Tag pédagogie positive

Tu n’es pas seule, petite maman bienveillante

Il y a dix ans, j’étais une nouvelle maman complètement débouss

Il y a dix ans, j’étais une nouvelle maman complètement déboussolée. Le maternage, la bienveillance et l’éducation positive n’étaient pas encore à la mode. J’y allais à l’instinct, toute seule sur mon chemin. Je réinventais la maternité avec mes convictions toutes personnelles et le soutien de mon amoureux, mon complice. Je ne suivais pas les enseignements d’un vieux sage. Il n’y avait pas de liste de grands principes affichée sur mon frigo. Je suivais mon cœur tout simplement. Ouf, pas si simplement que ça!

Pour la première fois de ma vie, je déviais du chemin bien tracé que j’avais docilement suivi jusque là. Tout le monde s’attendait à ce que je retourne travailler, et moi, je faisais le choix de mettre ma carrière de côté. La débarque sociale, tu dis!

Voici ce que j’écrivais en 2008 sur ma maternité toute neuve :

Ce qui me met particulièrement en colère ces temps‑ci, c’est de réaliser qu’il n’y a pas beaucoup de place pour une maman et un bébé qui va avoir un an. Les mamans retournent au travail, les bébés entrent dans les garderies… Dehors, le jour, les parcs sont vides.

 

Les activités de la ville nous sont presque toutes interdites : les cours maman-bébé refusent les bébés qui commencent à marcher alors que les spectacles pour enfants sont réservés aux enfants de plus de trois ans. Si je comprends bien, on dérange partout. Même dans le monde des enfants?

 

J’ai découvert l’origine de l’expression « faire une montée de lait » quand j’ai commencé à allaiter. Chaque émotion intense s’accompagne dorénavant d’une chaude sensation de picotement dans ma poitrine. Maintenant, pour moi, bouleversement égale débordement lacté.

 

Ce que je réalise surtout, c’est que mes montées de lait « émotives » ont presque toujours la même origine. Celle de me sentir marginale parce que je chéris chaque moment passé avec mon enfant. Seule à croire sincèrement que c’est le plus grand bonheur que je puisse vivre. Et plus seule encore, à croire que je peux en faire un petit être un humain épanoui.

Des montées de lait, heureusement, j’en fais de belles aussi. Il y en a une qui m’a envahie cet après-midi, en regardant mon coco jouer avec son Papa. C’était tellement émouvant de le voir : si beau, si heureux, si drôle, intelligent, habile et affectueux. Il a dix mois aujourd’hui et je l’appelle ma p’tite éponge. Il apprend tellement vite que je ne fournis pas! Hier soir, j’essayais de l’aider à s’endormir en respirant profondément comme dans mes cours de yoga prénataux. Tout à coup, j’ai senti son souffle chaud sur ma joue. Il m’imitait avec sa petite bouche en cœur et attendait de voir ma réaction, le petit coquin.

 

Je découvre de jour en jour sa personnalité bien unique. Son père et moi réalisons que les moyennes et les conseils des pédiatres ont leurs limites. La première limite étant justement d’être des moyennes. Cet enfant est loin d’être juste une moyenne. Nous devons créer notre propre recette avec ce petit être‑là comme principal ingrédient.

 

Je vois approcher le moment du sevrage avec appréhension. Je sens à quel point il aime ce moment privilégié et qu’il a un grand besoin de sa maman. C’est d’ailleurs le seul mot qu’il dit mon bébé : Maman. Mon petit bébé qui m’appelle la nuit parce qu’une nuit, c’est bien trop long… Je n’oserais jamais dire ça en public, j’aurais bien trop peur qu’on m’accuse de trop le couver. Comme si on ne pouvait pas couver un peu un petit bébé de dix mois, répondre à ses besoins affectifs et lui construire sa sécurité à son propre rythme? C’est pas ça qui en fera un enfant roi, un petit monstre mal élevé qui pique des crises et à qui on permet tous les caprices…

Je me relis et je suis pleine de compassion pour la jeune mère que j’étais. Je ne réalisais pas encore que les différences sont finalement bien minimes entre chaque parent. On se ressemble bien plus qu’on le pense. On se ressemble surtout dans le fait de tous se sentir seuls et incompris de temps en temps.

Si tu as une petite maman autour de toi, tends-lui la main. Fais-lui une place dans ta tribu même si elle te pousse à te remettre en question. Je t’assure que, même si elle semble assumer ses choix et les défend avec conviction, elle est tout aussi fragile que toi. Elle doute elle aussi et elle essaie différentes approches. Elle fait de son mieux, exactement comme toi.

Elizabeth Gobeil Tremblay

La première contravention

Mon grand bonhomme de six ans, si sage et si serviable, vit des mome

Mon grand bonhomme de six ans, si sage et si serviable, vit des moments difficiles depuis quelques mois. L’absence de papa y est pour quelque chose, certes, mais c’est un facteur parmi d’autres.

Depuis deux semaines, nous vivons une accalmie à la maison. Il accepte le reflet que je fais de ces émotions en les nommant, en les relativisant : « Tu sais, tu n’es pas seul à te sentir stressé quand c’est le temps de quitter la maison. Tu as hâte de jouer avec tes cousins, mais tu as aussi peur de t’ennuyer de ton lit et de tes jouets. Est-ce que je me trompe? » Sur le coup, ces paroles ont émietté sa tension corporelle et lui ont fait prendre conscience que se venger sur toute la famille ne faisait pas baisser sa propre anxiété, au contraire. Une heure plus tard, en voiture : « Maman, c’est vrai, quand on quitte la maison, je me sens nerveux, j’ai peur de ne pas revenir. »

Donc, à la maison, nous vivons de belles victoires. Les insultes qui sortaient de sa bouche d’abord par défi de l’autorité et par colère, puis par réflexe, sont remplacées par une retenue mature. On voit bien que des mots pas fins tentent de franchir ses lèvres, mais on voit aussi que son cerveau et son corps travaillent fort pour les retenir. C’est plus facile de trouver des solutions et des compromis ensemble quand le presto n’a pas encore sauté.

Mais à l’école et au service de garde, les choses se dégradent. À chaque début d’année scolaire, je demande aux enseignants de me tenir au courant de tout comportement inhabituel chez mes enfants. Pas parce que je suis control-freak. Simplement parce que je connais mes enfants. Ils sont intenses. Ils sont hypersensibles. Un changement qui laisserait les autres enfants indifférents peut les bouleverser et les mener à une panique intérieure destructrice. Alors même si mon garçon a toujours été ultra-zen, la communication avait déjà été établie avec l’école. En prévention.

Pendant plusieurs semaines, les comportements dérangeants n’apparaissaient qu’à la maison. C’est ce que j’avais vécu avec mes filles. Des anges à l’école, des modèles de réussite et d’adaptation, mais des boules de larmes et de cris à la maison. Ce qui a souvent amené les médecins et les psychologues à diminuer l’urgence de la situation. Mais pour fiston, c’est différent. Au premier rendez-vous chez le travailleur social, une crise de plus d’une heure. Tellement éreintante que je m’en suis fait une entorse au genou.

À l’école, même absence de filtre depuis quelque temps. Ça a commencé par des siestes plus agitées, des refus de collaborer, le rejet de consignes simples. « C’est le temps de ranger ton jouet » amenait un bocage, des grimaces, un rire baveux. La journée où il s’est fait mettre à la porte de son cours de magie, je me suis dit que ça devenait plus sérieux. Lui qui adore cette activité, il devait avoir un besoin non comblé pour « choisir » une heure chez la T. E.S. à la place. Chaque fois, l’école m’a prévenue. Chaque fois, j’ai approuvé leurs interventions et garanti ma pleine collaboration. Chaque fois, je suis revenue sur la situation avec mon fils.

Quand c’était mon tour d’avertir l’enseignante de ce qui dégénérait à la maison, elle répondait rapidement avec un plan de match. Des interventions centrées sur la pédagogie positive et la constance. Team work! Malgré tout, les comportements dérangeants sont devenus plus fréquents, plus intenses et aussi plus longs à régler. Jusqu’à hier.

Je roulais en direction de l’école. Il pleuvait des cordes. Mon cellulaire a sonné dans ma poche. Le numéro du service de garde. Quand ils appellent à 16 h 12, ce n’est jamais bon signe. Je me suis rendue sur place en me doutant de ce qui m’attendait : un papier en trois exemplaires blanc-jaune-vert rapportant un manquement majeur. La directrice du service de garde m’a expliqué la situation de la journée : après plusieurs avertissements, Tiloup s’était enfui au deuxième étage de l’école et s’était caché, forçant le personnel à se séparer pour le trouver.

La pauvre directrice a passé quinze minutes à m’expliquer le comment du pourquoi de la démarche. « On ne veut surtout pas que vous soyez aigrie envers l’école, madame. C’est une procédure normale dans ce genre de situation. C’est la sécurité des enfants qui est en cause. On sait bien que votre garçon n’est pas méchant. On travaille fort avec lui pour améliorer ses comportements. En signant un manquement, on s’assure de garder des traces de nos démarches. Vous savez… si jamais on doit demander plus de ressources… »

Elle était mal à l’aise, alors que c’est mon garçon qui aurait dû l’être. Lui, il voulait juste partir au plus vite et roulait allègrement les yeux pour le faire sentir. J’imagine que ça arrive souvent au personnel scolaire de se faire reprocher le pire par les parents. Parfois, les parents ont raison, parfois ils ont tort. Mais clairement, cette fois-ci, l’officialisation du manquement était justifiée.

Je me suis alors rappelé la première contravention qu’un policier m’a remise. Je voyais le policier s’approcher dans mon rétroviseur. Je savais bien pourquoi il avait actionné ses gyrophares. Je savais que je méritais de payer pour mon erreur, en argent et en points d’inaptitude. Je n’ai pas contesté. J’ai une contravention aux cinq ans, jamais rien de majeur. Un rappel occasionnel que les règles existent pour tous et pour le bien de tous. Une conséquence qui n’empêche pas de refaire la même erreur (pas comme si j’avais perdu mon permis ou que j’avais été emprisonnée), mais qui pose la limite et qui encourage à faire de meilleurs choix.

Je ne suis pas convaincue que mon fils est vraiment conscient de ce que représente le papier avec lequel je suis revenue tristounette à la maison et dont une copie restera dans son dossier scolaire. Mais j’espère qu’avec la poursuite de nos interventions combinées (et le retour de son papa), il retournera sur la bonne voie. Et y restera. La plupart du temps.

Nathalie Courcy

Tu voles, tu rapportes. Principe de base.

Parmi les limites que les tinenfants testent presque tous, il y a le

Parmi les limites que les tinenfants testent presque tous, il y a le vol. Quand j’étais petite, je volais des gommes à effacer en forme d’arc-en-ciel et de crème glacée. C’était plus pour le thrill que pour l’objet lui-même. En fait, une fois que j’avais l’efface dans ma poche et que j’étais sortie du magasin, elle ne m’intéressait plus. Quand je la regardais au milieu de ma collection de gommes à effacer quétaines, je ne ressentais pas la même fierté envers l’arc-en-ciel volé que pour l’efface en petit minou que ma prof m’avait donnée en récompense. L’arc-en-ciel me faisait ressentir une petite honte, me rappelait que j’avais mal agi. Mais comme je ne m’étais pas fait prendre, elle m’appartenait. Mais elle ne me plaisait pas. Et je recommençais.

Pendant une période où elle était tout le temps de mauvaise humeur, ma belle cocotte volait souvent. À l’épicerie, je devais la surveiller sans arrêt, sinon, elle cachait des sachets de bonbons ou des crayons dans ses poches de manteau. Attendre aux caisses était un défi parce qu’elle subtilisait les gugusses à sa hauteur pendant que je payais. Avant de franchir la porte automatique, je glissais mes mains dans ses poches, je lui faisais de gros yeux, et elle devait retourner l’objet volé en s’excusant. Oh! Que la demoiselle ne me trouvait pas drôle! Mais ça tombe bien, mon but n’était pas de gagner le Festival de l’humour. J’avais droit à un « Grrrrrr » bien senti.

À la maison, elle volait souvent des objets à sa grande sœur. On pouvait laisser traîner vingt dollars sur le comptoir et c’était toujours là le lendemain. Mais le toutou préféré ou le pendentif à valeur symbolique disparaissaient. On les trouvait bien dissimulés dans la chambre de la petite demoiselle, sous des piles de mouchoirs, dans son coffre à jouets, sous ses draps. Lorsqu’elle grimpait en cachette sur les comptoirs pour se rendre jusqu’à l’armoire à pépites de chocolat, ah! là! On ne retrouvait pas le chocolat, mais on se rendait éventuellement compte que les sacs (t’sais, le format Costco) étaient vides. Ou on trouvait des emballages de collations sous son lit, dans ses poches, dans les craques de meubles…

Avec le temps, on a identifié avec elle la cause de ses vols. L’explication « Voler, c’est pas beau et ça fait de la peine aux autres », ce n’était pas efficace avec elle. Elle ne voulait pas faire de la peine, mais c’était devenu une habitude plus forte qu’elle. Elle y gagnait quelque chose : faire fâcher sa sœur. On a mis des limites. « Tu aimes bien avoir des pépites de chocolat dans les muffins, mais je ne peux pas en mettre si tu les manges toutes. » Pendant un bout, il n’y a plus eu de pépites de chocolat dans les muffins. « Quand tu as besoin de quelque chose, tu nous le dis et si c’est raisonnable, on l’achète. Tu as besoin de chaussettes, de vêtements, ou tu as le goût de manger des mangues? On peut en acheter. Tu ne manques de rien. Pas besoin de voler pour obtenir ce que tu veux. »

À un moment, moi aussi, je lui ai « volé » ce qui lui tenait à cœur. Elle a cherché son bracelet disparu. Elle a ragé parce qu’elle ne savait pas qui le lui avait pris. Elle a accusé tout le monde d’être entré dans sa chambre sans sa permission. Elle a pleuré. Puis, nous avons eu une bonne discussion. Maintenant qu’elle avait ressenti ce que sa sœur pouvait ressentir quand un objet symbolique disparaissait, quand elle s’immisçait dans son univers privé, elle pouvait comprendre. Elle n’avait pas le goût de le revivre, alors c’est devenu plus facile pour elle de se contrôler. Elle ne voulait plus que sa sœur vive cette même peine.

Cette semaine, mon bonhomme de six ans, abonné au testage de limites ces temps-ci, a laissé tomber un livre de son manteau après qu’on a visité une librairie. « Ah! Ben! Me semble qu’on n’a pas payé pour ce livre-là? Ça veut dire qu’il n’est pas à nous, pas vrai? Alors je pense que la bonne chose à faire, c’est de le rapporter au caissier et de s’excuser. Qu’en penses-tu? » Il m’a suivie presque sans protester. J’ai compris par la suite qu’il pensait qu’il pourrait simplement remettre le livre dans le rayon et quitter incognito. Une fois à la librairie, il a dû déposer le livre sur le comptoir, regarder le caissier dans les yeux et s’excuser d’avoir pris le livre sans le payer.

Je n’étais pas fière qu’il ait volé, évidemment. Mais j’étais fière qu’il ait fait le processus de réparation de son geste. Comme s’il se donnait la permission d’apprendre ce principe de base : Tu voles? Tu rapportes. La prochaine fois qu’il aura le goût de prendre quelque chose qui ne lui appartient pas, il s’en souviendra. Peut-être!

Nathalie Courcy

Non, je ne te sauverai pas!

8 : 39 ─ Maman, je suis dans le trouble. J’ai manqué mon arrê

8 : 39
─ Maman, je suis dans le trouble. J’ai manqué mon arrêt de bus. Je suis rendue du côté d’Ottawa. Je fais quoi pour retourner vers l’école?
─ Oups! Reste dans l’autobus, il va retraverser le pont vers Gatineau.
─ Ah! non… je suis déjà débarquée. Aide-moi!

Le genre de message texte qui démarre un lundi matin sur les chapeaux de mère sauveuse.
Je suis là, ma cocotte! Je tiens ta main, par cellulaires interposés. Mais je ne te sauverai pas.

8 : 42
J’appelle ma grande de douze ans pour la rassurer et l’aider à trouver ses solutions.
─ Où es-tu? Vois-tu un arrêt d’autobus de l’autre côté de la rue?
─ Non, maman! Je ne vois rien! Je suis perdue! Viens me chercher!
─ Écoute-moi. On va respirer ensemble.
─ Non, maman! Je ne suis pas capable! En plus, je vais avoir une retenue! Je vais être super en retard…
─ Peanut, une chose à la fois, ok? On va commencer par trouver un autobus pour te ramener de ce côté-ci de la rivière. Le prochain autobus qui passe, monte dedans et demande de l’aide au conducteur.
─ Je ne peux pas! Il ne va pas m’écouter! Il n’a pas le temps! Il a un horaire à respecter!
─ C’est son travail de t’aider.
─ Non, maman! Je ne serai pas capable! Il va rire de moi! Puis ici, il n’y a personne qui parle français! Il y a juste toi qui peux m’aider. Viens me chercher!

Mes oreilles entendaient son hyperventilation, les sanglots étouffés d’une détresse honteuse. Ma fille ne voyait plus que l’inconnu, n’entendait plus rien sauf les bruits terrorisants du centre-ville. Elle ne sentait que l’angoisse monter et dévorer toute sa logique.

J’ai déjà été cette fille-là. Je n’avais pas encore mon diagnostic d’anxiété ni la prescription qui va avec. En réalité, je n’aurais jamais pensé souffrir d’anxiété. Jusqu’à cette escapade en solitaire au haut d’une des tours de La Rochelle, en France. Ma tête savait que j’aurais le vertige, mais ma tête de cochon avait choisi d’être brave. Une fois en haut, mon corps s’est figé. La profondeur de l’océan et le vide du vent camouflaient l’escalier qui aurait pu me ramener au bas de la tour. Un fœtus emprisonné sur une passerelle, recroquevillé, étampé contre le muret. Ma panique engluait mon cerveau, ramollissait mes jambes, crispait tous mes muscles. Freeze! J’allais mourir de froid au sommet de cette tour maléfique et mon cadavre serait découvert mangé par les oiseaux…

J’aurais pu crier à l’aide, j’aurais pu… non, je n’aurais pas pu. L’image d’être secourue s’affaiblissait au fur et à mesure que l’idée qu’on se moque de moi prenait de l’ampleur. C’est ce qui arrive quand on a l’imagination hyperactive.

8 : 47
Ma belle, je comprends que tu te sens paniquée. Mais je sais aussi que tu es capable de retourner vers le collège. Je vais rester au téléphone avec toi jusqu’à ce que tu sois assise dans le bon autobus. Ok?
─ Non, maman… C’est impossible…
Déjà, la panique faiblissait et la force de ma fille reprenait ses droits. Mon calme de maman faisait le reste, le temps que ma grande cocotte refasse surface complètement.
─ Qu’est-ce que tu vois? Un nom de rue? Un bâtiment?
─ La Cour suprême. De l’autre côté de la rue. Mais il n’y a pas d’arrêt d’autobus. Maman…
─ Je sais où tu te trouves. Marche jusqu’à l’intersection. Tu vas traverser la rue. À ta droite, tu vas voir un arrêt.
La communication a coupé. J’ai essayé de la rappeler, pas de réponse. Je l’ai textée, pas de réponse. Je lui ai envoyé les numéros d’autobus par message texte et j’ai croisé mes doigts.
─ Je t’aime, ma grande. Fais-toi confiance.

L’école m’a confirmé un peu plus tard que ma fille était arrivée à l’école et qu’elle était calme. Elle n’était même pas en retard.

Ai-je été cruelle de ne pas sauter dans ma voiture pour secourir ma fille? Non. J’ai été aimante et encadrante. C’est ce que m’avait enseigné une travailleuse sociale. Plus jeune, ma fille manquait de l’école chaque semaine pour des maux de ventre, des nausées, des insomnies. Sa douleur était réelle, mais en la ramenant toujours à la maison, je renforçais sa certitude d’être en danger partout, sauf près de moi. Il avait fallu lui prouver qu’elle était en sécurité à l’école, qu’elle y avait des moyens de s’y sentir bien et des personnes qui pouvaient l’aider.

17 : 18
─ Ma peanut, sais-tu pourquoi je ne suis pas allée te chercher ce matin?
─ Hum… Je devais me pratiquer à me faire confiance?
─ Viens me donner un câlin. Tu as tout compris.