambes aussi. Tu te souviens ? Tu prenais un malin plaisir à aiguiser tes couteaux de chef en me fixant dans les yeux. J’en ai tellement esquivé des esties de couteaux pendant quatre ans. J’étais ton jeu humain de fléchettes. Heureusement pour moi, tu n’as jamais pogné le bull’s eye.

Quand j’essayais de partir, tu me retenais en me disant que t’allais changer. Puis moi bien, je te croyais. Je restais. J’y croyais parce que tu étais capable d’être si gentil, si doux… Mais ça, c’est quand que tu le voulais.

Des coups de poings, des coups de pieds, des couteaux plantés sur le bord de ma gorge, des menaces de mort, des abus sexuels… c’est tout ce que j’ai connu. En plus d’avoir perdu la majorité de mes amies qui voyaient bien que quelque chose ne tournait pas rond, je me suis isolée de ma famille. J’étais seule dans un appartement avec un gars instable, dans une autre ville, loin de tout. J’étais rendue à 17 ans. Je n’avais plus aucun repère. Je me sentais sale. Même si je partais, personne ne voudrait de moi. J’étais si affreuse, si maigre, si peu importante aux yeux de tous. En fait, c’était la vision que tu avais de moi et que tu réussissais à me faire croire.

Quand un petit être s’est installé dans mon ventre, tout s’est amplifié. Évidemment, ce bébé n’était pas planifié; je prenais religieusement ma pilule. J’étais dans une relation toxique, instable et dangereuse autant pour moi que pour le bébé.

 

“Je me sentais prête, enfin.”

 

Étrangement, je m’étais attachée très rapidement à cet enfant. Nous étions deux maintenant. C’était la meilleure raison pour moi de te quitter, de retourner dans ma ville près de mes proches et commencer une nouvelle vie avec un nouvel humain. Je me sentais prête, enfin. J’imagine que tu le sentais que je me détachais, je voyais à mon tour la peur dans tes yeux. Puis, tu as pris rendez-vous dans un hôpital d’une autre région, pour céduler mon avortement.

C’est à reculons que je me suis présentée au rendez-vous. J’étais accompagné de ma mère, avec qui j’avais repris contact à l’annonce de ma grossesse. Tu n’as même pas eu les couilles de m’accompagner. Dans ma tête, je comptais garder le bébé suite à l’échographie dating. Finalement, la drogue que tu as mise dans mes verres pour me rendre malade à ne plus en finir, et ce en espérant que j’élimine le bébé naturellement, aura eu son effet. Ça et tous les coups, tous les objets que mon ventre a rencontrés en si peu de temps. Mon bébé était mort. Rien ne bougeait dans mon ventre, il n’y avait plus aucune vie. C’était de ta faute. Tu as tué mon bébé. Tu m’as tué en même temps. Je n’avais plus aucun espoir et tout s’est effondré autour de moi.

Suite à ces évènements, je suis retournée chercher mes effets personnels à l’appartement. Tu pleurais, je m’en souviens comme si c’était hier. Tu voulais que je revienne. Tu m’as même promis de me faire un bébé, que tu regrettais l’avortement. Je n’ai pas cédé. J’ai pacté mon linge et j’ai voulu franchir la porte. Un pas de trop… Encore. Tu t’es mis à me frapper au visage, tirer sur mon linge… pendant plusieurs longues minutes. Tu as réussi à me violer pour la dernière fois, même si je me suis débattue tout le long.

Je te détestais. Je voulais juste partir. Aurais-tu pu s’il-vous plait, juste me laisser PARTIR ? Jamais, j’ai fait allusion à te dénoncer, je voulais juste faire ça tranquille pour une fois. Puis comme tu voulais avoir le contrôle pour une dernière fois, tu m’as fait sortir. Je n’ai même pas touché à une marche du deuxième étage au rez-de-chaussée. Tu m’as jetée comme on lance un vilain sac de poubelle. Côtes fracturées, contusions multiples, coupures multiples et traumatisme crânien. Même le médecin n’y allait pas de main morte pour te nommer de tous les noms. Ça aura été long et pénible, mais je m’en suis sortie.

Aujourd’hui, je m’aime. J’ai un conjoint plus que compréhensif qui m’aime, mes enfants m’aiment et j’ai une famille extraordinaire. Je vis dans un cocon rempli d’amour, le vrai. Je vis dans un climat de tendresse, d’acceptation, de joie. Je travaille fort sur moi-même à chasser des démons, mais j’accepte de demander de l’aide. Je me suis choisie. Je me respecte. C’est possible de s’en sortir, même lorsqu’on n’y croit plus.

 

À toi mon enfant,

Merci.

Merci de m’avoir choisie. Merci de m’avoir sauvé la vie. Merci d’avoir compris que cette vie n’était pas saine, ni pour toi ni pour moi. Merci d’être mon ange depuis onze ans maintenant et de me protéger.

Je t’aime,

Maman