Je suis une princesse aux petits pois. Enfin, je viens de le savoir.
Je suis une princesse aux petits pois. Enfin, je viens de le savoir. J’ai lu dans un magazine que magasiner un matelas était une étape luxueuse dans un changement de confort. Une étape charnière. Je voyais ça comme gagner à la loterie le Choix du Président, mettons. Changer mon vieux matelas dinosaure représentait beaucoup. Il était creusé, les ressorts me faisaient des high five dans le dos à 3 h 7 du matin, bref il était vieux et bon pour faire un trampoline de salon.
Mon chum me parlait souvent d’un nouveau matelas. À nous, l’endormissement instantané et le sommeil réparateur! J’étais tellement motivée d’aller dans la salle d’exposition que j’ai même pensé lancer mon flacon de mélatonine aux poubelles en me rendant au magasin. Dans mon livre à moi, changer de matelas, ça allait tout changer. Toute toute toute.
Dans les circulaires du Publisac (oui, je regarde encore ça), j’ai l’habitude de fantasmer sur des rectangles d’ensachés et de mousse mémoire. Ce n’est pas mêlant, je jalouse l’air « full top shape » des comédiens engagés pour la séance de photo. J’ai trente-trois ans et je n’ai jamais eu de matelas haut de gamme.
Je suis débarquée avec mon chum au magasin avec la ferme intention de repartir de là avec une Cadillac Queen en tissu. Sourire aux lèvres, nous retournerions vers le stationnement avec notre facture et la date de livraison en mains en chantant du Daniel Hétu.
« On va s’aimerrrrrrr tendrement, tout là-hauttttt, sur un rayon de soleilllll. Allez…»
Stop! STOP! Ce n’est pas ce qui s’est produit.
Avant même de mettre les pieds dans le portique, on ne s’entendait pas du tout sur nos besoins. Heille, ça va bien, on n’était même pas rentrés, puis déjà, je me disais que c’était plus simple de magasiner seule. Sauf que là, ce n’était pas un soutien-gorge que j’achetais, c’était un matelas à partager. Je ne suis pas égoïste. Pourtant, je frôlais la crise narcissique en plein jour.
En arrivant, nous avons essayé trois types de matelas différents pour nous aider à cerner notre portrait type d’acheteurs. J’étais plus au moins à l’aise au milieu des yeux d’inconnus qui me regardaient faire semblant de dormir sur le côté. Je portais des skinny jeans, alors je pensais juste à mes bobettes. C’est niaiseux, mais je savais qu’on pouvait les voir. Hipelaye.
Comme dans le conte des Trois Ours, je trouvais le matelas soit trop mou ou trop dur. J’ai passé mon avant-midi à me prélasser sur des démonstrateurs. Ai-je dit l’avant-midi? Oui, car nous avons passé quatre heures et demie là-bas. Se chicaner en direct devant le vendeur dans une fausse chambre à coucher? Voir que j’ai fait ça… je pense que oui, moi! C’était si malaisant que j’avais le goût de donner un pourboire au conseiller et de rebondir sur les matelas jusqu’à la sortie.
Un moment donné, j’étais couchée sur le côté comme une mamie qui a mal aux genoux avec mon oreiller de corps. Attention! Le but de l’exercice, ici, était d’imiter le plus possible l’épisode de sommeil à la maison. Je veux bien, sauf qu’un inconnu est venu se coucher à ma droite.
« J’peux-tu? », qu’il me demande. Euhhh! C’est encore maudit de lui dire non. Le matelas n’était pas payé ni réservé, et je n’étais même pas certaine de l’acheter.
Ben non! Y’a rien là, ça ne me dérange pas. Installez-vous mon cher, qu’on s’étende. Mon chum faisait le piquet dans le coin. Il trouvait que c’était assez et qu’il était grand temps de sacrer notre camp.
Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas partir parce que je n’avais pas choisi entre le matelas moelleux et le semi-ferme. J’avais un montant maximum à ne pas dépasser. Travailler pour la Nasa, j’aurais pris celui à 4 356 $ et go, on serait partis. Dossier réglé. Mais la Nasa ne m’a jamais rappelée, alors je devais courir les soldes.
Et là, l’étiquette d’un matelas a flashé devant ma face. Ce n’était même pas dans les propositions du vendeur. Je me suis couchée sur le matelas : le coup de foudre magique! Je me suis enfoncée doucement comme sur un nuage. J’étais bien. Mon copain était écœuré, il ne voulait RIEN savoir. Son choix était fait depuis une heure. Il voulait le semi-ferme que nous avions essayé au début. Non, clairement non. Aussi bien se coucher sur une planche de bois avec une couverture dessus.
Plus ça allait, plus je parlais en grimaçant des platitudes à mon chum. J’avais le vendeur à un pouce de mon nez, je savais qu’il analysait notre comportement. Digne d’un téléroman.
« Ben tu dormiras dans le cabanon si tu n’es pas content. Tu vas trouver le matelas de l’hospice pas mal moins confo, tu vas voir. »
Lui de me répondre : « Si tu n’es pas heureuse, ben pars en appart et achète-toi des lits jumeaux avec TON matelas mou pis c’est tout ».
Wait! Je suis venue chercher un matelas Queen pis ça vire en scénario de drama queen.
J’ai piqué une crisette de bébé à l’intérieur de moi. J’étais fru, car je voulais le matelas mou. Vous me direz que ça existe, un moitié-moitié sur commande, oui mais…. Mais ce n’était guère une option que mon compte de banque pouvait accepter.
Finalement, j’ai fait un compromis, on a payé, on est partis. On a attendu la livraison avec euphorie. J’avais hâte d’avoir mon nouveau matelas.
Une semaine d’essai avec le nouveau matelas a passé, je ne l’aimais toujours pas. Dès que j’ouvrais les yeux ouverts dans le cœur de la nuit, je secouais les épaules de mon chum pour lui dire : « Trouves-tu que le matelas est dur? Il est dur, hein? »
Nous sommes retournés au magasin. J’y ai passé un autre deux heures et demie. J’avais le goût d’inscrire « C’est compliqué » dans mon statut de couple Facebook.
Le matelas numéro deux arrivera la semaine prochaine. Je suis bonne pour vingt ans, je peux vous le jurer. Moi, magasiner un matelas encore une fois? Laissez-moi dormir là-dessus, d’accord?
P.S. Ce soir-là, j’ai souhaité bonne nuit à mon chum avant de m’endormir, avec un bisou et un je t’aime. Pas de chicane sur mon nouveau matelas.