Tag fratrie

BABI, BABI et demi : Message aux familles d’un Bébé à Besoins Intenses

Toi, la maman d’un bébé qui pleure du matin au soir et du soir a

Toi, la maman d’un bébé qui pleure du matin au soir et du soir au matin, qui te donne l’impression qu’il aurait mieux fait de rester dans ton utérus une année ou deux de plus pour trouver sa sécurité, qui se trouve trop loin de toi même s’il est dans tes bras ou dans le porte-bébé…

Toi, le papa qui fais ton possible pour prendre le relais quand tu reviens du travail, pour libérer les bras et alléger les épaules de ta douce, toi qui te sens impuissant devant ce bébé-criard, ce bébé-colère, ce bébé-jamais-satisfait-toujours-en-manque-d’une-sécurité-que-vous-pensez-lui-donner-mais-qui n’est-jamais-suffisante…

Toi, le grand frère, la grande sœur, qui est écœuré d’entendre ce petit monstre en couche hurler quand tu aimerais déjeuner en paix, quand tu voudrais regarder ton émission préférée, quand tu voudrais jouer avec tes parents à la cachette ou à Minecraft, toi qui es à bout de te faire voler ta place et ton temps de qualité avec tes parents par un bébé qui prend toute la place et qui occupe tout le temps de tout le monde…

Je vous comprends. Mon mari vous comprend. Ma fille aînée vous comprend. Nous sommes passés par là. Et nous nous en sommes sortis! Alors vous aussi, vous réussirez. Vous ne savez pas quand et ça rend le moment présent encore plus pénible. Si quelqu’un pouvait vous promettre que dans une semaine, un mois, un an, ce rythme de vie infernal sera chose du passé, vous auriez au moins quelque chose à vous raccrocher. À la fin de chaque journée, au moment de coucher la petite bestiole intense (bébé dormira une heure, peut-être deux si vous êtes chanceux, avant de recommencer son cirque), vous pourriez au moins faire un X libérateur sur le calendrier. Bébé sera peut-être toujours intense et hypersensible, mais un jour (promis juré craché!), ce sera plus facile. Votre amour, votre patience, votre écoute, votre façon de répondre à ses multiples besoins paieront. Le lien entre vous sera encore plus fort et il se sentira en sécurité.

Même si on sait d’avance que les bébés pleurent, ont des coliques, lancent des objets et vivront éventuellement un terrible-two (et toute autre phase poche qui fait partie du développement normal), personne n’est préparé mentalement et physiquement à vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une boule de rage et d’anxiété. Aucune réserve de sommeil ne tient le coup devant l’accumulation interminable de nuits interrompues par des séances de berçage pendant lesquelles bébé sanglote et se tord dans tous les sens.

Dans un autre billet, je parlerai aux frères et sœurs de ces BABI. Vous aussi, ce bébé vous fait vivre beaucoup d’émotions, alors ça vaut la peine d’y consacrer un texte entier. Je m’adresse ici aux parents.

  • Consultez un médecin (peut-être y a-t-il un problème physique qui explique les crises), un pharmacien ou un homéopathe (pour un traitement contre les coliques ou l’anxiété, par exemple); visitez un ostéopathe. Avec mes enfants, le reiki est aussi très efficace! Peut-être que vous avez des doutes, mais entre vous et moi, vous avez tout à gagner.
  • De grâce, gardez toujours près de vous de la musique (classique ou métal, selon ce qui vous apaise et qui peut « enterrer » les pleurs à 90 décibels (au-delà, on est sur le bord de perdre l’ouïe. Sérieusement). Une fois que vous avez été à l’écoute de votre bébé (A-t-il faim, soif? Est-il malade, mouillé, inconfortable? A-t-il trop chaud, trop froid? Est-il trop stimulé?) et tout fait pour le soulager (lait, eau, purées, couche changée, vêtements appropriés, bouillotte (un colleux ventre à ventre fait le travail), emmaillotement, massage, chansons), la musique peut étirer votre patience jusqu’à ce que le calme revienne.
  • Ayez sous la main une liste de personnes de confiance qui sont prêtes à prendre soin d’un BABI (en toute connaissance de cause, sinon ça peut ruiner une relation) pendant un moment pour vous donner une chance de refaire vos forces.
  • Pensez à tout ce qui vous aide à rester zen : parfums, huiles essentielles, massage, bruit blanc, méditation… Vous shooter au Valium est déconseillé si vous allaitez… D’ailleurs, vider votre bar en une soirée est déconseillé en tout temps. Par contre, ça peut être un fantasme qui vous aide à passer à travers une soirée particulièrement pénible!
  • Gardez votre humour, autant que faire se peut. Quand vous n’en avez plus, même pas une petite pincée, et avant de penser à lancer votre bébé par la fenêtre, déposez-le dans son lit et allez prendre de l’air pendant cinq minutes. Question de sécurité. Même les personnes les plus saines d’esprit peuvent péter un plomb.
  • Appelez la Ligne Parent, votre marraine d’allaitement, votre mamie ou votre meilleure amie. Avec votre conjoint(e), partagez les tâches (bercer bébé cinq heures par nuit devient une tâche même si vous le faites avec amour, croyez-moi!) avant de devenir fous. Ou de vous séparer.
  • Gardez une boîte de jeux pour vos autres enfants, que vous pouvez utiliser même si bébé BABI exige toute votre attention. Il se peut qu’un lecteur DVD ou une tablette en fassent partie. Rappelez-vous : c’est temporaire. Si votre plus vieux devient accroc, il sera toujours temps de gérer ça quand monsieur BABI sera de meilleure humeur.
  • Sortez. Et pas juste pour aller faire l’épicerie. Faites des activités avec vos autres enfants, sortez voir des amis, faites des activités qui vous tentent, mangez au resto en amoureux. Je ne l’ai pas fait, je le regrette encore. Il faut se donner un coup de pied dans le derrière avec de solides caps d’acier, mais votre corps, votre cerveau, vos oreilles, vos bras et votre cÅ“ur ont besoin de silence, d’air frais, de calme. Mute and reset!
  • Ne vous définissez pas seulement comme un parent. Et ne vous définissez surtout pas comme un mauvais parent. Ça vous arrivera. Exprimez-le (même si tout le monde vous dira que vous ne devriez pas dire ça!) Souvenez-vous que les circonstances ne définissent pas ce que vous êtes. Vous faites de votre mieux? Votre bébé n’est pas facile? Vous êtes un bon parent. Vous faites des erreurs? Ça vous arrive même de sacrer quand votre bébé se réveille pour la 3000e fois? Vous êtes un bon parent. Nul besoin d’être un parent parfait pour être un bon parent.

Avoir un BABI est une épreuve. Être un BABI est un diagnostic. Ce n’est pas un mythe. Je vous donne la permission d’envoyer promener ceux qui vous diront que les BABI n’existent pas, que vous n’êtes pas assez (stricts, patients, encadrants, tough : choisissez). En ce moment, vous n’avez pas besoin de ces personnes. Entourez-vous de personnes qui vous aiment assez pour accepter que vous êtes plus qu’à bout et que vous avez besoin d’aide, de personnes qui vous donnent un coup de pouce et une petite tape sur l’épaule.

ligne parent

http://sphq.org/trouver-un-homeopathe-membre/

https://www.ritma.ca/osteopathie-association.php

 

L’enfant du milieu

<span lang="FR" style="margin: 0px; color: #333333; font-family: 'Ge

J’ai eu la chance (ou la malchance?) d’être cette enfant qui est plus petite et plus grande. J’avais l’embarras du choix, je pouvais être maternante ou bien tannante! J’avais toujours un bouc émissaire pour mes petites et grosses misères. Mais en même temps, j’ai été cette enfant qui n’a jamais eu de temps « seul ».

L’ainé d’une famille vit un moment, parfois quelques mois en général plusieurs années, de lune de miel. Papa et maman n’appartiennent qu’à lui! L’amour à trois, c’est simple : c’est juste génial. Puis arrive le jour où on apprend qu’un petit nouveau va faire son entrée bientôt! Soit on s’inquiète, soit on est heureux. Mais chose certaine, on en a bien profité avant cette arrivée!

Le petit dernier, c’est la même histoire, mais à l’envers. Les grands sont à l’école pour une ou plusieurs années avant qu’il y entre à son tour. C’est la joie, des moments seuls avec le ou les parents. Bien entendu, il s’ennuie des plus vieux par moment, il a bien hâte de partir à son tour. Mais il aura eu son temps, seul.

L’enfant du milieu lui, jamais. Il y a toujours eu un plus grand auquel il s’est greffé, ou un plus petit qui s’est accroché. On lui demande beaucoup, à cet enfant : montrer et suivre l’exemple en même temps.

Tour à tour, j’ai mis des bonnes vieilles bibittes dans l’oreiller de mon ainée et aidé à apprendre à marcher au benjamin. Quand j’étais fâchée envers un, l’autre écopait parfois. La suprématie de la plus vieille, j’y goutais aussi! Autant d’un côté que de l’autre.

En même temps, j’avais une place de choix pour faire mes expériences. J’ai été autant celle qui avait besoin d’aide que la super héroïne. J’avoue, être l’enfant du milieu a beau avoir ses lacunes, ç’a aussi bien des avantages.

À nous, les enfants du milieu, je nous dis qu’on est au final bien chanceux. On aura eu le meilleur des deux mondes, une main d’un côté pour nous essuyer le nez alors que nous-mêmes avons essuyé le suivant. On a appris à agir avec les plus vieux et à comprendre les plus petits. C’est une force unique que l’on a acquise.

Alors il ne faut pas s’en faire quand on voit notre enfant du milieu être parfois un peu perdu dans son rôle. Il saura avec le temps prendre sa place bien à lui. Mais d’ici là, essayons quand même de lui donner un peu… de ce temps auquel il aspire sans le savoir… un petit moment avec lui… seul.

Simplement, Ghislaine B-Surprenant

 

Touche pas à mes enfants!

Parlons d’inceste. Parlons dâ

Parlons d’inceste. Parlons d’abus. Parlons de la peur que ça nous injecte dans le cœur.

J’étais petite. J’étais la plus jeune de la famille. J’étais une fille. J’avais deux frères débordant d’hormones adolescentes et de désirs exploratoires. Ils ont abusé à répétition de mon petit corps innocent, avec ma permission qu’ils avaient manipulée : « Je vais te donner mon toutou si tu me fais bander »… « Si tu le dis à m’man, tu vas le regretter. Elle ne te croira jamais de toute façon. »

Mais elle m’a crue. Elle a exigé qu’ils arrêtent leurs petits « jeux » immédiatement. Ils ont obéi.

Fin de l’histoire.

Euh… Non!

Dans le temps, on ne parlait pas de « ces affaires-là » (lire : tout ce qui dérange la bonne conscience collective, ce qui est sale et « pas beau », ce qui est fait dans les souterrains des familles et des sous-sols d’église, mais qui ne doit jamais remonter à la surface). J’ai eu la chance d’être écoutée et crue, d’être défendue. Mais avec du recul, j’aurais aimé que ça aille plus loin. Qu’il y ait une réelle intervention, une aide psychologique pour moi et pour eux. Une (ré)conciliation familiale. Mais dans ce temps-là… dans un petit village où tout se sait… on enterrait les faits, on taisait les émotions, on lavait les draps à l’eau de Javel et on retournait au quotidien neutre et sans histoires.

Qu’est-ce que j’en ai gardé?

Un malaise par rapport à ma propre sexualité. Je n’avais pas réussi à faire bander mes frères pourtant si excités. Je n’avais pas réussi à leur faire de pipe comme il se doit. Par contre, j’étais fière en titi d’avoir dénoncé. Je n’ai pas eu le toutou promis, mais j’ai gardé ma virginité et mon pouvoir de dire « NON. »

Au secondaire, j’ai consulté. Par moi-même. « Bonjour madame la psychologue, j’aurais besoin d’aide. J’ai été abusée pis ça marche pas dans ma tête. » J’ai parlé à des enseignants en qui j’avais confiance. Certains m’ont écoutée et prise dans leurs bras. D’autres m’ont répondu : « Ben voyons, l’inceste, c’est pas vraiment un abus sexuel! Tes frères, c’étaient des adolescents, ils voulaient juste essayer des affaires. » Ou encore : « Il n’y a pas eu pénétration, faque c’est pas si pire que ça. Arrête de dramatiser pis reviens-en! »

Au cégep, j’ai fait une démarche de réconciliation. Je voulais comprendre ce qui leur était passé par la tête et par les couilles. Je voulais surtout les entendre demander pardon. Un l’a fait, de façon sincère. Ça lui étranglait la conscience depuis tellement d’années, et il n’osait même pas imaginer ce que c’était pour moi. L’autre? Il m’a répondu que j’étais une cr*** de folle, une menteuse chronique, que je devrais être enfermée à l’asile. J’en ai parlé à notre mère. Je ne sais pas s’ils en ont discuté (le silence… le maudit silence…), mais ça a pris des années avant qu’il y ait une suite à l’histoire. Un soir, un courriel :

« Ce que j’ai fait était pas correct. Je te demande pardon. »

Et moi, l’épaisse (oui, oui, je m’autoflagelle), j’ai donné mon pardon sur un plateau doré. J’étais tellement soulagée qu’il admette enfin ses gestes! Comme si j’avais besoin de ça pour me confirmer que j’étais saine d’esprit, que je n’avais pas tout inventé. Pourtant, bien que les souvenirs soient flous, ils sont bien ancrés dans la réalité.

Quand j’ai rencontré celui qui deviendrait le père de mes enfants. Il y a eu des froids à défaire, une confiance à gagner. Il a su écouter, respecter. J’ai eu terriblement peur d’accoucher de garçons en premier, peur que l’histoire se répète. Encore aujourd’hui, je porte les séquelles de cette plongée trop précoce et trop forcée dans la sexualité. Mon corps porte des souffrances crues qui émergent à l’occasion sous forme de crampes, de blessures, de tensions.

Je veux mes enfants libres, je les veux confiants, mais il m’arrive de craindre ce qui pourrait leur arriver. Malgré le pardon, devant mes frères, je garderai toujours un réflexe interne de lionne : « Touche pas à mes enfants ». Je fais confiance aux gens qui nous entourent, comme ma mère et moi faisions confiance à mes frères. On ne peut pas se mettre à douter de tout le monde et imaginer des scénarios d’horreur dès que nos enfants ne sont pas à portée de regard!

Mais il m’arrive d’avoir peur. Il m’arrive de me poser des questions sur les intentions des gens. Une montée d’hormones est si vite arrivée! Une pulsion incontrôlable, quelques onces d’alcool, un coin sombre, on ne sait jamais.

Mes enfants ne connaissent pas cette portion de ma vie. Mais ils possèdent l’information qui pourrait leur éviter de se retrouver dans une situation d’abus. Ils savent qu’en tout temps, ils peuvent me parler et ils seront écoutés et soutenus. Et ils savent que les câlins et les bisous, ça ne s’arrache pas.

Statistiques concernant les agressions sexuelles : http://www.statcan.gc.ca/pub/85-224-x/2010000/part-partie2-fra.htm

Agressions sexuelle Montréal : http://agressionsexuellemontreal.ca/violences-sexuelles/inceste-et-abus-sexuel

Guide d’information à l’intention des victimes d’agression sexuelle : http://www.scf.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/Violence/guide-agressions-sexuelles2008-fr.pdf

 

La relation entre sœurs : pas toujours rose!

Qu’est-ce qui pe

Qu’est-ce qui peut être à la fois un ange et une peste ? Les petites sœurs ! Vous savez, ce genre de personne qui aime vous agacer et qui ne déteste pas vous voir en colère à cause de son vilain tour?

Dans mon cas, ma sœur a un visage réversible: un côté tout mignon pour charmer tout le monde qui l’entoure, et un autre côté, oui, ce visage démoniaque, que vous ne voulez pas le connaître. Ce genre de personne dont je vous parle aime jouer des tours vraiment déplaisants. Ce côté est celui que je vois tous les jours avec ma petite sœur. Quelquefois, il me fait bien rire, mais la plupart du temps, je le déteste.

Ma sœur et moi avons quelques points en communs, comme la passion pour le patinage artistique et l’amour pour les animaux de compagnie. Cependant, la principale chose que je préfère d’elle est qu’elle me dise les vraies choses. Comme « Ton linge est laid » ou « Tu chantes mal ». Merci ma sœur : grâce à toi, je vais avoir l’air moins ridicule.

Ma sœur me fait souvent honte lorsqu’elle en a la chance. Surtout en public. Mais le gros problème qui se produit quand on est sœurs, c’est que les deux se font honte ensemble. C’est un beau travail d’équipe!

Je ne sais pas ce que ça fait d’être une petite sœur, d’avoir des grands tannants qui montrent plus ou moins l’exemple. Ça ne doit tout de même pas être facile, car lorsqu’on est cadet, on doit toujours faire comme les plus vieux. Autant dans les films que dans la réalité, on voit souvent les parents dire aux plus petits de suivre les traces que notre frère ou notre sœur aîné(e) a laissées. Si j’étais ma petite sœur, je ne ferais pas tout ce que moi, l’aînée, ai fait…

Beaucoup d’adultes qui n’ont pas d’enfants ou qui ont un enfant unique ne savent pas vraiment en quoi consiste une relation entre deux sœurs. Certains peuvent penser que c’est beau et que c’est facile de s’aimer entre sœurs. C’est pourtant si difficile! Pourtant, je sais que certaines sœurs ont une relation impeccable. Souvent, ces deux filles de même famille sont touchantes et s’adorent. J’aimerais bien avoir cette relation avec ma sœur, mais certains de nos comportements s’opposent et nous empêchent peut-être de vivre cela. Ça nous demanderait de très grands efforts à toutes les deux.

Finalement, j’aimerais vous dire de faire attention à votre sœur. Elle est une membre de votre famille. Si un jour, c’est plus difficile, dites-vous que vous êtes chanceux de l’avoir dans votre vie. Elle compte beaucoup plus pour vous que vous ne pouvez l’imaginer.

Tu es tannante, mais je t’aime quand même, ma sœur!

  

Juliette Roy

 

 

 

 

 

Quand monsieur Zen rencontre miss Peur

8 h 20, jeudi matin. Mon grand bonhomme de cinq ans est installé da

8 h 20, jeudi matin. Mon grand bonhomme de cinq ans est installé dans la chaise du dentiste, comme un roi sur la plage avec ses lunettes fumées et ses espadrilles de Skylanders. Zéro troublé par l’arrachage de dent qui s’en vient. Sa première dent d’adulte est complètement poussée et la dent de bébé ne fait même pas semblant de branler.

Je le regarde et je l’admire. Pour lui, la vie est juste belle. Il ne voit aucune raison pourquoi ce serait différent, arrachage de dent ou pas. Quand j’étais enceinte de lui, j’ai traversé des périodes extrêmement stressantes, comme la perte de son jumeau.

J’avais lu qu’un bébé qui a vécu un stress important in utero peut réagir de deux façons : être de nature anxieuse ou être immunisé contre le stress. Vous n’avez pas idée à quel point je lui ai parlé pour le réconforter. Dès ses premiers jours, je disais que mon Tiloup était un mélange de Gandhi et de Bouddha. Et pourtant, il avait dû être réanimé à la naissance et j’avais passé les deux premières journées de sa vie à l’urgence (bon… c’est peut-être le soluté de Gravol et de morphine qu’il a ingéré par le lait maternel qui a eu un impact!). Du stress à la pelle pour commencer dans la vie.

Combien de fois me suis-je fait dire par des étrangers : «Madame, votre bébé a une vieille âme! Dès qu’on le voit, on se sent calme…» Il lui arrive de s’énerver, mais habituellement, c’est parce qu’il a faim ou qu’il s’ennuie. Le reste du temps, il avance dans la vie comme un voilier vogue sur une mer sans rides. Alors, quand c’est le temps de se faire enlever une dent, c’est comme s’il devait boire un verre de lait. «Maman, est-ce que je peux retourner à l’école maintenant?» Pas plus compliqué que ça.

Quand on sait que j’ai déjà dû appeler l’ambulance pour ma fille aînée (elle avait sept ans) qui paniquait pour un plombage, on comprend que la zénitude de mon garçon me soulage. Vers l’âge de deux ans, ma Peanut a pris un abonnement aux phobies : dentiste, médecin, animaux, insectes, piqûres, seringues, bruits… Lorsque j’osais sortir avec elle, elle essayait de rentrer dans mon utérus parce que les corneilles sur les fils électriques l’angoissaient ou qu’une personne s’approchait. Pauvre Peanut. Elle souffrait! Et nous, nous n’avions plus de vie.

On a travaillé fort pour la libérer. Un pas après l’autre. «Peanut, de l’autre côté de la rue, il y a un chien. Il est en laisse. Tu peux rester derrière moi si tu veux. Il a l’air gentil». «Peanut, devant nous, il y a un petit chien dans les bras de son maître. On va passer à côté sans le regarder. Tu es capable. Respire avec moi». «Peanut, aimerais-tu dire bonjour au chien de notre voisin? Regarde, il fait dodo». Même principe avec les humains, les chats, les oiseaux, les maringouins, les brocolis.

Maintenant, ma grande Peanut a du plaisir à aller chez le dentiste. Elle cohabite avec notre chaton avec plaisir (elle sait qu’il est dégriffé). Elle va vers les autres avec une aisance admirable. Elle qui était maladivement timide m’a déjà dit que l’endroit où elle se sentait le mieux était sur une scène de théâtre. Vous imaginez le chemin parcouru?

Pourtant, elle se relève chaque soir pour vérifier que toutes les portes de la maison sont verrouillées. Si elle doit se faire piquer, c’est l’hyperventilation garantie. Au calme, elle comprend que la seringue n’est pas là pour lui faire mal et que l’araignée peut être aussi répugnante qu’elle le veut, elle n’est pas dangereuse. Sa tête le comprend. Son instinct de survie, non. Ma fille ne sera peut-être jamais «phobie-free» et elle aura longtemps besoin de ses anxiolytiques, mais elle peut maintenant profiter de la vie et nous aussi.

Quand je vois mon champion se faire enlever une dent sans broncher, je ressens tout le bien qu’il me fait. Grâce à lui, j’ai compris que je ne dois pas me culpabiliser à cause des angoisses de ma fille. Mon autre fille a déjà donné un bisou à un scorpion et trouve que les araignées sont dégueulasses, à l’exception des tarentules… C’est à se demander si ces deux enfants ont été élevés par les mêmes parents. Mon garçon le plus jeune, eh! bien, tant qu’il a quelque chose à manger et quelqu’un à bécoter, il est heureux. Bien loin de l’anxiété généralisée diagnostiquée de ma grande Peanut.

J’observe mon garçon, si minuscule sur l’immense chaise du dentiste et au milieu des instruments intimidants. Je m’émeus devant son sourire rempli de cotons absorbants. Sa sœur et lui parcourent une route différente, mais leur cheminement mérite mon admiration. Je les accompagne sur le chemin, et j’apprends à chaque pas que nous faisons ensemble.

La fois où j’ai retrouvé ma fille

Quand ma belle Cocotte est née, je m’attendais naïvement à revi

Quand ma belle Cocotte est née, je m’attendais naïvement à revivre la facilité expérimentée avec ma fille aînée : des sourires quotidiens, un bébé qui s’adapte à tout et à tous, des nuits de 13 heures dès l’âge de sept semaines. Mais non. Je me suis fait surprendre par un saut en bungee entre une dépendance intense et un refus total des contacts.

Au moment où Cocotte naissait, Papa préparait ses bagages pour plusieurs mois d’entraînement militaire et de mission afghane. Grande Peanut s’était fait mettre à la porte de sa garderie pour « conflit de personnalité » avec l’éducatrice. Je venais de terminer mes études et je n’avais rien devant moi.

Cocotte a absorbé tout ce qu’il y avait de négatif autour d’elle. Elle a passé quatre mois à pleurer (que dis-je ? À hurler!). C’est ce qu’on appelle un BABI, un bébé à besoins intenses. Son premier besoin s’appelait « Sécurité ».

Impossible pour moi de la promener ou de lui chanter des berceuses. Le mouvement et le bruit (ce qui incluait ma voix) l’irritaient. Même dans le porte-bébé, elle se trouvait trop loin de moi. Elle dormait dans mon pyjama, collée sur ma peau, épuisée. 24 heures par jour, je devais rester immobile et respirer le moins possible pour ne pas la réveiller. Pendant ce temps, sa grande sœur réclamait l’attention volée.

La première fois où j’ai vu ma Cocotte dormir ailleurs que dans mes bras, j’en ai presque pleuré. Je n’avais plus de larmes, alors j’ai simplement souri de soulagement. C’était la fin de l’été; elle était née au début du printemps. Je me disais qu’enfin, elle se sentait en sécurité. Mais non.

Pendant les années qui ont suivi, Cocotte a subi les agressions répétées de sa grande sÅ“ur. J’ai par la suite expérimenté les conflits fraternels « normaux » (mais oh! combien désagréables !). Je peux jurer que le traitement qu’elle réservait à ma Cocotte était hors norme. Heureusement, leur relation s’est adoucie. Merci aux psychologues et au temps!

Pendant des années, ma Cocotte traumatisée a refusé tout contact humain. Elle ne s’exprimait plus, elle grognait comme un lion enfermé dans une cage de gerboise. Elle griffait, mordait, se protégeait.

C’était pénible de donner le câlin du soir à mes trois autres enfants et de me faire fermer la porte au cœur par ma Cocotte. Je la savais si fragile… J’aurais voulu réparer son âme et son passé, mais dans ce domaine, la baguette magique n’existe pas.

J’ai dû me tenir loin, observer, à l’affût d’un signe d’ouverture. Un soir, ma sincérité de maman a parlé:

- Ma Cocotte, c’est pénible de ne pas te prendre dans mes bras. Tu me manques… J’aimerais te proposer quelque chose… On ne tolère pas que tu grognes sans arrêt. Tu n’es pas un animal.

РMais oui, Maman, les humains sont des mammif̬res!

-Je te demande d’utiliser des mots. En échange, je vais faire d’énormes efforts pour ne pas entrer dans ta bulle. Je ne te toucherai pas et je ne te donnerai pas de bisous. Quand tu seras prête, tu reviendras vers moi. D’accord ?

Le contrat était scellé. Pas de poignée de main envahissante, seulement un silence qui contrastait avec les hurlements habituels.

Quelques mois plus tard, ma Cocotte a accepté que je m’assoie une minute au pied de son lit. Juste pour être près d’elle. Une autre journée, elle a « échappé » une caresse qui l’a prise par surprise. Un bisou, une sieste partagée, quelques confidences…

Petit à petit, elle s’est ouverte aux autres. J’ai maintenant droit à plusieurs « je t’aime » chaque jour, sans devoir la supplier.

Le plus bouleversant, c’est que Cocotte et Peanut se prennent au jeu de s’aimer et de se le montrer. Quand ça arrive, j’entends parfois le grognement d’un chaton qui voyage sur le dos d’un ronron. Quand ça arrive, je me dis que j’ai retrouvé mes filles. Et elles, ELLES se sont enfin trouvées.

 

Nathalie Courcy