Un beau matin

Il pleut. C’est lundi.

Je sais qu’il pleut parce que dans ma tête, c’est l’été pis je refuse de fermer la fenêtre de notre chambre, même s’il fait encore deux degrés le matin pis que les oiseaux ont des voix rauques de moineaux grippés. Je sais qu’il pleut parce que je l’entends très bien tomber, cette belle pluie venue nous scraper notre lundi matin.

Je me réveille doucement en humant l’odeur du café préparé la veille et qui se déclenche automatiquement à 5 h 45. Habituellement, l’alarme du cadran sonne cinq minutes plus tard, donc environ en même temps que le « bip‑bip » solennel interminable de la cafetière. Mais là, j’ouvre les yeux violemment et je me rends compte que l’odeur est assez enivrante pis qu’il n’y a pas de « bip‑bip » qui se fait entendre. Je réalise que le cadran n’a pas sonné et que, obviously, on sera en retard ce matin.

Je me lève rapido en disant doucement à mon mari : « Chéri, le cadran n’a pas sonné, lève-toi! », telle une sérénade des temps modernes. Il ne bouge pas, à part un petit « oumf » qui me prouve juste qu’il n’est pas mort. Je relance avec un « HEILLE, LE CADRAN A PAS SONNÉ, Y’É 7 h, MILA A MANQUÉ L’AUTOBUS, FAQUE ENVOYE! »

Je commence par aller réveiller la grande, qui est vraiiiiiiiiiiiiiment la fille de son père. Genre, elle sera de ceux et celles qui changent l’heure de leur cadran pour se faire croire qu’ils ont plus de temps pour dormir pis qui snoozent quand même pendant une heure le matin avant de se lever. Bref, je la réveille de doux baisers dans son p’tit cou tout chaud.

Je passe à la prochaine chambre à coucher pour réveiller nº 2 qui, elle, est déjà full pimpante réveillée (mes gènes ont gagné sur celle-là) et qui joue à se cacher la face dans les toutous, tel un bébé autruche full naïf. Je l’invite à enlever sa Pull-up et à venir me rejoindre dans la cuisine où moi-même je me dirige en sortant de sa chambre.

Je pense à mon café. Mon amour… si tendre, si doux, si là pour moi dans les moments difficiles. J’ouvre l’armoire pour me prendre une tasse et j’entends un « Mamaaaaaaaaan?! » sur un air d’innocence, de questionnement pis de panique. Je le sais ce que son cri veut dire, faque je repose ma tasse vide sur le comptoir et je tourne les talons pour me rendre dans la chambre de nº  1. Comme je le soupçonnais, un petit (lire gros) accident est survenu pendant la nuit. Mon nez ne me trompait pas alors, ça sentait réellement el’pipi quand je suis venue la réveillée! Ça me flabbergastera toujours de voir qu’on peut dormir si profondément sans jamais se réveiller, même quand on se pisse dessus.

Conséquemment, je procède avec une douche chaude savonneuse pour la grande, tout en la rassurant que ça va bien aller et que des accidents, ben… ça arrive. J’ajoute que même maman des fois, elle se fait pipi dessus #joie. Alors, Hop! Je la sèche et l’habille, puis on se dirige vers la cuisine. CAFÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. Là, t’as mon mari qui revient de sa douche du sous-sol pis qui catche pas pantoute pourquoi personne n’a encore déjeuné. Va falloir aussi qu’on m’explique un jour comment une douche peut durer vingt minutes, quand t’as même pas de cheveux à laver. Ahhh pis laissez-faire, j’aime mieux pas l’savoir.

Préparation du déjeuner, préparation des lunchs et regard méchant vers la fenêtre de la cuisine qui me confirme qu’il mouille en crisse dehors. Déjeuners engloutis, ils nous restent vingt minutes avant d’être officiellement en retard à l’école et que la madame du secrétariat nous fasse de gros yeux qui veulent dire « ENCORE?! » Un jour, j’vais lui répondre qu’on ne peut pas tous être des parents parfaits. Mais bon, d’ici ce temps-là, c’est papa qui s’occupe de prouver que le moteur de son char est aussi puissant qu’il le dit, en tentant d’éviter le retard à l’école.

Pour ma part, je me suis occupée de changer les draps et de partir une brassée avant d’aller braver les seaux d’eau qui tombaient du ciel pour aller mener nº 2 à la garderie. Puisqu’habituellement, c’est papa qui y va, c’était un peu déstabilisant pour elle et quelques petites larmes s’en sont suivies, mais ce n’était rien qu’un câlin de l’éducatrice ne pouvait régler.

Je suis revenue à la maison en même temps que mon mari qui devait faire du télétravail aujourd’hui. Puisque je suis entrepreneure, j’ai la chance de travailler de la maison tous les jours. Nous nous sommes servi un café, nous avons placoté cinq minutes et nous nous sommes souhaité une bonne journée. On s’est embrassés, il est descendu dans son bureau et je me suis dirigée dans le mien, qui occupe toute la salle à manger du rez-de-chaussée.

Faque mon matin a beau être pluvieux et sentir le pipi, il est parfait à mes yeux pour la simple raison qu’un beau matin comme celui-ci, ÇA, c’est du bonheur pur. Pis quand on a le bonheur pur, ben il fait oublier la pluie et le pipi.

Valérie La Salle



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