Ces 300 chiens qui font du bien à mes enfants

Après un temps des fêtes franchement revitalisant, j’ai enfin senti la paix s’installer dans mon petit cœur. Ce n’est que lorsque la sérénité s’est installée que j’ai réalisé que je venais de traverser un deuil.

Je ne voulais pas réellement balancer par la fenêtre ma vie bien rangée. Ce que je voulais, c’était voyager. Le déménagement, c’était mon sacrifice, le prix à payer pour découvrir l’Europe.

Savoir que je retrouverais ma maison, ma famille et mes amis dans trois ans a bien sûr facilité mon départ du Québec, mais pas mon adaptation en Italie. J’ai perdu trop de temps, pendant mes premiers mois ici, à rêver à mon futur retour à la maison. Déjà qu’on vit souvent au conditionnel dans un déménagement, empêtrés dans nos craintes et nos espoirs… Ça ne laissait pas beaucoup de place au moment présent, tout ça.

Mais le temps des questionnements est révolu, mes rêves déçus ont été digérés. Non, nos garçons ne deviendront sûrement pas les meilleurs amis de nos petites voisines italiennes, mais ils se sont fait de super copains canadiens. Et oui, mes petits trésors vont probablement accueillir chaque nouveau projet de voyage avec méfiance, mais l’avantage est qu’ils ne seront jamais déçus, toujours agréablement surpris. Ça pourrait être pire que ça.

Je vous assure que si vous ajoutez : organiser un déménagement outre‑mer et apprendre une nouvelle langue à votre liste de priorités, l’équilibre de votre vie foutra le camp tout d’un coup. « Trop de priorités » équivaut à « pas de priorités ». Mais maintenant que la transition est complétée, j’ai pu retrouver les habitudes qui me faisaient du bien. Elles possèdent même, maintenant, un charmant accent italien. Notre routine, fracassée à grands coups de massue en quittant notre pays, s’est teintée de nouvelles couleurs. Nos priorités ont pu reprendre leur place.

Après un été et un automne mouvementés, l’hiver s’annonçait donc beau et doux chez nous. Seul nuage à l’horizon : mes enfants, eux, étaient toujours pris dans la tempête. Déni, Tristesse et Colère (on dirait les personnages du film Sens dessus dessous!) prenaient encore beaucoup de place. Pas toute la place, heureusement, mais juste assez pour réaliser que mes cocos auraient besoin d’un peu d’aide pour atteindre l’oasis d’acceptation à leur tour.

Comme de vrais endeuillés, mes petits bonhommes de sept et dix ans avaient besoin d’exprimer leurs émotions (cet élément était déjà bien en place) MAIS AUSSI des pensées plus positives (cet élément pouvait être amélioré). L’équation me semblait évidente. Plus ils vivraient de beaux moments en Italie, plus ils apprécieraient leur nouvelle vie. S’ils se contentaient de ruminer leurs plans d’évasion vers le Canada, ils éveilleraient encore et encore Déni, Tristesse et Colère. C’était leur responsabilité de cesser d’alimenter la machine à idées noires pour diriger les projecteurs sur les moments plus heureux. Après six mois en Italie, ils avaient un choix à faire et deux parents prêts à les soutenir dans leur démarche. Nous étions en mode Intervention.

Nous avons demandé aux enfants ce qu’ils aimaient faire en Italie et leur réponse était claire : ils voulaient aider le refuge canin San Francesco. À notre arrivée à Naples, nous nous y étions rendus pour participer à une activité de financement et rencontrer les gens qui ont à cœur d’aider les chiens errants, trop nombreux ici. Mes enfants voulaient y retourner et faire du bénévolat auprès des 300 chiens du refuge. Aussitôt dit, aussitôt fait! C’est ainsi qu’on allait débuter notre année 2018.

Depuis deux mois, nous nous joignons donc au groupe de bénévoles qui offrent une promenade hebdomadaire aux pensionnaires. Nous commençons toujours par aller voir Willy, âgé d’une dizaine d’années, que nous avons pris sous notre aile plus officiellement. Son père devait être un Border Collie noir et blanc, mais sa mère… allez savoir! Il vit au refuge depuis au moins trois ans et ne le quittera sûrement jamais. Même les adorables chiots (une vingtaine arrivés depuis janvier seulement) risquent de grandir et de mourir au refuge, alors le vieux Willy…

Pour nous, Willy a été un coup de cœur dès le premier instant. L’affection est réciproque. Il laisse les enfants brosser son poil crasseux, les yeux mi-clos, le museau tourné vers le soleil…

Les autres bénévoles, qui nous ont d’abord réservé un accueil cordial, nous offrent maintenant un sourire chaleureux chaque samedi. (Je comprends tellement leur manque d’enthousiasme initial à décoder mon baragouinage italien!) Notre fidélité au rendez-vous et nos efforts à comprendre leur façon de fonctionner (on n’est pas à Walt Disney!) ont porté fruit. Désormais, lorsque nous mettons les pieds au refuge, la vénérable « nonna » nous gratifie d’un « Willy vous attend » où perce l’émotion.

Depuis notre premier avant-midi de bénévolat, la nostalgie a cessé de se pointer le bout du nez au moment du coucher. Mes enfants se laissent à présent doucement hypnotiser par Morphée, fiers de suivre l’exemple de leurs héros de l’émission Refuge animal et convaincus que de petits êtres poilus ont besoin d’eux ici. Ces 300 chiens ont définitivement illuminé et changé notre vie.

Elizabeth Gobeil Tremblay



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