Les éducatrices, celles qui dessinent des moutons
J’ai toujours voué un profond engouement pour Le Petit Princ J’ai toujours voué un profond engouement pour Le Petit Prince d’Antoine de Saint‑Exupéry. Un intérêt aussi grand pour ce récit que pour ma profession que j’affectionne tout autant. Passer mon quotidien avec des Petits Princes et de Petites Princesses qui me font devenir un être meilleur et me forcent à me surpasser. Réfléchir sur la façon dont je perçois le monde et de quelle manière je peux le rendre meilleur. Un passage du récit qui suit vous fera comprendre que l’art de percevoir l’enfance s’estompe avec le temps. À la demande du Petit Prince de lui dessiner un mouton, l’aviateur lui en dessina, selon sa perception adulte, quelques-uns qui furent tous rejetés les uns après les autres parce qu’ils avaient l’air trop malades ou trop vieux, ou encore à cause de leurs allures de bélier. Suite aux refus de l’enfant, l’aviateur lui tendit un dernier bout de papier avec un griffonnage d’une caisse fermée avec trois trous sur le côté : – Alors, faute de patience, comme j’avais hâte de commencer le démontage de mon moteur, je griffonnai ce dessin-ci. Et je lançai : – Ça, c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans. Mais je fus bien surpris de voir s’illuminer le visage de mon jeune juge : – C’est tout à fait comme ça que je le voulais! Nous, les éducatrices, à la demande de nos princes et princesses, nous dessinons des moutons, à leurs façons. Nous entrons dans ce que l’on appelle : la magie de l’enfance. Nous ne réinventerons jamais le monde. Pourquoi donc? Nous en inventons des milliers sur demande! Les enfants n’ont rien à faire de ce que nous sommes capables ou non d’accomplir. Ils ne demandent qu’à ce que nous entrions dans leur ronde. Main dans la main. Des rondes remplies d’amstramgram et de poudre de perlimpinpin. Remplies de comptines et de mots nouveaux et rigolos. Une fois atteint l’âge adulte, nous avons cette perception fausse du monde qui nous entoure. Cet âge qui nous donne cette vision terre à terre et qui nous empêche, du coup, d’accéder à l’imaginaire de l’enfance. Les éducatrices ont comme instruments de travail, entre autres, l’écoute, la patience et l’accueil. Rien à voir avec la magie et ses baguettes qui font apparaître des lapins dans des chapeaux. Non. Il s’agit plutôt de capacités acquises pour accéder à ces univers enfantins. L’écoute dirigée vers les enfants afin de saisir l’importance de ce qu’ils demandent. La patience de saisir cette importance (c’est parfois complexe et long! Ça requiert du temps.) Et l’accueil. Cette qualité qui nous permet de prendre l’enfant là où il est rendu, comme il est, sans interférer par nos jugements, et de l’aider à évoluer. Soyez des Petits Princes. Un enfant, c’est pur, c’est innocent. Réapprivoiser l’enfance en vous. Celle qui vous fait rire à grand déploiement. Celle qui vous fait pleurer de voir le beau qui vous entoure. Celle qui vous laisse prendre le temps de devenir et pas seulement d’être. Permettez-vous de vivre et pas seulement de survivre. Inventez des mondes où vous serez les héros. Soyez des guides pour vos enfants, des accompagnateurs de l’univers de la petite enfance. Transformez les moments difficiles et routiniers en aventures rocambolesques. L’heure du bain peut devenir du même coup l’heure du conte avec de petits livres plastifiés dont on cache les images avec de la mousse en invitant les enfants à souffler dessus pour découvrir la suite de l’histoire. Les moments d’attente deviendront tour à tour des instants recherchés. Les périodes de déplacements se transformeront en vols de papillons, en marche de dinosaures ou encore en détectives évitant de se faire repérer. Essayez! Laissez-vous emporter par ce qui vous a, jadis, habité. Soyez vivant, tout simplement. Aux dires de Saint-Exupéry, les éducatrices sont une espèce d’êtres à part qui se souviennent. « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent. » (Antoine de Saint-Exupéry) Les éducatrices sont une sorte d’ode à l’innocence et à la rêverie de l’enfance. Mylène Groleau