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Une journée d’adoption, histoire à deux voix

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Histoire à deux voix : Maman et fiston (11 ans) écrivent sur un même sujet. Le texte de fiston est en italique. Mention spéciale à petit frère (8 ans) pour sa contribution.

En janvier 2018, j’ai commencé à offrir une marche hebdomadaire aux chiens du refuge San Francesco (près de Naples, en Italie) avec mon mari et nos enfants. Pour plusieurs raisons, nous ne pouvions pas avoir de chien en Italie et, bien honnêtement, je me questionnais à ce moment‑là sur ma capacité à être une bonne maîtresse, alors c’était mieux comme ça.

Parmi les 300 chiens du refuge se trouvait Rufus. Rufus, c’est un chien facile. C’est le chien qui m’a réconciliée avec ma crainte de ne pas avoir le tour. Il n’a pas besoin que je sois parfaite, juste que je lui offre mon cœur et des soins. Alors, j’ai aussi voulu lui offrir une maison. Avant de quitter pour le Canada, nous avons fait toutes les démarches nécessaires pour pouvoir le ramener avec nous. Et c’est mon fils qui a trouvé les mots les plus justes pour raconter cette journée riche en émotions.

Avant de partir, j’ai fait une pancarte pour remercier le refuge. Je voulais leur montrer à quel point c’était important pour moi. Je ne parle pas italien et j’avais peur de dire n’importe quoi. Alors j’ai écrit : Grazie per avere salvato la vita di Rufus. Ci prenderemo cura di lui con molto amore. (Traduction : Merci d’avoir sauvé la vie de Rufus. Nous prendrons soin de lui avec beaucoup d’amour.) J’ai dessiné un cœur aux couleurs de l’Italie (vert, blanc et rouge) avec un Rufus à l’intérieur.

Quand on est arrivés, j’étais un peu triste parce que c’était la dernière fois qu’on allait au refuge. Mais j’étais content parce qu’on ramenait une partie du refuge avec nous. L’odeur était comme d’habitude : crottes de chien et croquettes mouillées. Il faisait soleil et très chaud. Quand on a ouvert la porte en métal vert rouillée, au moins 100 des 300 chiens du refuge se sont mis à aboyer. Les gens qui ont vu ma pancarte prenaient des photos.

J’avais vraiment hâte de voir Rufus, mais mon petit frère avait l’air encore plus excité. Il débordait d’énergie comme un singe qui se réveille le matin. Alors qu’il est habituellement très calme au refuge, il semblait tout à coup hors de contrôle. Il courait partout, il sautait sur les murets, il ramassait des objets et les lançait, il demandait toujours : « On y va? On y va? On y va? ». Il a fallu être patient parce que les adultes avaient beaucoup de choses à régler. On s’est même demandé si on allait vraiment finir par aller chercher Rufus.

Quand on est arrivés devant sa cage, la queue de Rufus bougeait tellement vite qu’on ne la voyait pas. Il brillait au soleil comme une étoile dans la nuit. Rufus est blanc avec de grosses taches beiges. On l’appelle notre petit « Labgel » parce qu’il ressemble à un labrador blond croisé avec un Beagle. J’étais tellement content que je pleurais de joie. Quand papa lui a mis son nouveau collier noir, j’ai trouvé qu’il lui allait à merveille. Rufus avait l’air vraiment content, comme s’il comprenait ce qui se passait. O.K. je l’avoue, quand mes parents avaient commencé à parler de le ramener au Canada, je lui avais déjà expliqué : « Si tu continues à bien faire ça, on va t’adopter. ».

 

On s’est mis en route vers la porte, mais Fulvio (celui qui a trouvé Rufus sur l’autoroute) nous a arrêtés. Il a avancé sa grosse main devant papa. J’avais peur que Fulvio soit fâché que l’on parte avec Rufus. Mais quand j’ai vu son grand sourire fendu jusqu’aux oreilles et ses yeux brillants, j’ai compris qu’il était vraiment reconnaissant qu’on l’adopte. Il voulait serrer encore la main de papa et le remercier, mais il parle seulement italien. Ils se sont donc parlé avec leurs yeux et leurs mains. Il a demandé à Chiara, qui parle italien et anglais, de nous dire qu’il voulait nous inviter à manger une pizza pour nous exprimer toute sa gratitude.

 

Quand on est arrivés à l’auto, papa a ouvert la porte du coffre et Rufus a sauté dedans comme si c’était le paradis des chiens. Presque tous les bénévoles du refuge entouraient l’auto et nous regardaient partir en souriant. Ils prenaient des photos comme si nous étions des stars. Papa a fait démarrer le moteur. Dans l’auto, un grand silence est tombé, juste interrompu par le bruit de Rufus qui essayait de passer par-dessus le dossier du banc pour nous rejoindre à l’arrière mon frère et moi. Nous ressentions un mélange de joie et de tristesse. Nous avions quand même le cœur gros de quitter le Rifugio San Francesco où nous allions tous les samedis depuis un an et demi.

Rufus, c’est notre Cadeau du Ciel, le plus beau souvenir qu’on pouvait ramener d’Italie. Je croyais qu’il fallait avoir une petite bouille de chiot pour me faire craquer, mais Rufus m’a montré que je pouvais m’attacher à un chien plus vieux. Je l’appelle « Mon petit monsieur » et je profite maintenant tous les jours de sa bonne nature. Il ne reste plus, maintenant, qu’à lui faire découvrir notre hiver québécois!

Elizabeth Gobeil Tremblay,

Emerick (11 ans)

et Alexandre (petit frère)

Crédit photo: L. Photography

Rentrer au Canada, déjà?

Le bonheur n’est ni dans l’être ni dans l’avoir. Il est dans l’action, dans le plaisir

Le bonheur n’est ni dans l’être ni dans l’avoir. Il est dans l’action, dans le plaisir et dans l’amour.

(André Comte-Sponville)

 

Les vibrations de mon cellulaire me tirent de ma rêverie sous l’oranger…

 

C’est mon amoureux au téléphone : « Eli, es-tu bien assise? J’ai une grosse nouvelle à t’annoncer. »

Moi : « Oui, bien sûr, je t’écoute. »

Mon amoureux : « L’Armée veut nous ramener au Canada un an plus tôt que prévu. »

 

Aux côtés d’un(e) militaire qui se dévoue pour sa patrie, il y a généralement un(e) conjoint(e) et des enfants qui le soutiennent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une famille s’expatrie pour le travail.

 

La nouvelle me fait l’effet d’une grande bourrasque. J’ai le souffle coupé. Trop d’air tout d’un coup. Le vent m’entraîne vers le haut. Je monte… monte… monte… sur la crête d’une vague immense. Et pendant l’ascension, mon cœur se gonfle… gonfle… gonfle… Se gonfle de quoi? Se gonfle de joie! Oh que oui!

 

Je suis presque aussi excitée d’apprendre notre retour au Canada que je l’étais d’apprendre notre départ en Italie! Contente de partir à l’aventure, mais tellement heureuse d’en revenir!

 

Je n’ai aucun regret d’être venue vivre trois ans (oups, deux ans!) en Italie. Mais c’est fou à quel point une expérience peut être dure et fabuleuse tout à la fois… En tant que parent, vous arriverez sûrement à me comprendre facilement parce qu’avoir des enfants entre définitivement dans la même catégorie insensée.

 

Oui, je le ferais encore. Je serrerais les dents à travers les instants plus éprouvants et je savourerais les beaux moments. Comme le philosophe André Comte-Sponville nous le rappelle si bien, ce n’est sûrement pas dans l’avoir que l’on trouve le bonheur ni même dans l’être (il suffit de passer vingt-quatre heures en tête-à-tête avec soi-même pour vite le réaliser), mais bien dans l’agir. C’est tout ce qu’on a fait en Italie qui nous a permis d’en ressortir plus forts. Les voyages à travers l’Europe, l’école à la maison, le bénévolat dans un refuge canin, notre implication auprès de la communauté canadienne, les cours d’italien, les sorties en bateau avec nos voisins, les amitiés développées… et même : l’écriture de billets pour les lecteurs de Ma Famille Mon Chaos!

 

Nous rentrons à la maison mûris et plus solides. Peut-être juste un peu plus fragiles pour affronter les prochains hivers canadiens… Je crois que j’aurais préféré ne jamais réaliser à quel point les Québécois se font rouler! Dame Nature est si clémente à Naples avec ses printemps verts, ses étés ensoleillés, ses automnes et ses hivers doux. Comment arriverai-je à supporter maintenant, les printemps gris : synonymes de sloche, de bouette et de pluie? Les étés inconstants et les hivers si frettes que la batterie de notre téléphone rend l’âme dès qu’on le sort de notre poche? C’est sûr que ce sera dur de renoncer au climat méditerranéen après y avoir goûté. Même si nous sommes heureux de rentrer au Canada, nous ne serons plus jamais tout à fait les mêmes Canadiens.

 

Elizabeth Gobeil Tremblay

Veuillez laisser un message ou revenir plus tard… nous sommes partis à la chasse au volcan!

Jeudi matin 23 août 2018

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Jeudi matin 23 août 2018

La fin des vacances approche… Je profite d’un dernier matin tranquille avant de reprendre la routine d’école à la maison avec les enfants. Mon amoureux, lui, est déjà rentré au travail. Je regarde distraitement mon fil d’actualité lorsqu’une nouvelle capte mon attention : « Hé! On dirait que l’Etna est entré en éruption. » Mon plus vieux réagit encore plus intensément que je l’anticipais : « Quoi? On fonce! » Moi : « Voyons, c’est impossible. » Et lui (armé de ses dix ans et de ses yeux pétillants) : « Oui maman, on peut le faire. Tu sais que je rêve de voir de la lave! »

Mmm… Il n’a pas complètement tort. C’est faisable. Nous habitons la région de Campi Flegrei près de Naples. Notre quotidien se déroule donc sur un énorme volcan qui pourrait exploser n’importe quand sans crier gare (mais si ça arrivait, nous ne serions plus en vie pour admirer le spectacle…) Nous avons aussi une splendide vue sur le Vésuve, définitivement (et heureusement) très tranquille. En une heure d’avion, nous pourrions nous rendre en Sicile, l’île où se trouve l’Etna. Nous avons du temps et des sous en banque, en prévision de nos trois prochains voyages (la mythique route des vins de Toscane, un opéra à la célèbre Scala de Milan et les superbes villages de pêcheurs de Cinque Terre). Je sais qu’aucun de ces voyages ne fera briller les yeux de mes enfants comme le fait d’embarquer dans une chasse au volcan spontanée. On pourrait peut-être remplacer un des voyages inscrits au calendrier par cette aventure imprévue…

OK, on va appeler Papa…

Moi : Bonjour mon amour, bon dixième anniversaire de mariage.

Mon amour : Bon anniversaire. Je t’aime…

Moi : Moi aussi je t’aime. Je te passe ton fils.

Mon amour : ?

Fils : Bonjour, l’Etna est entré en éruption strombolienne. Tu voudrais prendre congé demain? J’ai vérifié sur Internet et on pourrait partir à sept heures trente ce soir pour la voir.

Papa : OK, je vérifie ce que je peux faire.

Mon grand est optimiste. Il a détecté de l’ouverture dans la voix de Papa. Je commence déjà à penser à la logistique… Il faudra contacter nos amis qui font l’éducation à domicile en Sicile. Peut-être qu’on pourra les voir… Zut! Je me rappelle juste à ce moment qu’on annonce du mauvais temps là-bas. Une tempête pourrait gâcher les plans qui commencent à peine à prendre forme… Si nous n’avons qu’une soirée pour observer un volcan, un ciel dégagé est définitivement un élément essentiel à la réalisation du projet. La déception remplace rapidement la fébrilité. Nous venons de perdre l’espoir de voir les feux de l’Etna aujourd’hui…

Les trois jours qui suivent sont une vraie montagne russe d’émotions. L’anxiété m’envahit lentement comme ma propre marée de lave rampante bien à moi… Si j’avais pris l’avion le jour même, j’aurais probablement continué à rouler sur l’excitation. Mais, à tête refroidie, les questionnements prennent le plancher et instillent le doute. J’ai peur de faire une erreur. L’adrénaline a-t-elle été bonne conseillère? J’ai l’habitude des décisions réfléchies, raisonnables et responsables. Ce volcan m’a branchée sur l’impulsivité, le courage et la démesure.

Comment les enfants réagiront-ils si nous ne voyons rien? Il suffirait d’un gros nuage accroché au sommet de la montagne pour nous empêcher de voir ce phénomène exceptionnel. Un phénomène qui peut s’interrompre à tout moment…

Les enfants sont zen et je fais de mon mieux pour les rejoindre dans leur philosophie Pas de voyages sans aventures. Ils en ont fait du chemin, mes cocos, depuis leur premier voyage en Europe. Ils considèrent maintenant que l’imprévisibilité fait partie de l’expérience et sont prêts à assumer le risque. Je ne peux que les admirer et m’inspirer de mes petits bouddhas.

Dimanche matin 26 août 2018

Nous débarquons finalement à l’aéroport de Catania, trois jours plus tard. À notre arrivée, nous entendons dire que l’Etna a cessé de cracher son feu dans la nuit de samedi. Nous l’avons peut-être manqué de peu… Mais pas question de se laisser démonter tout de suite! Nous aurons notre réponse à la tombée du jour…

Chez nos amis, vers 20 h, nous commençons par apercevoir de petits nuages de fumée émis par le cratère étouffant. On se croirait dans une BD de Lucky Luke et les Indiens devant cette montagne qui nous toussote un message… À l’aide de jumelles, nous ne tardons pas à repérer quelques jets de magma en fusion propulsés en colonne bien droite dans les airs. Notre joie explose! L’Etna est réveillé! S’ensuit une folle excursion nocturne en voiture autour de la montagne qui gronde. Nous zigzaguons à travers les villages animés (à 21 h, les Italiens commencent à peine à sortir pour souper) jusqu’à Sant’Alfio, où enfin, nous avons la chance d’observer à l’œil nu une grande coulée de lave s’écoulant dans la Valle del Bove. Mission réussie!

Le volcan n’était qu’un prétexte pour créer un moment de famille mémorable. Une occasion de mordre dans la vie à pleines dents avec nos deux enfants! C’était impressionnant, je l’avoue, mais peut-être que ce ne sera même pas un moment qui restera gravé dans leur mémoire. Peut-être que ce sera la nuit des perséides, où nous avons réveillé notre sept ans pour qu’il réalise son souhait de voir une étoile filante. Ou cette chaude soirée de juillet, quand nous leur avons proposé un bain de minuit dans la piscine. Peut-être même qu’ils se rappelleront longtemps notre défi d’écouter tous les films de Marvel pendant les vacances.

Une chose est sûre, personne n’a besoin d’un volcan pour créer un souvenir magique. Il suffit de remarquer la petite étincelle qui s’allume dans les yeux de ceux qu’on aime et d’avoir le cœur de répondre « Oui, j’embarque avec toi! »

Elizabeth Gobeil Tremblay

Devons-nous protéger nos enfants de tous les dangers?

Nous avons de plus en plus l’impression de revenir chez nous lorsq

Nous avons de plus en plus l’impression de revenir chez nous lorsque nous apercevons au loin la sublime île de Procida dans son écrin bleuté… L’expression même de chez nous commence à devenir floue… Curieusement, la mer est devenue notre repère. Naples nous apprivoise tranquillement.

Malheureusement, de terribles images nous sont également de plus en plus familières. À quelques kilomètres seulement de la base internationale de l’OTAN, nous sommes régulièrement témoins de la misère des esclaves des temps modernes. Des hommes et des femmes qui ont fui l’Afrique, croyant échapper au mauvais sort, et qui sont maintenant exploités dans les champs ou sur les trottoirs.

Je ne m’étendrai pas ici sur les problématiques de ma terre d’accueil, peu ouverte à la critique. Si vous croyez que j’exagère sa mauvaise foi, sachez que Naples invite ses citoyens à protéger l’image et la réputation de la ville en rapportant toute couverture négative #prenezgardeblogueurs (Difendi la Città : http://www.comune.napoli.it/flex/cm/pages/ServeBLOB.php/L/IT/IDPagina/32643).

Mais ce qui devient surtout de plus en plus évident pour moi, c’est que la méfiance est l’ennemie n1 de la connaissance. Les occasions qui me permettent d’apprendre à réellement connaître les Napolitains sont celles où j’accepte d’ouvrir les barrières et d’aller à leur rencontre.

S’adapter à un nouveau pays, ça n’arrive pas comme par magie, en regardant le temps passer. Pour découvrir la beauté de Naples, il nous faut accepter ses invitations. On se retrouve donc en équilibre sur un mince fil où chaque décision d’avancer avec confiance pourrait nous permettre d’entrevoir toute la beauté du monde… ou sa dureté.

Se pointe alors une troublante question : faut-il balancer par‑dessus bord mesdemoiselles Prudence et Vigilance pour oser vivre à l’étranger? Je parle de la vraie vie, là, celle qui se présente sans garantie, sauf celle d’être risquée.

À trop se méfier… à vouloir tout éviter à sa famille… eh bien, justement! Est-ce qu’on ne se retrouve pas à TOUT leur éviter, sans distinction, sans trouver le juste milieu?

Parfois, le risque est facile à prendre… Jaser avec un pêcheur sur le quai et découvrir sa technique particulière pour capturer les seiches… Marcher avec un homme sur la plage et apprendre comment les goûteuses moules du lac Fusaro sont cultivées…

Parfois, c’est plus difficile… Prudence et Vigilance refusent de se taire… Elles négocient et finissent par accepter de se faire plus petites, à condition que je ne les tasse pas complètement. Quand j’accepte l’aide d’un ado au regard candide malgré toutes ces images de criminels recrutés de plus en plus jeunes (http://www.ilmeridianonews.it/2018/01/il-manifesto-della-baby-gang-facciamo-paura-qs/)… Quand j’amène ma famille dans les quartiers mal famés pour rencontrer ceux qui aident les enfants les plus vulnérables (https://www.theguardian.com/news/2018/feb/01/migrants-more-profitable-than-drugs-how-mafia-infiltrated-italy-asylum-system)…

Je réalise que mes plus beaux souvenirs d’Italie disparaîtraient, métamorphosés en rendez‑vous manqués, si je n’avais pas cloué le bec de Prudence et Vigilance au bon moment.

C’est pour cette raison que je refuse de laisser mes peurs me guider. Que je choisis de poursuivre avec courage ma recherche des humains qui font le beau et le bien… même s’il faut parfois jouer avec le feu pour arriver à les trouver et accepter qu’il est impossible de se protéger de tous les dangers.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Ces 300 chiens qui font du bien à mes enfants

Après un temps des fêtes franchement revitalisant, j’ai enfin se

Après un temps des fêtes franchement revitalisant, j’ai enfin senti la paix s’installer dans mon petit cœur. Ce n’est que lorsque la sérénité s’est installée que j’ai réalisé que je venais de traverser un deuil.

Je ne voulais pas réellement balancer par la fenêtre ma vie bien rangée. Ce que je voulais, c’était voyager. Le déménagement, c’était mon sacrifice, le prix à payer pour découvrir l’Europe.

Savoir que je retrouverais ma maison, ma famille et mes amis dans trois ans a bien sûr facilité mon départ du Québec, mais pas mon adaptation en Italie. J’ai perdu trop de temps, pendant mes premiers mois ici, à rêver à mon futur retour à la maison. Déjà qu’on vit souvent au conditionnel dans un déménagement, empêtrés dans nos craintes et nos espoirs… Ça ne laissait pas beaucoup de place au moment présent, tout ça.

Mais le temps des questionnements est révolu, mes rêves déçus ont été digérés. Non, nos garçons ne deviendront sûrement pas les meilleurs amis de nos petites voisines italiennes, mais ils se sont fait de super copains canadiens. Et oui, mes petits trésors vont probablement accueillir chaque nouveau projet de voyage avec méfiance, mais l’avantage est qu’ils ne seront jamais déçus, toujours agréablement surpris. Ça pourrait être pire que ça.

Je vous assure que si vous ajoutez : organiser un déménagement outre‑mer et apprendre une nouvelle langue à votre liste de priorités, l’équilibre de votre vie foutra le camp tout d’un coup. « Trop de priorités » équivaut à « pas de priorités ». Mais maintenant que la transition est complétée, j’ai pu retrouver les habitudes qui me faisaient du bien. Elles possèdent même, maintenant, un charmant accent italien. Notre routine, fracassée à grands coups de massue en quittant notre pays, s’est teintée de nouvelles couleurs. Nos priorités ont pu reprendre leur place.

Après un été et un automne mouvementés, l’hiver s’annonçait donc beau et doux chez nous. Seul nuage à l’horizon : mes enfants, eux, étaient toujours pris dans la tempête. Déni, Tristesse et Colère (on dirait les personnages du film Sens dessus dessous!) prenaient encore beaucoup de place. Pas toute la place, heureusement, mais juste assez pour réaliser que mes cocos auraient besoin d’un peu d’aide pour atteindre l’oasis d’acceptation à leur tour.

Comme de vrais endeuillés, mes petits bonhommes de sept et dix ans avaient besoin d’exprimer leurs émotions (cet élément était déjà bien en place) MAIS AUSSI des pensées plus positives (cet élément pouvait être amélioré). L’équation me semblait évidente. Plus ils vivraient de beaux moments en Italie, plus ils apprécieraient leur nouvelle vie. S’ils se contentaient de ruminer leurs plans d’évasion vers le Canada, ils éveilleraient encore et encore Déni, Tristesse et Colère. C’était leur responsabilité de cesser d’alimenter la machine à idées noires pour diriger les projecteurs sur les moments plus heureux. Après six mois en Italie, ils avaient un choix à faire et deux parents prêts à les soutenir dans leur démarche. Nous étions en mode Intervention.

Nous avons demandé aux enfants ce qu’ils aimaient faire en Italie et leur réponse était claire : ils voulaient aider le refuge canin San Francesco. À notre arrivée à Naples, nous nous y étions rendus pour participer à une activité de financement et rencontrer les gens qui ont à cœur d’aider les chiens errants, trop nombreux ici. Mes enfants voulaient y retourner et faire du bénévolat auprès des 300 chiens du refuge. Aussitôt dit, aussitôt fait! C’est ainsi qu’on allait débuter notre année 2018.

Depuis deux mois, nous nous joignons donc au groupe de bénévoles qui offrent une promenade hebdomadaire aux pensionnaires. Nous commençons toujours par aller voir Willy, âgé d’une dizaine d’années, que nous avons pris sous notre aile plus officiellement. Son père devait être un Border Collie noir et blanc, mais sa mère… allez savoir! Il vit au refuge depuis au moins trois ans et ne le quittera sûrement jamais. Même les adorables chiots (une vingtaine arrivés depuis janvier seulement) risquent de grandir et de mourir au refuge, alors le vieux Willy…

Pour nous, Willy a été un coup de cœur dès le premier instant. L’affection est réciproque. Il laisse les enfants brosser son poil crasseux, les yeux mi-clos, le museau tourné vers le soleil…

Les autres bénévoles, qui nous ont d’abord réservé un accueil cordial, nous offrent maintenant un sourire chaleureux chaque samedi. (Je comprends tellement leur manque d’enthousiasme initial à décoder mon baragouinage italien!) Notre fidélité au rendez-vous et nos efforts à comprendre leur façon de fonctionner (on n’est pas à Walt Disney!) ont porté fruit. Désormais, lorsque nous mettons les pieds au refuge, la vénérable « nonna » nous gratifie d’un « Willy vous attend » où perce l’émotion.

Depuis notre premier avant-midi de bénévolat, la nostalgie a cessé de se pointer le bout du nez au moment du coucher. Mes enfants se laissent à présent doucement hypnotiser par Morphée, fiers de suivre l’exemple de leurs héros de l’émission Refuge animal et convaincus que de petits êtres poilus ont besoin d’eux ici. Ces 300 chiens ont définitivement illuminé et changé notre vie.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Mon premier Noël d’expatriée

C’est mon premier Noël sans tempêtes ni conditions routières à

C’est mon premier Noël sans tempêtes ni conditions routières à surveiller sur MétéoMédia. Mes temps des fêtes ont toujours ressemblé à de grands pèlerinages. J’ai grandi avec un père militaire, puis épousé un militaire (ben oui !), alors j’étais toujours celle qui était loin, celle qui devait revenir. Faire une grande tournée pour retrouver la famille et les amis que je chéris particulièrement, c’est ma tradition. Cette année, j’aurais bercé le bébé tout neuf de mon amie, rencontré l’amoureuse de mon frère, festoyé avec ma cousine, mes onze cousins et toute notre belle marmaille… Mais cette fois, je suis en Italie. Loin « pour le vrai » comme dirait Daniel Blanchette de Victoriaville dans La Guerre des tuques. Partie voir le monde, mais trop loin pour faire le tour de mon monde.

Ne me demandez pas comment s’est passée mon adaptation, j’ai encore les deux pieds dedans. Pas de perspective, pas de recul qui me permettrait de dire « tout est bien qui finit bien », aucune vue de l’ensemble de l’œuvre. Juste une fille pas si sûre qu’elle aime vraiment ça, l’expatriation. Qui se dit que ce serait peut-être le fun que ce soit déjà fini. Qui s’imaginait progresser sur un chemin palpitant et qui est surprise d’avoir plutôt l’impression de mettre sa vie sur pause. Comme si la vraie vie attendait de l’autre côté de l’océan.

Je crois que je suis surtout affectée par la fatigue. Je voulais ajouter quelques remous dans ma vie et maintenant, je l’avoue, j’en ai un peu marre que rien ne soit simple. J’aimerais ça, des fois, pouvoir me mettre sur le pilote automatique. Un cerveau n’est pas fait pour s’investir à 100 % dans chaque tâche, c’est bien trop exténuant. Il y a des bons bouts de notre journée qu’on doit pouvoir faire sans grand effort mental. Cette facilité me manque. Je voudrais pouvoir accomplir un tas de trucs sans vraiment réfléchir et garder mon énergie pour ce qui compte vraiment. Mais je vois aussi que le temps fait son œuvre. Tout est déjà plus évident qu’il y a six mois. Et dans quelque temps, nous serons encore plus confortables avec notre terre d’accueil.

Notre premier Noël en Italie sera donc une autre étape de cette grande aventure. Un mélange de traditions familiales et de nouvelles expériences. Nous avons sorti notre calendrier de l’avent (les enfants attendaient leurs petits privilèges avec impatience) et notre CD de Toupie et Binou (qui peut résister à la « douce voix de miel » de Marc Labrèche qui chante Noël ?) Le sapin est décoré et nos desserts préférés cuisinés. Au lieu de prendre la route pour rejoindre notre famille, nous prévoyons célébrer avec nos nouveaux amis en Italie. Profiter des vacances pour voyager en Sicile et dormir à Alberobello, dans une curieuse maison de gnome. Admirer, de notre terrasse, les feux d’artifice du Nouvel An et rêver d’une année 2018 merveilleuse où nous aurons dompté les vagues et retrouvé notre équilibre.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Maman, je peux faire une recherche Google sur le père Noël?

En voyant ma réaction, mon garçon de neuf ans s’empresse d’ajo

En voyant ma réaction, mon garçon de neuf ans s’empresse d’ajouter : « Maman, ne dis rien, ne le dis pas. C’est sûr que je viens de trouver la réponse à la question que tous les enfants du monde se posent. » Ses beaux grands yeux verts brillent d’une lueur d’amusement. Je peux y lire la fierté d’avoir traversé dans le monde des grands, ceux qui ne croient plus à ces histoires cousues de fils blancs, ceux qui alimentent la magie au lieu de seulement la vivre. J’avais peur qu’il se fâche, qu’il me reproche de lui avoir menti. Mais il ne semble pas m’en vouloir. Heureusement parce que j’ai l’impression de marcher sur la corde raide avec l’honnêteté depuis notre déménagement en Italie.

Je suis habituellement un vrai livre ouvert. Avec tout le monde : ma famille, mes amis, des inconnus que je rencontre pour la première fois… J’ai besoin de me raconter et je veux entendre votre histoire. La vraie, là! Pas la version « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. » Celle-là, je la trouve plate sans bon sens! J’ai passé les quinze premières années de ma vie à essayer d’étouffer ce qui bouillonnait en moi pour plaire à tout le monde et ça ne m’a rien apporté de bon. Maintenant, c’est all in que je joue ma partie.

Évidemment, ça influence mon style parental. Mon premier réflexe est toujours de dire la vérité à mes enfants. Si je décide de leur cacher quelque chose, c’est parce que j’y ai réfléchi sérieusement. Je peux me tromper parfois (souvent!) Je fonctionne par essais et erreurs comme la majorité des parents (en tout cas, je me méfie de ceux qui prétendent qu’il existe une méthode infaillible).

Donc chez nous, on n’est pas parfaits, mais on est vrais. Et si on parle de la mort, eh bien, on n’invente pas de belle fable spécialement pour les enfants. On leur partage nos propres croyances et on ramène vite le sujet à celui de la vie. Oui, la mort c’est plate. Oui, on va tous mourir un jour. Mais il ne faut surtout pas la cacher parce que c’est exactement cette fragilité, cette non-éternité, qui rend la vie si précieuse.

Et si on parle de sexualité, on essaie d’être aussi transparents que possible. On adapte les détails à l’âge des enfants, bien sûr. Mais il n’y aura jamais d’histoires à déconstruire. Quelle meilleure protection contre les abus sexuels que de connaître les bons mots pour identifier toutes les parties du corps et leurs fonctions? Il me semble que c’est essentiel que mes fils sachent que je suis à l’aise de parler de ce sujet et qu’ils pourront toujours venir me voir quand ils auront des questions.

Et lorsqu’on mange, on discute de la provenance de notre nourriture. Quand je vois passer sur Internet la vidéo d’un enfant de quatre ans bouleversé d’apprendre qu’il mange des animaux, je me demande toujours pourquoi on ne le lui avait jamais dit avant. Quand je joue avec un bambin de deux ans et sa petite ferme, qu’on fait des meuh! meuh! et des bêêê! bêêê! je lui explique avec délicatesse pourquoi le fermier s’occupe de toutes ces bêtes. Ça ne fait pas des enfants traumatisés, ça fait des enfants conscients.

Bref, vous avez compris que (avec mes beaux gants blancs quand même) je suis de nature assez directe. Et si je ne mentionne pas quelque chose, c’est rarement pour protéger mon jardin secret, c’est plutôt pour protéger mes enfants.

Malheureusement, depuis notre départ pour l’Italie, j’omets volontairement, je mens, beaucoup plus que je le voudrais. Je veux épargner à mes enfants des inquiétudes face à des situations hors de leur contrôle. Par exemple, même s’ils savaient déjà que la conduite était périlleuse à Naples, je leur ai caché que nous avions eu un accident de voiture lorsque nous sommes venus choisir notre maison. Et même s’ils avaient entendu parler du Vésuve et de son éruption qui a détruit Pompéi, je ne leur ai pas dit que nous allions habiter dans une zone volcanique bien moins connue, mais bien plus dangereuse (ils l’ont découvert eux-mêmes assez rapidement de toute façon). J’évite aussi le sujet du paratonnerre depuis qu’on m’a informée que ma maison perchée au sommet d’une montagne n’en possédait sûrement pas.

Pour le moment, je refuse de leur partager mon sentiment d’impuissance devant chaque tempête qui se lève; ma peur, quand la foudre tombe près de nous dans sa fracassante explosion blanche; mes soucis, face aux routes qui s’inondent et aux sols instables… Ils en ont déjà bien assez à gérer avec la criminalité et la saleté qui les entoure. Ces deux petits bonshommes n’ont peut-être pas de paratonnerre, mais ils ont une maman qui se transforme parfois en bouclier pour déposer un voile de magie sur la réalité.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Maman, tu dois réaliser ton rêve

Aujourd’hui, je fête mes 34 ans en Italie. J’ai choisi mon gâ

Aujourd’hui, je fête mes 34 ans en Italie. J’ai choisi mon gâteau de fête et je n’ai aucune idée de ce qu’il va goûter, c’est fantastique! Devant une sculpture, j’ai ri aux éclats avec mon coco de six ans qui venait de remarquer « qu’ils ont caché le pénis du monsieur avec une feuille d’érable ». Je fais le plein de soleil sous le climat méditerranéen. J’ai l’impression que je fonctionne à l’énergie solaire et que mes batteries étaient déchargées depuis des années.

Je suis heureuse et, curieusement, je trouve ça plus dur à décrire que le malheur. Pourquoi est-ce si difficile de capter la beauté d’un moment alors que le sombre, lui, semble couler de source? Saigner sur le papier, le mouiller de ma peine ou l’imbiber de mon anxiété me semble naturel. Le bonheur, lui, est comme un papillon fugitif que je cherche à attraper pour pouvoir le raconter. Probablement que la différence est là. Je le cherche à l’extérieur alors que mes larmes, elles, viennent de moi. C’est peut-être aussi une question de pudeur. Étaler sa joie devant les autres, est-ce que c’est manquer de délicatesse envers ceux qui souffrent, ceux qui n’ont pas notre chance?

Beaucoup de gens font un bilan au jour de l’An. Moi, c’est toujours au moment de mon anniversaire que j’ai l’humeur au questionnement. Cette année, devant ma banderole « Buon compleano », j’ai vraiment l’impression d’être à l’endroit (mental et physique) où je dois être.

Et pourtant, il y a un an, j’avais officiellement renoncé à vivre en Europe. Le moment de poser notre candidature pour ce poste à Naples était arrivé. Ce moment qu’on attendait depuis dix ans. Les étoiles étaient alignées. Il était l’heure de mettre notre nom dans le chapeau, mais nous venions de décider de passer notre tour. Notre rêve, nous l’avions mis de côté. Pourquoi? Parce que notre fils aîné ne voulait pas en entendre parler. Oui, j’avais envie de déménager en Italie. Mais non, je ne voulais pas l’imposer à mon 9 ans. Et ce n’était probablement pas la meilleure décision. Mais c’était une décision de survie. Nous choisissions la paix familiale (qui est loin d’être sans valeur en passant).

Quand j’ai expliqué à une amie que j’avais abandonné l’idée de l’expatriation et que je vivais le deuil d’un rêve, mon fils a entendu notre conversation. Lorsque ma copine est partie, il m’a dit « Maman, tu dois réaliser ton rêve. » Il n’avait pas vraiment plus envie de déménager de l’autre côté de l’océan, mais il avait cessé de se braquer contre l’idée. Il acceptait de chercher le positif dans cette expérience au lieu de se concentrer sur le négatif. C’était tout ce qui nous manquait pour nous lancer.

C’est donc grâce à cette petite phrase que je me retrouve ici, un an plus tard. Est-ce que c’était si important que ça de réaliser ce rêve-là? Je ne le sais pas encore. Mais ça me fait me sentir vivante (ce n’est pas rien quand même!) Il était facile pour moi, au milieu de la trentaine, de naviguer dans ma zone de confort. La vingtaine m’avait balancé défi après défi : trouver l’homme qui partagerait ma vie, graduer de l’université, débuter ma carrière, acheter ma première maison, me marier, avoir des enfants… J’avais créé la vie que je voulais et maintenant, je me permettais de surfer là-dessus. Déménager en Europe, c’est un plongeon dans l’inconnu. Une nouvelle occasion de vivre tout plein de premières fois. Ça fait peur, mais c’est exactement cette peur qui rend l’expérience si excitante. Je suis reconnaissante envers mon grand garçon de m’avoir encouragée à quitter ma routine. Et même si c’est plus difficile à exprimer, je vais continuer à essayer de décrire et partager, du mieux que je peux, toute la joie que je peux ressentir ici.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Le bouquet de fleurs suspect

Le soir de la St-Jean-Baptiste, mes garçons brandissaient fièremen

Le soir de la St-Jean-Baptiste, mes garçons brandissaient fièrement leur drapeau du Québec à un spectacle de Kevin Parent en Outaouais (ha! Nostalgie quand tu nous tiens!) Le samedi suivant, c’est en Italie que nous célébrions la fête du Canada avec nos compatriotes expatriés à Naples. Je croyais vivre un choc culturel ce soir-là alors que mon 9 ans me souriait, les bajoues remplies de mozzarella confectionnée avec du lait de bufflonne (une spécialité de la région) et qu’un crooner italien nous servait sa version up tempo d’O sole mio. Mais évidemment, un plus grand dépaysement m’attendait encore…

Une semaine plus tard jour pour jour, me voilà qui traverse les vignes qui nous séparent de nos voisins, serrant contre moi un coquet bouquet de fleurs que je compte offrir à nos hôtes. La famille qui nous louera une maison pour les trois prochaines années nous a invités à les rejoindre chez le « nonno » (le grand-père) des petites filles. Nos villas sont regroupées au sommet d’une montagne qu’on appelle Monte di Procida. Le paysage est celui de la côte amalfitaine, une paroi escarpée qui plonge dans la mer. Perchés ainsi, nous sommes aux premières loges pour admirer le petit village italien se couvrir lentement d’un voile rosé de coucher de soleil.

Honnêtement, je me sens comme dans un film. Un instant d’émerveillement, gracieuseté d’un réalisateur qui serait dissimulé derrière les oliviers argentés. Mon chum et moi, on se regarde et on se comprend. Tous les deux, on vient d’ajouter mentalement ce moment à la liste de nos plus beaux souvenirs.

Une vingtaine de personnes (frères et sœurs, cousins et cousines, bons amis…) sont regroupées autour de trois longues tables de bois placées bout à bout. Sur chaque table trônent les bouteilles du vin produit par la famille. Nous sommes déjà invités aux vendanges. Quelques lampes suspendues à la pergola nous baignent d’une douce lumière et nous permettent d’apprécier la lune et les étoiles qui apparaissent une à une dans le ciel. Rapidement, nous nous retrouvons entourés d’enfants, attirés par le papier et les crayons de couleur que j’ai apportés. En pointant des éléments de leurs dessins, j’apprends avec plaisir quelques nouveaux mots d’italien : cane, occhi, rosa… L’atmosphère est chaude et détendue jusqu’à ce que les enfants aperçoivent une souris et qu’on sermonne le chat de ne pas accomplir son travail avec diligence. L’atmosphère reste chaude, mais plus fébrile. L’énorme four à pain multiplie les pizzas, toutes plus savoureuses les unes que les autres. Et les moules. Mmmmm! Les moules fraîchement pêchées, cuites dans leur jus épicé… Je me promets de rester plus près du cuisinier la prochaine fois pour découvrir comment préparer des moules aussi savoureuses.

J’espère qu’il y aura une prochaine fois et en même temps, j’apprécie profondément cet instant envoûtant. Je déborde de reconnaissance envers cette famille qui n’avait aucune obligation envers nous. Nous aurions pu vivre trois ans ici, sans jamais être invités à la table d’une famille italienne. Quelle chance nous avons!

Et question de bien graver cette soirée dans leur mémoire à eux aussi, mon moment digne d’un film se transforme tout à coup en comédie au moment du départ. Je n’ai pas encore mis le doigt précisément sur mon faux pas culturel… Est-ce qu’il arrive aux Italiens d’offrir des fleurs aux gens qui les reçoivent à souper? Est-ce le fait que j’ai remis mon bouquet de fleurs à l’homme de la maison au lieu de la femme? Je ne sais pas encore. Mais vers 11 heures, alors qu’on remercie et qu’on dit au revoir, quelqu’un se met à courir derrière moi en criant « Elizabeth, tu oublies tes fleurs! » Le bouquet que j’avais offert à notre hôte à l’arrivée avait été précieusement mis de côté et on voulait maintenant me le remettre. J’ai donc dû me lancer dans une curieuse performance de mime pour essayer de dissiper la confusion entourant le mystérieux bouquet de fleurs. Les rires qui accompagnaient notre sortie m’en disent long sur mes talents de mime…

Elizabeth Gobeil Tremblay

 

Déménager en Italie : ce que mon profil Facebook ne vous dit pas

Le 29 juin 2017, je débarquais en Italie avec mon mari, nos deux ga

Le 29 juin 2017, je débarquais en Italie avec mon mari, nos deux garçons et notre chat. Mon mari a été choisi pour travailler sur la base internationale de l’OTAN à Naples. Nous vivrons donc les trois prochaines années sur un autre continent. Quelques jours après notre arrivée, une bonne amie m’écrit pour prendre des nouvelles et pour savoir si on est au paradis. Est-ce qu’on est au paradis ? Cette question tourne en boucle dans ma tête…

Il est normal que mes amis assument que je suis au paradis si je ne partage que les photos de notre magnifique hôtel, de notre première pizza napolitaine et d’un coucher de soleil sur la mer Méditerranée. Mais ça me met mal à l’aise. Évidemment que je souhaite profiter de chaque occasion et garder le focus sur le positif dans toute cette aventure, mais ça me chicotte d’avoir l’impression de manquer d’authenticité. J’ai donc décidé de corriger le tir et d’ajouter un peu plus de « vrai » sur les réseaux sociaux. Voici donc mon dernier statut, version « Dans la vie, tout n’est pas toujours rose », avec un pot-pourri des moments %#?!& de notre déménagement :

  1. Nous devrions emménager dans notre maison vers la fin juillet. Imaginez deux secondes… un mois sans : votre salle de lavage, votre cuisine, les jouets des enfants…
  1. On a TOUJOURS avec nous deux sacs qui contiennent ce que l’on possède de plus précieux et nos documents les plus importants. Toujours. À la piscine, à l’épicerie, en randonnée, dans l’avion… Et on doit toujours être vigilants pour ne pas se les faire voler.
  1. Dans l’avion, il faut aussi ajouter à ces deux sacs : une cage à chat, une valise à roulettes pour le chat (litière, bouffe, bols…) – lesdites roulettes ont bien sûr déclaré forfait et explosé à l’aéroport – et un sac à dos pour les trucs standards de voyage (collations, chandails chauds, crayons à colorier…)
  1. Une hôtesse de l’air bête qui trouve que tu n’es pas sortie assez vite de l’avion avec tes deux enfants, ton chat et tes quatre sacs. Notez qu’il est 2 h du matin pour tout ce beau monde, que les calmants pour le chat et les Gravol pour ton neuf ans ne font plus effet après huit heures de vol et que le chat, le neuf ans et toi, n’avez pas du tout apprécié les turbulences de l’atterrissage. T’es juste rendue à Munich.
  1. Ton hôtel, y’é ben beau, mais les fourmis envahissent la place pour se pitcher dans le bol de bouffe du chat, pis la douche ben, est tellement petite que tu ne peux même pas te pencher pour ramasser ton savon.
  1. Ton neuf ans a presque passé une nuit blanche dans l’avion et ses deux premières nuits à Naples à lire dans son lit à cause du décalage horaire. Quand tu le réveilles à 9 h du matin pour qu’il s’habitue au changement d’heure, il est 3 h du matin pour lui. Vous pensez que ça donne quoi comme humeur ?
  1. Et évidemment, tout le monde a attrapé le rhume. Pis les Italiens ben, je sais pas où ils cachent leurs boîtes de Kleenex. Je n’en ai pas encore trouvé une seule à l’épicerie ni à l’hôtel…
  1. Et moi qui réalise que ma belle capacité d’adaptation est motivée par une immense peur de ce que les autres peuvent penser. Moi qui me considérais bien libre par rapport au jugement des autres. Je réalise que je suis encore très sensible sur ce point. Plongée dans une autre culture où je ne connais pas les coutumes et les façons de faire, je me mets une incroyable pression à jouer au caméléon, à vouloir m’intégrer rapidement. Je supporte difficilement de ne pas connaître encore la langue, l’étiquette… Est-ce que le serveur s’attend à recevoir un pourboire ? Quel montant ? Pourquoi tout le monde enfile un gant à l’épicerie pour choisir ses fruits ? Comment fonctionne cette balance avec laquelle je semble devoir peser mes légumes ? Où est le foutu beurre ? Ça fait trois fois que je fais le tour du rayon des produits laitiers !
  1. Et il y a la peine d’avoir quitté nos proches, notre peine et celle des enfants. Et cette espèce d’attente entre deux mondes où on a commencé à s’intégrer aux lieux et aux gens, mais en sachant que c’est temporaire. Que dans trois semaines, il faudra explorer un nouvel endroit encore.
  1. Et la paperasse, la bureaucratie… Passer six heures sur la base militaire à se promener de bureau en bureau pour trouver tel formulaire, faire étamper tel formulaire, retourner chercher quelque chose qui manque… Et savoir qu’on y retourne demain encore avec les enfants pour chercher d’autres formulaires, s’inscrire à d’autres endroits, signer une autre feuille…

Bref, le paradis ? Honnêtement, non. Une aventure que j’adore avec des hauts et des bas ? Définitivement, oui !

Elizabeth Gobeil-Tremblay