Veuillez laisser un message ou revenir plus tard… nous sommes partis à la chasse au volcan!

Jeudi matin 23 août 2018

La fin des vacances approche… Je profite d’un dernier matin tranquille avant de reprendre la routine d’école à la maison avec les enfants. Mon amoureux, lui, est déjà rentré au travail. Je regarde distraitement mon fil d’actualité lorsqu’une nouvelle capte mon attention : « Hé! On dirait que l’Etna est entré en éruption. » Mon plus vieux réagit encore plus intensément que je l’anticipais : « Quoi? On fonce! » Moi : « Voyons, c’est impossible. » Et lui (armé de ses dix ans et de ses yeux pétillants) : « Oui maman, on peut le faire. Tu sais que je rêve de voir de la lave! »

Mmm… Il n’a pas complètement tort. C’est faisable. Nous habitons la région de Campi Flegrei près de Naples. Notre quotidien se déroule donc sur un énorme volcan qui pourrait exploser n’importe quand sans crier gare (mais si ça arrivait, nous ne serions plus en vie pour admirer le spectacle…) Nous avons aussi une splendide vue sur le Vésuve, définitivement (et heureusement) très tranquille. En une heure d’avion, nous pourrions nous rendre en Sicile, l’île où se trouve l’Etna. Nous avons du temps et des sous en banque, en prévision de nos trois prochains voyages (la mythique route des vins de Toscane, un opéra à la célèbre Scala de Milan et les superbes villages de pêcheurs de Cinque Terre). Je sais qu’aucun de ces voyages ne fera briller les yeux de mes enfants comme le fait d’embarquer dans une chasse au volcan spontanée. On pourrait peut-être remplacer un des voyages inscrits au calendrier par cette aventure imprévue…

OK, on va appeler Papa…

Moi : Bonjour mon amour, bon dixième anniversaire de mariage.

Mon amour : Bon anniversaire. Je t’aime…

Moi : Moi aussi je t’aime. Je te passe ton fils.

Mon amour : ?

Fils : Bonjour, l’Etna est entré en éruption strombolienne. Tu voudrais prendre congé demain? J’ai vérifié sur Internet et on pourrait partir à sept heures trente ce soir pour la voir.

Papa : OK, je vérifie ce que je peux faire.

Mon grand est optimiste. Il a détecté de l’ouverture dans la voix de Papa. Je commence déjà à penser à la logistique… Il faudra contacter nos amis qui font l’éducation à domicile en Sicile. Peut-être qu’on pourra les voir… Zut! Je me rappelle juste à ce moment qu’on annonce du mauvais temps là-bas. Une tempête pourrait gâcher les plans qui commencent à peine à prendre forme… Si nous n’avons qu’une soirée pour observer un volcan, un ciel dégagé est définitivement un élément essentiel à la réalisation du projet. La déception remplace rapidement la fébrilité. Nous venons de perdre l’espoir de voir les feux de l’Etna aujourd’hui…

Les trois jours qui suivent sont une vraie montagne russe d’émotions. L’anxiété m’envahit lentement comme ma propre marée de lave rampante bien à moi… Si j’avais pris l’avion le jour même, j’aurais probablement continué à rouler sur l’excitation. Mais, à tête refroidie, les questionnements prennent le plancher et instillent le doute. J’ai peur de faire une erreur. L’adrénaline a-t-elle été bonne conseillère? J’ai l’habitude des décisions réfléchies, raisonnables et responsables. Ce volcan m’a branchée sur l’impulsivité, le courage et la démesure.

Comment les enfants réagiront-ils si nous ne voyons rien? Il suffirait d’un gros nuage accroché au sommet de la montagne pour nous empêcher de voir ce phénomène exceptionnel. Un phénomène qui peut s’interrompre à tout moment…

Les enfants sont zen et je fais de mon mieux pour les rejoindre dans leur philosophie Pas de voyages sans aventures. Ils en ont fait du chemin, mes cocos, depuis leur premier voyage en Europe. Ils considèrent maintenant que l’imprévisibilité fait partie de l’expérience et sont prêts à assumer le risque. Je ne peux que les admirer et m’inspirer de mes petits bouddhas.

Dimanche matin 26 août 2018

Nous débarquons finalement à l’aéroport de Catania, trois jours plus tard. À notre arrivée, nous entendons dire que l’Etna a cessé de cracher son feu dans la nuit de samedi. Nous l’avons peut-être manqué de peu… Mais pas question de se laisser démonter tout de suite! Nous aurons notre réponse à la tombée du jour…

Chez nos amis, vers 20 h, nous commençons par apercevoir de petits nuages de fumée émis par le cratère étouffant. On se croirait dans une BD de Lucky Luke et les Indiens devant cette montagne qui nous toussote un message… À l’aide de jumelles, nous ne tardons pas à repérer quelques jets de magma en fusion propulsés en colonne bien droite dans les airs. Notre joie explose! L’Etna est réveillé! S’ensuit une folle excursion nocturne en voiture autour de la montagne qui gronde. Nous zigzaguons à travers les villages animés (à 21 h, les Italiens commencent à peine à sortir pour souper) jusqu’à Sant’Alfio, où enfin, nous avons la chance d’observer à l’œil nu une grande coulée de lave s’écoulant dans la Valle del Bove. Mission réussie!

Le volcan n’était qu’un prétexte pour créer un moment de famille mémorable. Une occasion de mordre dans la vie à pleines dents avec nos deux enfants! C’était impressionnant, je l’avoue, mais peut-être que ce ne sera même pas un moment qui restera gravé dans leur mémoire. Peut-être que ce sera la nuit des perséides, où nous avons réveillé notre sept ans pour qu’il réalise son souhait de voir une étoile filante. Ou cette chaude soirée de juillet, quand nous leur avons proposé un bain de minuit dans la piscine. Peut-être même qu’ils se rappelleront longtemps notre défi d’écouter tous les films de Marvel pendant les vacances.

Une chose est sûre, personne n’a besoin d’un volcan pour créer un souvenir magique. Il suffit de remarquer la petite étincelle qui s’allume dans les yeux de ceux qu’on aime et d’avoir le cœur de répondre « Oui, j’embarque avec toi! »

Elizabeth Gobeil Tremblay



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