Je viens de revenir chez moi. Après cinq heures à l’aéroport dâ
Je viens de revenir chez moi. Après cinq heures à l’aéroport d’Ottawa. Sans avoir pris d’avion. En cette belle journée d’avril remplie de vents et de pluie verglaçante, les vols ont été retardés et annulés les uns après les autres. Avant même de partir de la maison, j’avais dû appeler la compagnie aérienne pour qu’un agent me trouve une place dans un autre avion. L’agent a été efficace, rapide, sympathique. Merci, monsieur ! Je peux m’imaginer qu’autour de vous, il y avait probablement des dizaines d’agents stressés, tannés de se faire engueuler au téléphone par des clients frustrés. Votre calme m’a impressionnée.
Quand le taxi est arrivé, le vol avait été retardé à 19 h 43. Le conducteur était nerveux. On s’est rendus en un morceau, à l’heure prévue. Merci, monsieur, d’avoir été compétent et prudent. Mes enfants aussi vous en remercient.
Pendant le trajet, le vol a été retardé deux fois. 22 h, arrivée prévue à 23 h. Pas si pire. L’atelier que j’animerai cette semaine commence à 8 h demain matin. J’ai le temps. Je me croise les doigts.
La file d’attente devant les kiosques de dépôt de bagages est loooooonnnngue ! Les gens ont le cellulaire scotché sur l’oreille, le ton est cassant. J’entends les commentaires. Est‑ce que quelqu’un est vraiment étonné que l’horaire des vols soit sans queue ni tête avec cette température ? C’était littéralement écrit dans le ciel.
– Bonjour madame. Grosse journée agréable, hein ? Faut pas lâcher.
– Oh ! Merci pour votre sourire, ça fait du bien de rencontrer une cliente qui ne nous en veut pas pour les retards !
– Ce n’est pas le fun pour personne, mais on n’en rajoutera pas ! On est tous dans le même bateau (à défaut d’être dans un avion). Même quand j’ai appelé pour changer mon vol, j’ai eu la ligne rapidement et l’agent était super efficace.
– Oh ! Merci, j’avais l’impression que tout le monde était fâché.
– Quand bien même on le serait contre Dame Nature, ça n’aide personne si on se venge sur vous ! Je vous souhaite de dormir en paix ce soir, vous faites un bon travail.
(J’ai cru entendre sa mâchoire tomber par terre. Poc.)
J’ai eu le temps de passer la sécurité. De m’asseoir au resto. De commander un drink cool. Tant qu’à avoir quelques heures à tuer, aussi bien en profiter ! Du menu, il ne reste que le quart des options. La journée a été longue pour tout le monde à l’aéroport.
– Je prendrai donc un burger au bacon, pas de bacon. Merci.
Est-ce que j’aurais préféré avoir le poulet thaï à la noix de coco ? Oui. J’aurais pu quitter le resto sans manger, bouder, faire des gros yeux fâchés au serveur. Mais ça n’aurait pas mis dans mon assiette du poulet thaï à la noix de coco. J’aurais juste mangé du boudin, comme disait ma mère quand j’étais petite.
Première bouchée de mon burger au bacon pas de bacon : mon vol est annulé. Mon cellulaire est mort, je ne peux pas appeler la compagnie aérienne pour changer mon vol. Avale le burger, cale le drink, paye. Go jusqu’à la porte prévue pour le départ de mon vol.
La foule de clients pas contents est attroupée autour de l’agente qui n’a pas encore de réponses à fournir. Elle aussi, doit attendre. Et elle aussi s’impatiente. Tout le monde est debout devant elle, tape du pied, grogne sans discrétion. Pensez-vous que ça aide ? Pensez-vous que ça améliore la situation ? Ben non !
On nous a redirigés vers un autre étage, vers le centre d’appels de la compagnie aérienne, vers le carrousel à bagages, vers les taxis. Retour à la case départ, c’est-à -dire à la maison. Au moins, je ne dormirai pas (à moitié) entre un mur en béton et un poteau en métal. Je vais dormir au chaud, en sécurité. Je suis convaincue que si la compagnie aérienne avait pu, elle aurait fait décoller l’avion. La sécurité prime. Tout comme la gentillesse.
Je le sais que ce n’est pas tout le temps facile de rester gentil quand on est frustré, impatient, quand nos plans ont été barouettés d’un bord et de l’autre. Mais je vous le jure, c’est encore plus pénible de rester emprisonné dans sa frustration, d’être borné au point de ne pas voir que l’humain devant nous, qu’il soit agent de bord, passager ou douanier, n’a pas décidé de nous faire suer. Lui aussi préférerait que sa routine soit simple et efficace.
Même chose avec les profs contre qui on se venge du système scolaire, les infirmières qu’on enterre sous nos plaintes contre les décisions politiques, nos parents à qui on reproche la mentalité de leur époque qui a guidé leurs choix parentaux. Et si on essayait, dans ces situations incontrôlables, de rester gentil ? Si on essayait de se mettre à la place de la personne devant nous et de voir le problème à travers ses yeux ? Si on se rappelait que cette personne a un cœur, une fatigue, une frustration, et pourtant, un sourire pour nous accueillir et nous aider ?
Soyons gentils. Ça ne règlera pas le problème, mais ça évitera d’envenimer la situation. Tout le monde dormira plus en paix.
P.S. Au moment où j’écris ces lignes, l’électricité vient de me lâcher. Et au lieu de sacrer contre la compagnie d’électricité, je remercie mon ordinateur d’avoir une pile chargée. Si ce n’était pas de ça, j’aurais perdu mon texte. Et mon temps !
Nathalie Courcy