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Mon mal imaginaire — Texte : Arianne Bouchard

Je suis née avec un mal imaginaire, une maladie invisible. Du plus loin que je me souvienne, j’ai

Je suis née avec un mal imaginaire, une maladie invisible. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours physiquement souffert. Migraines, crampes, douleurs musculaires, étourdissements, nausées et fatigue chronique.

Quand j’étais enfant, les crampes et les spasmes étaient tellement intenses que déjà, je me tordais de douleur. Mes parents croyaient que c’était de simples poussées de croissances. Pourtant, en grandissant, les crampes, la douleur, comme l’ami gênant qui s’incruste, ne sont pas parties.

On ne me croyait pas. Les médecins ne trouvaient pas la source de ma douleur. Médecin de famille, chiropraticien, urgentiste et divers spécialistes, personne ne savait ce que j’avais, mais moi, je savais avec certitude que ça n’allait pas. J’avais beau ne rien avoir connu d’autre, je voyais comment les autres gens étaient et je savais que quelque chose n’allait pas chez moi.

J’avais mal, tout le temps mal.

Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’on a enfin posé un diagnostic sur mon mal imaginaire : fibromyalgie.

Comme tout le monde, je me disais « c’est quoi ça ? Qu’est-ce que ça mange en hiver la fibromyalgie ? Est-ce que c’est grave ? Est-ce que ça se guérit ? Maintenant que je sais, est-ce que je vais pouvoir enfin vivre ma vie comme les autres, sans limitation ? » À toutes ces questions, et bien, la réponse est NON.

Ce n’est pas grave. On n’en meurt pas. Ça joue sur le moral, ça te donne envie de t’arracher la tête et t’as mal à en crever, mais ça ne te tue pas. Par contre, et ça, c’est pas pour aider le moral, ça ne se guérit pas. En fait, ça ne se traite pas vraiment non plus. Les médecins donnent des antidouleurs pour atténuer la vivacité du feu brûlant qui se propage sous la peau, mais encore là, ils ne peuvent pas toujours atténuer la douleur et surtout, ils ne peuvent jamais définitivement l’éteindre.

Quand je parle de feu sous la peau, c’est plus qu’une figure de style, c’est une réalité. Chaque jour, j’ai l’impression que mon corps est en flammes. Ça me brûle, ça me donne envie de crier et ça m’épuise. Ça me prend toute mon énergie juste pour vivre ma vie avec un semblant de normalité. C’est certain, il y a des jours où la douleur se tolère et d’autres où elle me frappe de plein fouet. Ces jours-là, je me sens prisonnière de mon propre corps. Comme si je me noyais dans les flammes de l’enfer, sans jamais arriver à remonter à la surface. Chaque jour est différent pour l’intensité, mais chaque jour se ressemble avec ma douloureuse colocataire.

Au-delà de la douleur, ce qui ne me rend pas la tâche facile, c’est tous les autres et le jugement qu’ils portent sur moi. Je suis malade, je souffre, mais personne ne peut le voir. Ce n’est pas comme une plaie ouverte qui saigne, c’est un mal que les yeux ne peuvent voir, mais que toutes les fibres de mon corps sont condamnées à ressentir. J’ai toujours l’impression qu’on ne me croit pas. J’ai toujours l’impression que les gens pensent que j’exagère. On m’a dit tellement souvent « C’est dans ta tête ! » Croyez-moi, dans ma tête, il y a bien des choses, mais si je pouvais, il n’y aurait sûrement pas de place pour elle, Madame Fibromyalgie !

C’est un mariage toxique, où je suis condamnée à vivre avec mon bourreau pour le meilleur et surtout le pire. N’importe où, n’importe quand, c’est comme une bombe à retardement. La douleur peut survenir à tout moment et de bien des façons.

Migraines, fièvre, spasmes, sueurs froides, fatigue chronique, troubles du sommeil, troubles de la digestion, troubles de concentration, sautes d’humeur, douleur, anxiété, dépression et sensibilité au toucher. C’est comme si mon corps tout entier était un géant ecchymose. Il y a encore bien d’autres symptômes, mais on n’y passera pas la journée !

À première vue, je n’ai peut-être pas l’air malade, je n’ai peut-être pas l’air de souffrir, mais chaque jour est un combat. La douleur ne disparaît jamais complètement, j’ai simplement appris à vivre avec.

Pour finir, je vous laisse avec une petite réflexion. Vous ne croyez pas en ma maladie parce que vous ne pouvez pas la voir. Pourtant, elle est comme le vent. On ne peut la voir, mais je peux la sentir. Le vent serait-il donc imaginaire ?

Arianne Bouchard

Juste au cas…

Mon petit cœur, depuis que tu es tout petit, on essaie de te prépa

Mon petit cœur, depuis que tu es tout petit, on essaie de te préparer de notre mieux à toutes les éventualités. On trouvait important que tu saches quoi faire si jamais maman s’évanouit et ne se réveille plus, si jamais quelqu’un entre dans la maison pendant la nuit, si jamais les flammes s’emparent de la cuisine…

Évidemment, on n’a pas parlé de toutes ces éventualités dramatiques le même soir… Tu en aurais fait des cauchemars! Mais plus les années avançaient et plus les occasions d’en discuter se présentaient.

On a tenté de notre mieux de te faire parler de chacune des mises en situation pour tester tes connaissances et ton instinct. Nous savons que nous devions discuter avec toi de tous ces drames possibles. Mais mon petit cœur, tu ne sauras jamais à quel point ça a été difficile pour nous de t’en parler… Tu ne sauras jamais à quel point ce fut éprouvant pour nous.

Ça aurait été tellement plus facile de se mettre la tête dans le sable, de sombrer dans le déni, de faire comme si tout cela ne pouvait jamais t’arriver… Ça aurait été tellement simple de vouloir t’épargner et de se répéter que tu n’avais pas besoin de savoir tout ça. Mais on se serait menti à nous-mêmes… parce que si tu voyais des flammes et que tu allais te cacher sous ton lit, comme bien des enfants en ont l’instinct, on ne se le pardonnerait pas. Si tu périssais dans les flammes, apeuré et sans ressource, on ne se le pardonnerait pas. Mais mon petit cœur, tu ne sauras jamais à quel point ça a été difficile pour nous de t’en parler…

Quand on a dû t’expliquer que la seule chose à faire en cas de feu, c’est de sortir de la maison. Sans bottes, sans manteau, sans ta doudou… tu dois sortir. Même si tu as envie d’appeler les pompiers… tu dois sortir. Sans papa, sans maman, sans tes sœurs… tu dois sortir. Même si tu entends crier… tu dois sortir. Tu ne sauras jamais, mon ange, comme notre cœur se serrait à prononcer ces mots…

Quand on a dû te montrer comment sortir de ta chambre par la fenêtre, au cas où le feu serait devant ta porte de chambre. Quand on t’a demandé d’essayer seul, sans aide, sans nous, de sortir. Quand tu n’arrivais pas à ouvrir ta fenêtre et qu’on a insisté pour que tu le fasses seul. Quand tu as dû pousser des meubles pour grimper dessus, que tu trouvais ça trop lourd, mais qu’on a continué d’insister pour que tu le fasses seul. Tu ne sauras jamais, mon bébé, à quel point on avait envie de t’aider… On avait le cœur gros et la gorge nouée, mais on savait qu’il fallait que tu saches y arriver seul. Juste au cas…

Quand on t’a expliqué quoi faire si un adulte que tu ne connais pas veut t’amener avec lui… Même s’il cherche son chemin, même s’il veut que tu l’aides, même s’il a perdu son chien, même s’il te donne des bonbons ou veut te montrer ses bébés chatons… Tu ne sauras jamais, mon loup, à quel point on avait mal au cœur d’imaginer tous ces stratagèmes… Tu ne sauras jamais à quel point on était dévastés à la simple idée que quelqu’un essaie de t’enlever à nous…

Encore une fois, ces discussions se sont faites dans des moments bien choisis du quotidien. Des moments où tu te sentais en sécurité, où tu avais envie d’en parler, où tu étais prêt à entendre ces mots. Ces discussions se sont faites sur des années. Pourtant, tu ne sauras jamais, mon poussin, à quel point nous ne pouvions jamais nous sentir prêts à parler de tout cela avec toi.

Parce qu’on voudrait tous que ces situations n’arrivent jamais. Surtout à des enfants. On voudrait bien, parfois, faire l’autruche et se convaincre que ça n’arrivera pas chez nous. Puis, nous repensons à ces enfants des autres qui n’auront plus jamais la chance de vieillir et nous savons qu’aussi difficile que cela puisse être, il faut te préparer à tout cela.

S’il y a le feu, tu n’iras pas chercher ta doudou. Si un intrus s’introduit dans notre intimité, tu ne resteras pas caché sous tes couvertures. Si maman s’évanouit, tu ne resteras pas là à attendre qu’elle se réveille. Et surtout, s’il nous arrive quelque chose d’atroce, tu auras tous les outils en main pour survivre. Parce que même si tu es le seul à survivre, mon ange, on aura déjà accompli quelque chose de grand… On t’aura sauvé, juste au cas…

Joanie Fournier

 

Changer l’heure, changer le destin

Deux fois par année, lors des changements d’heure, on est sensibi

Deux fois par année, lors des changements d’heure, on est sensibilisés à l’importance de vérifier nos détecteurs de fumée et d’en changer les piles. Ça s’en vient! Ça pourrait être utile de programmer un rappel dans votre téléphone intelligent, n’est-ce pas?

Mais tant qu’à faire, je propose de profiter du changement d’heure pour aller plus loin. Pourquoi ne pas utiliser cette heure supplémentaire (ben, pas celle entre 2 h et 2 h du matin, quand l’heure recule officiellement!) pour faire une démonstration d’évacuation en cas d’incendie? Ça pourrait sauver des vies et changer le destin de votre famille!

J’ai eu cette idée pendant une longue panne d’électricité de huit heures dimanche dernier. Les enfants s’étaient bien amusés à redécouvrir les racoins de la maison avec la lampe de poche. Ils avaient déniché tous les coins plus lumineux de la maison pour faire leurs devoirs et jouer aux toupies. Mais un bon moment donné… ils commençaient à tourner en rond et Hydro prévoyait encore quelques heures avant de rétablir le courant. Je me suis dit : « Tant qu’à être pris dans le noir, aussi bien jumeler l’utile au désagréable! ».

Je me suis rappelé mon père policier qui faisait sonner l’alarme quand il revenait de ses quarts de travail. Aucune paupière ne bougeait, tout le monde restait bien endormi. Fail! J’ai pensé à mon enfance vécue près de la centrale nucléaire de Gentilly. Petits et grands devaient avoir des réflexes bien aiguisés et un kit de survie à portée de main si l’alerte générale était déclenchée!

Tous ces exercices d’évacuation faits à l’école et dans les garderies, c’est bien pratique, mais ça n’aidera pas mes enfants à enlever le moustiquaire de leur fenêtre ou à décider par quelle porte passer pour sortir à l’air frais si le feu est pris chez nous.

On a donc fait le tour des chambres. On a fait semblant de faire dodo et de se faire réveiller subitement par l’alarme, ou par maman qui crie « Au feu! Au feu! », ou par la grande sœur qui cogne dans les murs pour réveiller tout le monde.

On s’est exercés à toucher la porte pour voir si elle était chaude. À évaluer tous les dangers. À placer une serviette dans le bas de la porte. À marcher à quatre pattes sous la fumée. À grimper sur les meubles et à débarrer les fenêtres.

J’ai expliqué qu’en cas d’incendie, on s’en fout de déchirer ou de couper le moustiquaire, de casser les fenêtres, de se casser une jambe en sautant en bas de la fenêtre. Et qu’on doit aussi se foutre de tout ce qui reste derrière : les toutous, les livres, le sac d’école, même l’animal de compagnie. L’essentiel est de sauver notre peau.

J’ai expliqué que dans certains cas, si le feu et la fumée sont loin, le mieux, c’est peut-être de se regrouper à deux dans une même chambre pour s’entraider. J’ai expliqué qu’ils feront mieux de se réfugier chez la voisine d’en face plutôt que sous leur lit. J’ai utilisé les connaissances des plus vieilles et les questions des plus jeunes pour rendre le tout interactif, amusant. J’ai bien précisé que les incendies, c’est rare, qu’on fait tout pour être prudents, qu’ils ne doivent pas allumer le four sans surveillance ou jouer avec les allumettes.

On a pratiqué l’appel au 911 : le feu, l’adresse, le nombre de personnes évacuées, le nombre de personnes (et d’animaux) encore à l’intérieur.

Cette fois-ci, on n’est pas sortis parce qu’il pleuvait des cordes. Une autre fois, on le fera. On fera aussi un exercice en cas de tremblement de terre, toujours de façon ludique. Ça pourrait changer le destin.

À votre changement d’heure, prêts? Pratiquez!

Nathalie Courcy

 

Ce soir, sur le bord du feu!

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Nous sommes tous les trois sur le bord du feu. Mon beau garçon entend la belle voisine de 17 ans d’en face jouer au basket avec son frère de 15 ans. Et c’est là que la discussion sur les regrets de ma vie a commencé avec ma fille!

 

Je lui ai expliqué que dans la vie, si on ne demande pas, on n’aura jamais la vérité ou la bonne réponse. Je lui ai confié mon amour inavoué pour ce garçon au secondaire qui était dans mon autobus. Un joueur de hockey. Toutes les fois qu’il embarquait dans l’autobus, j’espérais tellement qu’il viendrait s’asseoir avec moi… Je suis même allée jusqu’à me faire acheter un manteau d’hiver pareil comme le sien en espérant qu’il me remarque. Cinq ans à prendre le même autobus. Cinq ans à espérer qu’il me regarde, me sourie.


À 15 ans, je me suis jointe à un groupe de ma ville appelé Comité Jeunesse. Ce groupe avait pour but d’organiser des activités pour les jeunes de la ville. Nous organisions entre autres des soirées 14‑18 dans le gymnase du centre communautaire. Et là, à chacune de ces soirées, comme dans l’autobus, j’espérais. J’espérais qu’il y vienne. Une fois qu’il était arrivé, j’espérais qu’il me regarde, me sourie, ou mieux, qu’il vienne me parler.


J’ai donc passé mon secondaire à espérer. À rêver chaque soir qu’un jour, il viendrait enfin vers moi. Qu’un jour, il poserait son regard sur moi. Je n’ai jamais eu l’audace de faire les premiers pas. Je n’ai jamais osé. J’ai préféré espérer. J’ai donc expliqué à mes enfants que dans la vie, quand on veut vraiment quelque chose, il faut oser et non espérer, car rien n’arrive seul. On doit foncer et accepter le refus, car des refus, ils vont en avoir dans leur vie. Je ne suis pas une fonceuse, mais une rêveuse; je voudrais donc pour mes enfants qu’ils soient fonceurs. Qu’ils aient confiance en eux. Qu’ils croient en leurs capacités. Je leur souhaite de vivre leur vie au lieu de la rêver ou de l’espérer.

 

Annie Corriveau