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Comment tu fais, toi, parent?

Si je te pose la question, c’est parce j’ai tant de difficulté

Si je te pose la question, c’est parce j’ai tant de difficulté à faire face…

Mon ado est partie. Ma fille s’est envolée. Dix-sept ans.

Si jeune, mais si mature. Elle a pris sa vie en main, elle avance, elle m’épate, elle m’inquiète.

Comment tu fais, toi, parent? Pour ne pas arrêter de respirer quand ton enfant disparaît dans le métro de cette ville trop grande et pleine d’inconnus…

Comment tu fais pour dormir quand il oublie de répondre à ton texto le soir? Tu imagines des centaines de scénarios horribles, tu t’accroches à l’espoir pour ne pas appeler les secours, le cœur en panique…

Comment tu fais pour ne pas fondre en larmes en entrant dans sa chambre vide? Les semaines passent, mais tu ne t’habitues pas à cette absence… ce vide…

Comment tu fais pour ne pas mourir d’inquiétude quand tu vois qu’il rushe autant au cégep, qu’il dort trop peu car il travaille dans un resto le soir, qu’il manque de temps pour ses devoirs, qu’il ne mange presque plus, qu’il subit du stress permanent et que tu te sens si impuissant… si loin…

Comment tu fais, toi, parent, pour pas virer fou quand ton enfant ne vit plus avec toi?

Quand tu ne sais pas où il est, où il dort, ce qu’il fait, avec qui il vit, avec quelles personnes il évolue, s’il a de la nourriture dans son réfrigérateur, s’il a barré sa porte, s’il a pensé à prendre son traitement, s’il s’est perdu, s’il va bien…

Tu n’as plus ce regard bienveillant, cet accompagnement quotidien auprès de ton enfant. Il n’est plus sous ton toit. Il est sans filet… Tu te sens sans filet… Ce sentiment te terrifie…

Cet enfant qui était en toi, cet enfant si petit, que tu as vu grandir, manger, marcher, courir, grimper, sauter, tomber, apprendre, avancer… s’est envolé…

Toi, tu trembles à chacun de ses battements d’ailes, tu vois tant d’obstacles dans son ciel si bleu. Tu te sens abandonné.

Comment tu fais toi, parent? Pour te rassurer, avoir confiance dans cette nouvelle vie et lâcher prise?

Comment tu fais pour l’aimer sans l’apeurer?

Comment tu fais pour ne pas brailler chaque fois que tu le laisses seul dans sa nouvelle vie, que ta vue s’embrouille sur le chemin du retour, et que tu retrouves ta maison trop vide?

Dis-moi, comment tu fais toi, parent, quand ton enfant s’en va?

Gwendoline Duchaine

 

Réflexion de maman un dimanche matin

J’ai trois enfants. Une fée de huit ans, une artiste de presque q

J’ai trois enfants. Une fée de huit ans, une artiste de presque quinze et un futur policier de dix-huit. Ces trois enfants qui sont les miens sont les amours de ma vie. C’est cliché mais c’est comme ça.

J’aime les voir grandir. J’aime participer à la construction de leurs rêves et à ce qu’ils deviennent. J’ai l’intime sentiment que je leur ai donné le meilleur de moi-même. Pas toujours mais souvent. Pour ce qui leur aura manqué, ils peuvent toujours être sauvés par la thérapie ou par une rencontre avec quelqu’un qui saura être significatif. Ce bout-là me console. Je sais fort bien que même si j’ai donné le meilleur de moi-même, il y aura toujours des manques, des failles. Je ne peux pas répondre à tous leurs besoins sur-le-champ. D’autant plus qu’ils sont trois. Trois enfants que j’aime, mais trois enfants fort différents avec des besoins et des attentes différentes. Non pas que je ne veux pas, mais des fois je passe à côté, je ne décèle pas tout ce dont ils ont besoin. Et hop! Une thérapie de plus.

Je ne suis pas une maman parfaite. Loin de là. Je n’ai d’ailleurs aucune idée de ce à quoi ça ressemble. Celle qui fait les lunchs, qui assiste à tous les tournois de hockey, qui est toujours bien mise, qui ne crie jamais après ses enfants? Ça m’importe peu. Je suis toutefois une maman qui ressemble à la femme que je suis. What you see is what you get, qu’on dit. Je ne peux pas être plus transparente que je ne le suis.

Mes enfants grandissent donc à une vitesse folle. Parfois, j’en perds le nord. Fréquemment, lorsque je les aime au travers de mon regard, de par mes gestes, dans ces paroles que je peux leur dire, je me rappelle les paroles de Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. » J’ai mis des enfants au monde pour qu’ils puissent parcourir le leur. À leur façon et non pas à la mienne. Et ça des fois, ça me fait peur. Et ça des fois, ça me fait pleurer.

J’aime ce qu’ils sont. Ce qu’ils deviennent. Mais non, je ne suis pas toujours en accord avec leurs choix. Je ne suis pas toujours d’accord avec la route à prendre. Je les vois parfois s’engager sur des chemins difficiles, sinueux et qui amèneront inévitablement souffrances et déceptions. Je voudrais les prévenir, leur crier : ne va pas là! Tu vas tant te blesser! Et parfois je le leur dis. Et parfois non. Parce qu’à la toute fin, c’est eux qui décideront. Qui emprunteront le chemin qui leur semble juste, porteurs d’espoirs et de désirs, qu’importe ce que j’en dis. Des Christophe Colomb à la conquête de l’Amérique. De la leur.

Le mieux que je peux faire est de les accompagner. S’ils en ont envie. Au-delà de mes peurs et de mes incohérences. Les laisser s’envoler du nid et parcourir des montagnes jonchées de chemins tranquilles et d’une beauté à couper le souffle. Emprunter les chemins les plus obscurs et terrifiants. Respirer un grand coup. Rester disponible pour qu’ils me racontent leurs voyages. Et continuer de leur faire confiance, me rappeler le bagage qu’ils portent en eux-mêmes, le legs que leur père, de leur entourage et de moi‑même leur avons laissé. Et le plus important : les aimer fort et le leur dire. Et leur envoyer des baisers même si c’est de bien loin.

Isabelle Bessette

 

Ma fille est partie

Ma fille est partie de la maison. De ma maison. À 14 ans. J’ai ar

Ma fille est partie de la maison. De ma maison. À 14 ans. J’ai arrêté de respirer à ce moment-là.

 

Nous avions une belle relation. Ma fille est intelligente, sociable, belle et bourrée de talents. L’adolescence nous avait frappées de plein fouet deux ans auparavant. Ça allait. Nous étions capables de trouver des zones de confort dans toutes ces turbulences émanant d’elle ou de moi. Pas facile, la relation mère-fille par moments. Mais ça, c’est un autre sujet.

Et puis est arrivé ce qui arriva. J’avais quitté son père quelques mois auparavant, après 14 ans de vie commune. Je crois qu’elle m’en a voulu. Qu’elle m’en veut probablement encore. On n’en a jamais parlé ouvertement. Il y a des sujets sensibles, plus difficiles à aborder sans que les larmes n’arrivent. On a préféré ne pas pleurer ensemble.

Elle était déjà au secondaire depuis un an. Elle s’est faite de nouveaux amis, était à la recherche de plaisirs et a commencé à consommer. Dégringolade des notes scolaires, humeur en dent de scie et bris de communication. Je lui faisais part de mes inquiétudes et de mes préoccupations adéquatement (ou pas, je dois l’avouer). Je ne tolérais pas qu’elle fume la cigarette ou du cannabis dans sa chambre. Je l’ai avertie à quelques reprises la menaçant d’enlever la poignée de porte de sa chambre si je retrouvais à nouveau des mégots dans ses tiroirs.

J’ai enlevé la poignée de porte. Au retour de la fin de semaine chez son père, elle n’y a vu que du feu et surtout, une intrusion, mon intrusion, dans sa grotte secrète qu’était devenue sa chambre. Elle a pris un sac de poubelles, y a mis quelques vêtements et elle est partie. Elle n’est jamais revenue chez moi.

Comment a-t-elle vécu tout cela? Je ne sais pas. Ce n’est de toute façon pas important ici. Moi, j’ai pleuré ma vie, ma fille, la mère que j’étais. J’ai tout remis en question; de ma vie d’avant jusqu’à aujourd’hui. J’ai cherché des réponses; j’en ai peu trouvées. Tout y est passé : les remords, la culpabilité, la rationalisation, la colère, la tristesse, le déni. Toutes ces émotions pêle-mêle qui font partie du processus du deuil. Je n’ai pas fait le deuil de ma fille. Je ne le ferai jamais. Je fais toutefois le deuil de notre relation d’avant. Je la voulais petite, ma fille. Je me suis toujours investie auprès d’elle, je l’ai encadrée, probablement trop surprotégée. Trop de cadres, trop de contraintes et la déception et les inquiétudes qu’elle voyait dans mes yeux. C’en était probablement assez pour elle.

Les semaines et les mois ont passé. Elle habite à temps plein chez son père. Elle est revenue vers moi doucement par des textos et quelques brèves rencontres. Tout est encore fragile; elle et moi le savons. Mais nous nous aimons. Elle va bien aujourd’hui. Elle est heureuse chez son père, a fait quelques changements d’amis et les notes scolaires sont au beau fixe.

 

Au moment d’écrire ces lignes; mes yeux se mouillent. J’ai une peine infinie. Toutefois; je respecte qu’elle ait fait ses choix, qu’elle ait eu besoin de se dissocier et de prendre une distance avec sa mère. Sa mère qui est moi. Je me console en me disant que ce n’est que pour mieux revenir.