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Mon fils

Ça y est, c’est fait ! Mon fils a fait un pas de plus pour que

Ça y est, c’est fait ! Mon fils a fait un pas de plus pour que son corps soit compatible avec qui il est vraiment. Mon fils est transgenre. Sa transition sociale est faite et sa transition physique est commencée depuis 3 ½ ans. Son prénom a été changé et la mention du sexe aussi. Il est en couple avec une belle jeune femme depuis 2 ans et ils sont heureux d’être ensemble.

Dernièrement, il a eu l’opération qu’il souhaitait tant. Faire disparaître ses seins. L’opération devait avoir lieu en mai, mais avec la COVID, la mastectomie a été remise au mois d’octobre.

Ça m’a laissé un peu plus de temps pour m’y faire, un peu plus de temps pour stresser aussi. Mais bon ! J’ai quand même réussi à me gérer.

Nous sommes allés le reconduire en famille à la clinique GRS de Montréal, en plein trafic un mercredi matin d’octobre. Dès qu’il est descendu de l’auto, j’ai pleuré pour la première fois depuis des mois. Je le regardais marcher seul vers la clinique, un jour gris, un jour de pluie, et le flot de larmes s’est déversé.

Je ne pouvais pas l’accompagner. Je ne pouvais même pas être présente avant et après l’opération. Je sais que c’est maintenant un adulte, un homme de 20 ans, mais c’est toujours mon bébé. J’avais le cœur en miettes et la morve au nez.

Mon chum et ma fille se sont demandé pourquoi je pleurais ainsi. Pour eux, c’était enfin une affaire de faite ! Et on allait tous pouvoir passer à autre chose. Mathis serait encore plus heureux. C’est ce que je souhaitais moi aussi !

Mais il allait vivre cette expérience tout seul sans moi. Je voulais être près de lui, lui donner la main, le rassurer au besoin, mais non ! Mausus de COVID ! J’avais l’impression d’abandonner mon enfant. Mon cœur de mère se sentait encore une fois coupable.

Il est sorti le jour même, c’est son père qui est allé le chercher, j’en étais incapable. Lorsqu’il a passé la porte, il avait le teint gris, encore un peu sous l’effet de la médication, mais heureux que ce soit fini.

J’ai pris congé pour être auprès de lui. Au CLSC de ma région, on m’a dit que nous devions enlever les bandages nous‑mêmes. Je me suis donc pointée à ma pharmacie et j’ai demandé un rendez-vous avec l’infirmière. Je ne voulais pas du tout enlever les bandages. Oh ! Que non ! J’avais trop peur de me remettre à brailler comme une Madeleine. J’avais besoin du soutien de quelqu’un, d’être accompagnée, juste au cas où !

Un choc ! Mais plus petit que ce que je croyais. C’est comme si ça devait être comme ça depuis longtemps. On a ri, on a eu les yeux pleins d’eau. L’infirmière était remplie d’empathie et de bienveillance envers nous deux.

Maintenant, Mathis se promène en chest au sortir de la douche, fier comme un paon.

Line Ferraro

Ma fille… Mon fils

Ma doudoune n’est plus! Je ne la vois plus! J’ai beau la cherche

Ma doudoune n’est plus! Je ne la vois plus! J’ai beau la chercher, elle s’est volatilisée. Il n’y a que ses yeux qui me confirment qu’elle a bien existé. Le regard lui ne change pas. Par contre, il y a une belle lumière qui n’existait pas auparavant.

Depuis plus d’un an, la testostérone a transformé son corps. Sa voix aussi. Je dois porter plus d’attention lorsqu’il parle, je le confonds souvent avec son frère. Ils ont le même timbre de voix. Et ça lui fait un p’tit velours lorsque je me trompe.

Je ne reconnais plus mon bébé et c’est parfois difficile. Je la cherche dans mes souvenirs, je regarde souvent des photos de son enfance pour me faire du bien, car mon cœur chavire encore à l’occasion.

Je l’aime de tout mon être, mais c’est parfois difficile de le suivre dans ses états d’âme, dans ses réactions dans tout ce que cela comporte comme changement. C’est tellement l’inconnu autant pour lui que pour moi.

Devant moi, physiquement, c’est un garçon. Mais qu’en est-il au niveau psychologique? J’aimerais être dans sa tête pour comprendre tout ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qu’il vit. Mais comme plusieurs garçons de 18 ans, il ne s’exprime pas beaucoup, du moins pas avec moi.

Les changements ne se font pas assez vite pour lui. Pourtant son cou est plus large, ses épaules aussi. Ses mains, ses pieds, tout est différent. De petits poils se sont installés sous son nez et sur son menton. Il est fier d’avoir une moustache molle comme son frère.

Son tour de taille s’est épaissi. Il a engraissé et il a grandi un peu. Il revit une puberté, mais cette fois‑ci, c’est beaucoup plus fort, beaucoup plus épuisant. Il est impatient, frustré et boutonneux. Une chance qu’il n’a plus de menstruations. Il traverse cette étape une deuxième fois et c’est cent fois plus intense.

Ce n’est déjà pas facile de soutenir un adolescent et de l’accompagner dans tous les changements qu’il peut vivre, alors imaginez avec un jeune de 18 ans transgenre. Ouf! Pas toujours évident.

Les papiers pour qu’il puisse subir une mastectomie sont maintenant envoyés. Il connaît le nom de la chirurgienne qui l’opérera. Mais pas encore la date. Il est prêt. Il n’en peut plus d’attendre. Mon chum s’est occupé de faxer tous les papiers. J’en étais incapable!

C’est mon enfant et je souhaite qu’il soit bien dans son corps. Mais cette ablation des seins me bouleverse, me vrille le cœur, me rentre dedans comme un truck. La panique me pogne et la peur m’envahit.

À cette étape, c’est comme si cette opération confirmait que mon enfant a réellement une dysphorie de genre. Que c’est un fait observable, qu’il n’y aura plus de retour en arrière. Que Leane n’existera plus… J’ai de la peine dans mon cœur. Je me dois de faire mon deuil. Faire le deuil de ma fille. Dans mon ventre, il y avait deux filles… des jumelles pas pareilles!

Je dois passer par plusieurs étapes du deuil et ce n’est pas toujours évident. Par contre, je sais et je comprends la chance que nous avons qu’il soit toujours en vie et plus heureux.

C’est une grande partie de sa féminité qu’il veut voir disparaître à tout prix. Il n’en a jamais voulu de toute façon.

Cette étape est pour moi la plus déchirante. Et pour lui, c’est l’une des plus importantes.

En attendant, il fait du taping pour cacher ses seins. Il utilise un chest binder pour camoufler sa poitrine. Cette partie de son corps qu’il ne voulait pas voir se développer est si intensément compressée qu’il a subi une inflammation intercostale (muscles des côtes). Cette situation devait être très douloureuse, car il m’a appelée au travail en me disant « Viens maman! Je souffre! »   Mon bébé avait besoin de moi. Direction urgence. Deux heures plus tard, anti-inflammatoires et médicament pour l’aider à dormir.

Je sais que je serai là pour l’accompagner lors de son opération, je sais que je prendrai soin de lui.

Mon enfant laisse partir des morceaux de son corps pour mieux se reconstruire. Mais cette étape à franchir me fait mal à mon cœur de maman.

Line Ferraro

Genre?

Sur ce sujet, j’ai souvent en tête l’image de mon parent éloig

Sur ce sujet, j’ai souvent en tête l’image de mon parent éloigné…

Une belle grande « femme » de plus de 100 kilogrammes. Autrefois Pierre, elle adopte ses atours pour de bon vers la fin des années 1990. Je crois qu’elle a toujours l’appareil externe, mais je n’irai certainement pas vérifier. Je sais, cependant, que son choix ne change rien pour moi. Ne cause aucun malaise dans mon identité.

J’étais quand même un brin curieux. Eh oui, le Barreau la reconnaît uniquement dans sa nouvelle identité. De nouveaux prénoms. Elle a sans doute provoqué aussi le changement à l’État civil. Et puis alors? Je crois qu’elle aime bien provoquer. Il y en a plein d’autres comme ça.

Je ne veux pas m’attarder à ces détails. Si superficiels. Encore moins me demander dans quelle toilette elle va. Elle doit aller. J’ai encore souvenir de ces filles qui profitaient de celles des hommes, dans les bars. Pour éviter la file. Aucune émeute provoquée par une telle impertinence sociale. Ça faisait sourire, tout au plus.

Cet être reste plutôt une occasion de réfléchir à la question.

Dans la nouvelle définition, LGBTTIQQ2S, il semble y en avoir pour tous les goûts. Les leurs. S’ils tiennent à entrer dans une case. Comme si une étiquette pouvait donner la réponse. Une sexualité à la carte. Un menu du jour, plein de tendances. Moi, j’y serais allé au plus simple : « Différent(e) ».

À nouveau, l’angle obtus de la vision religieuse érige un mur. C’est beaucoup plus simple de tirer la femelle par les cheveux. Derrière soi. Quitte à prôner une solution finale pour tout ce qui n’entre pas dans la dichotomie de base. Ou, par un certain humanisme, chercher au moins à les soigner.

Qui sont les malades?

Aux tout-petits, je leur parlerais des pièces du casse-tête. Certains n’ont la patience que de faire le pourtour. En commençant par les quatre coins. De beaux angles droits. Rassurants. Souvent, ils se découragent quand ça devient plus confus. Mais la réussite exige l’utilisation de toutes les pièces. Peu importe leur forme, leur couleur. Leur position. L’image globale, on n’y accède qu’avec tous les morceaux.

Imaginons une image de plus de 7,4 milliards de pièces.

Je mettrais le sujet obligatoire, à l’étude en éthique. Dès le primaire. Comme le prolongement de la liberté d’opinion. Cette pluralité essentielle. Celle qui n’aime pas les dogmes. Plutôt, que ces derniers n’aiment pas. Le miroir qu’on veut casser plutôt que d’accepter la réalité. Quand l’interprète veut réécrire le texte à sa façon. Rejeter l’évolution.

Si j’aime l’art pariétal, je ne veux pas revenir au temps de Lascaux…

Est-il si difficile d’accepter l’ouverture? De franchir l’entrée de la grotte. De constater que ce qui y confine l’humain, c’est la peur. Alors que, le plus souvent, ce ne sont que des gens fragiles qui semblent si inquiétants. Qu’ils ne menacent pas grand-chose, sinon le conformisme.

Et là, je les rejoins totalement. Je ne voudrai jamais que certains m’imposent leur pensée. Que la société soit dirigée par les faiseurs de contours. Que l’ignorance prévale. Que les dinosaures soient de retour. Qu’on me force à rester au fond de la caverne. En m’imposant quelles images je dois aimer.

En cette journée toute féministe, j’aimerais que ces êtres puissent aussi continuer de s’épanouir. D’avoir la même finalité que moi. Que nous tous. Chercher à être heureux. À aimer et à être aimés. Égaux. Acceptés pour qui nous sommes. Essentiellement différent(e)s.

Il en va de notre avenir commun…

michel

Ma fille est maintenant mon fils

Ma doudoune, oups! Mathis va avoir dix-sept ans. Il sait maintenant

Ma doudoune, oups! Mathis va avoir dix-sept ans. Il sait maintenant ce qui se passe en lui. Il s’est informé sur ce qui se passait dans sa tête et dans son corps. Il peut mettre des mots sur ce qu’il ressent. Il a pris contact avec un jeune qui vit la même chose que lui. Il communique avec lui, lui pose des questions. Il ne se sent plus seul. Il peut enfin affirmer, confirmer qu’il est bien un garçon dans un corps de fille.

C’est pour cela qu’il m’a envoyé un texto pour me dire qu’il n’était pas bien dans son corps, qu’il n’était pas dans le bon corps. Biologiquement, mon enfant est né fille, mais son cerveau lui dit le contraire. Maintenant, je comprends tellement de choses! Mon fils a une dysphorie de genre, qu’on appelait autrefois un trouble de l’identité.

Après le choc de son coming out, j’ai versé beaucoup de larmes, je pleure encore cachée dans ma chambre. J’ai été en colère, car je me sentais coupable. Qu’est-ce que j’avais fait pour qu’il se sente ainsi? J’ai cherché de l’information sur le net, il n’y en a pas beaucoup. J’en ai parlé avec mon chum, mais il garde tout pour lui. Avec la jumelle de Mathis, qui est tout à fait à l’aise avec la décision de Mathis. Pour mon fils le plus vieux, c’est une autre histoire, mais comme il me l’a déjà dit : « Je comprends pas, mais je vais toujours l’aimer. »

Ce n’est pas toujours facile, l’angoisse me monte souvent à la gorge et m’empêche de respirer, mais je ne peux que l’aimer, le soutenir, l’accompagner dans sa transition.

Maintenant qu’il se sent de mieux en mieux dans son corps et dans sa tête, il est beaucoup plus calme, agréable, souriant, drôle, joyeux, moqueur, disponible pour ses études et ses apprentissages. Il ne fait presque plus de grosses colères, il est beaucoup moins impulsif et il me permet maintenant de l’embrasser, de lui faire des massages aux pieds, de gratter son dos, il veut parfois que j’aille le border, on fait des blagues ensemble. Cela faisait tellement d’années que je n’avais plus de contact affectueux avec lui. Il ne me laissait plus l’approcher.

N’ayez crainte, il est comme tous les autres adolescents que je connais, il passe par sa crise d’adolescence lui aussi! Et ce n’est pas toujours une partie de plaisir!

J’ai dû contacter le CLSC pour avoir une personne ressource pour aider Mathis à prendre la bonne décision. Une sexologue clinicienne a pris Mathis en charge et elle le voit régulièrement à l’école depuis le mois d’octobre.

Mon fils a fait sa transition sociale. Il se fait appeler Mathis par sa famille et ses amis. Nous utilisons le pronom « il », il nous parle de lui au masculin. Je le trouve fort et courageux. Je le découvre, j’apprends à le connaître.

Il s’habillait déjà avec des vêtements de jeune homme, donc pas si nouveau comme changement, et facile d’adaptation pour sa famille et ses amis.

Il en a parlé à deux de ses professeurs en qui il a confiance. La directrice, l’éducatrice spécialisée, le médecin de famille, la coiffeuse sont maintenant au courant.

Il s’est fait pousser le poil sur les jambes et sous les aisselles, un p’tit choc pour maman!

Il avait les cheveux longs jusqu’aux fesses, maintenant ils sont très courts. Il a perdu tout le blond doré de ses belles bouclettes… Un autre choc pour maman!

L’autre changement qu’il voulait faire le plus rapidement possible, c’était de cacher ses seins. Sa sœur jumelle, Mathis et moi sommes partis à Montréal, dans une ressource pour personnes trans pour qu’il puisse faire l’acquisition d’un chest binder (camisole d’un tissu extrêmement rigide qui permet de cacher ses seins) Nous étions tous les trois dans la salle de bain lors de l’essayage. On a eu quelques fous rires, ça nous a fait du bien.

Mais ça ne s’arrêtera pas là! Mathis veut se faire enlever les seins à dix-huit ans! Un ostie de gros choc pour Maman!

Je trouve ça pénible de savoir que mon enfant va souffrir physiquement lors de cette intervention. Même si je sais que présentement et depuis quelques années, il souffre psychologiquement. C’est comme un point de non-retour!

La sexologue nous a donné le numéro de la clinique du Dr Gosh. Il est le seul pédiatre au Québec spécialisé en la matière. L’attente fut longue pour Mathis. Il s’est mis en colère à plusieurs reprises, car ça n’allait pas assez vite pour avoir un rendez-vous, et c’est moi qui payais pour cela. Il devenait agressif envers moi. Une chance que j’avais du soutien moi aussi de la part de la sexologue et qu’elle m’aidait dans tout ce cheminement.

J’avais aussi besoin de m’exprimer sur ce que j’étais en train de vivre comme maman. J’avais besoin de comprendre, j’avais besoin de pleurer, j’avais besoin de dire tout haut ce que j’avais sur le cœur, sans jugement, sans taire ce qui me blessait au plus profond de mon être.

Mon bébé a choisi de vivre une vie différente de celle que je lui ai offerte.

Mon bébé a choisi un chemin de vie difficile. Et j’ai peur pour lui.

Peur qu’il souffre des commentaires et des jugements des autres. Peur qu’il ne trouve personne pour l’aimer comme il le mérite, peur qu’il vive de l’intimidation, peur qu’un jour il regrette…

Nous avons posé nos questions, Mathis aussi! Nous sommes repartis avec une requête pour des prises de sang et une prescription pour des bloqueurs d’hormones (transition médicale). Mathis a encore le temps et le droit de changer d’idée à cette étape. Mais je ne crois pas qu’il le fera. Mais pour moi, c’est rassurant! Il est très heureux de savoir qu’il n’aura plus à subir de cycle menstruel.

Prochaine étape, ce sera la thérapie hormonale qui va commencer autour du mois de juin.

Je m’arrête ici, car j’essaie de vivre une étape à la fois. Le « ici et maintenant »! Le moment présent!

Ha oui! Mathis est un jeune homme qui pogne avec les filles. Merci aux parents qui vont peut-être croiser le chemin de mon fils. Merci d’être ouverts d’esprit, merci de l’accepter, de ne pas porter de jugement. Merci de respecter le choix de vie de votre fille, de respecter mon enfant. Nous les adultes avons souvent peur des différences, peur de ce que nous ne connaissons pas, peur des qu’en dira-t-on. Mais donnez-vous la chance de connaître mon enfant, il est et il sera un homme d’une belle droiture.

Line Ferraro