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Manque d’oxygène – Texte: Audrey Boissonneault

Assise sur cette chaise de plastique, tu racontes à ton infirmière

Assise sur cette chaise de plastique, tu racontes à ton infirmière ce qui t’amène. La sensation de manquer d’air, la sensation de brûlure à la poitrine, la toux qui devient si répétitive et grasse, malgré les heures que tu passes à effectuer tes traitements. Pour en rajouter, tu as, encore, perdu du poids. Sur les radiographies, on voit clairement l’infection sur tes poumons.

En voyant ton teint pâle, ton sourire peu présent et tes yeux remplis de larmes, on te pose la question suivante: « Ton visage, ton corps, ta santé me disent que ça ne va pas, qu’est-ce qui se passe? »

Tu n’as aucune idée par où commencer, sachant que tout ce que tu diras sera inscrit au dossier, tu veux trouver les bons mots, même si tu sais que tu finiras en larmes sans pouvoir contrôler ce qui sort de ta bouche.

Impuissance. Peur. Épuisement. Douleur. Synonymes d’émotions nous parcourant, en décrivant nos journées. Ne pas avoir d’énergie, mais devoir passer au travers de la journée. Se réveiller avec l’envie de rester couchée pour le reste de la journée. Dormir avec plusieurs oreillers, afin de diminuer la toux. Se faire réveiller par la personne près de nous, parce que l’on s’étouffe à force d’irriter notre gorge. Se faire demander si l’on est correcte à cause de nos petits yeux. Chercher son souffle après avoir monté quelques marches et attendre un instant avant de rentrer dans la pièce pour s’assurer que de reprendre sa respiration et des pulsations normales.

Vouloir parcourir le monde, vouloir courir des kilomètres, vouloir marcher le long des rues sans se perdre entre nos respirations. Sentir le vent se faufiler entre ses lèvres pour joindre les bronches et pourtant, il n’arrive pas à trouver le chemin dans ce labyrinthe. Vouloir vivre et s’illuminer pendant de petits moments. Partir tête première, sans penser à cette partie de soi, qui ne partira jamais. Se permettre de rêver. Arrêter de se sentir comme une maladie, ne plus être que ce morceau aux yeux des autres. Se sentir prise entre quatre murs sans savoir quand une porte ouvrira.

Ce qu’il se passe… J’ai réfléchi, longuement, aux premières phrases qui sortiraient de ma bouche. J’ai gardé le silence, longtemps. J’ai fixé un point dans la pièce blanchâtre, puis j’ai murmuré: je manque d’air. Je manque d’oxygène. Je manque d’espace et de liberté. Ma cage thoracique se sert, alors que tout dans ma tête devient sombre. Ce qu’il se passe, c’est que je me pose des questions sur ma présence ici. Si on oublie les nombreuses infections qui me parcourent et les bactéries en surnombre, quel est mon rôle? Ce qu’il se passe… est que mes infections grugent ma santé physique et mentale.

En fait, tout ce que je veux, c’est un, deux ou même une dizaine de shooters d’air purifié.

 

Audrey Boissonneault

 

Cher jeune sportif, chère jeune sportive, on est tous derrière toi !  Texte : Marie-Nancy T

Je m’adresse à toi aujourd’hui, jeune « sportif » et à toi aussi, jeune « sportive 

Je m’adresse à toi aujourd’hui, jeune « sportif » et à toi aussi, jeune « sportive ». Je veux te dire que je le sais que c’est excessivement difficile pour toi en ce moment. Même si tu n’es pas toujours en mesure de mettre des mots sur ce que tu vis à l’intérieur de toi, je le vois que tu es plus maussade et qu’il te manque quelque chose pour être pleinement épanoui.

Je sais que ça fait trois ans que ta saison de sport, qui est aussi ta passion et ta motivation, est annulée, sur pause ou différente. Trois ans dans la vie d’un adulte, ça peut paraître banal. Par ailleurs pour toi, trois ans, c’est une grosse partie de ta vie. Quand on y réfléchit bien, c’est plus du tiers de ta vie si tu as 9 ans, plus du quart de ta vie si tu as 12 ans et ainsi de suite…

Je sais que tu trouves cela contradictoire en ce moment, car depuis que tu es tout petit ou toute petite, les adultes qui gravitent autour de toi te répètent que le sport est essentiel à ta santé physique, à ta santé mentale. On le sait, toi et moi, que le sport aide également à renforcer le système immunitaire, qu’il aide à contrer l’isolement, à faire diminuer le stress et même à augmenter tes résultats scolaires. On le sait également, toi et moi, que le sport t’aide à maintenir un équilibre social essentiel à ta vie, donc que chaque compétition ou tournoi annulé est une occasion manquée pour toi de socialiser ou de vivre une expérience qui aurait pu rester gravée dans tes souvenirs. On le sait aussi que chaque compétition ou tournoi annulé est une occasion manquée pour toi d’apprendre à devenir plus fort à travers la défaite, ou de vivre une joie intense, suite à une victoire ou au gain d’une médaille. On le sait aussi, toi et moi, qu’au-delà de t’aider à maintenir un équilibre mental et physique, le sport te fait vivre des expériences de vie grandioses, qui vont forger le petit humain en devenir que tu es !

OUFF ! Quand on y pense, tu en as fait des sacrifices, toi, au cours des derniers mois et des dernières années ! Tu sais quoi ? Tu m’impressionnes ! Encore plus important, tu impressionnes tes parents et tous les gens de ton entourage. Tu ne le sais peut-être pas encore mais toi, tu es résilient et toi, tu es résiliente. En résumé, la résilience, c’est la capacité d’une personne à être capable de poursuivre son chemin malgré les embuches et à rebondir à partir d’une situation difficile. Oui je le sais ! Un moment donné, la résilience a ses limites ! Je sais que tu as perdu espoir depuis quelques mois, que tes rêves se sont amenuisés et que ta tristesse s’est accentuée. Je le sais, car, dans ma maison, j’ai deux jeunes sportives, désillusionnées, qui attendent le retour des compétitions et de la pratique de leur sport avec impatience et découragement. Je le sais aussi, car dans mon métier d’intervenante et comme professionnelle œuvrant auprès des jeunes, je rencontre de plus en plus d’enfants et d’adolescents qui ne vont pas bien et qui ont besoin de soins médicaux et d’aide professionnelle pour rester fonctionnels.

Écoute-moi bien, jeune sportif, et toi aussi, jeune sportive, c’est important. Aujourd’hui, je veux te dire que je le sais que c’est douloureux pour toi et que tu souhaites plus que tout retrouver ta deuxième famille. Parce que c’est aussi ça le sport, une deuxième famille. Et tu sais quoi ? Tes parents aussi le savent que c’est tough en maudit pour toi ces temps-ci. Et oui, même s’ils ne trouvent pas toujours les bons mots pour te le faire savoir, car on va se le dire, ils sont affectés eux aussi de te voir comme ça, ils sont là pour toi. Tu peux aller leur parler, leur dire comment tu te sens. Si tu veux, va voir ton professeur d’école ou si tu préfères, ton entraîneur ou tout autre adulte de confiance pour toi. Peu importe, mais ne reste pas seul ou seule. Tu es important et tu es importante ! Ce que tu vis est important ! Peu importe ton sentiment, il est légitime et il mérite qu’on y porte attention.

Je sais que tu ne me crois peut-être pas en ce moment, mais il y a bel et bien une médaille d’or, un trophée ou une victoire au bout du tunnel, même si le tunnel t’apparaît interminable à traverser.

On est tous derrière toi, pour te soutenir !

Marie-Nancy. T

Le no man’s land des listes d’attente

Entre Israël et l’Égypte, il existe un no man’s land

Entre Israël et l’Égypte, il existe un no man’s land d’un kilomètre : un endroit situé entre deux pays, où l’on doit marcher pour obtenir notre étampe de bienvenue en Égypte une fois qu’on a quitté Israël. Un kilomètre, cinq minutes, à ne pas savoir où on est, à ne pas savoir combien de temps on y sera, à ne pas savoir si notre « candidature » sera acceptée ou si on devra retourner bredouille d’où on vient… ou pire : rester piégé entre deux pays, dans un endroit dans lequel on n’existe pas vraiment puisqu’on n’a pas d’étampe, pas de droits, pas de destination. J’y étais il y a vingt ans, et ce sentiment de vide m’habite encore. Alors imaginez ceux qui passent des années dans un no man’s land !

Plusieurs d’entre vous savent que ces no man’s lands existent ici aussi. Tous ceux qui aiment des enfants atteints de maladies physiques ou mentales qui sortent des sentiers battus. Tous ceux qui prennent soin d’enfants (petits et grands) qui ne cadrent pas dans le moule (social, scolaire, médical…), qui ont des difficultés à suivre le rythme du groupe et à apprendre comme ceux qui répondent bien au programme du ministère de l’Éducation. Tous ceux-là savent jusqu’à quel point les listes d’attente, véritables no man’s land de nos territoires nord-américains, sont inquiétantes. Et interminables parce quon na jamais la certitude quelles auront une fin. Et toujours à recommencer.

Nous avons dû recourir à une aide médicale pour que je puisse devenir enceinte. Naïfs, nous avons opté pour le circuit public. Une année à laisser la nature, une autre à attendre que la requête de notre médecin de famille se rende jusqu’au spécialiste, deux autres années à ATTENDRE, encore. Le temps qui s’étend entre chaque nouveau rendez-vous, entre chaque nouveau résultat, est un calvaire du combattant sans garantie de fil d’arrivée. Heureusement, une fois que notre nom atteint le haut de la liste, on est traités aux petits soins. Gratuitement (ben… avec les impôts qu’on paie, tout de même !), par-dessus le marché.

Quand nos enfants ont eu besoin d’une évaluation de leur douance, nous sommes d’abord passés par le système public. La demande avait été faite au jour 1 de la maternelle. Elle a été entendue au dernier mois de la deuxième année du primaire. Et ça, c’est parce qu’on vivait en Alberta, parce qu’au Québec, on n’aurait même pas eu le droit de compléter la demande auprès de la commission scolaire. Il aurait fallu aller au privé, comme nous l’avons fait avec nos autres enfants. Mais même là, les mois d’attente s’égrainent malgré les centaines (milliers !) de dollars déboursés. Bien sûr, la douance n’est pas une question de vie ou de mort, mais ça peut changer toute, je dis bien toute, la vie d’une personne. Plus c’est compris tôt, plus vite on applique des stratégies gagnantes, et plus ces stratégies sont efficaces. Et plus elles peuvent empêcher l’anxiété de performance de s’installer, le décrochage d’arriver, le mal-être de s’imprégner. Même principe avec tous les troubles d’apprentissage et les difficultés psychologiques.

Même quand on se présente à l’urgence avec un enfant en crise d’asthme ou en crise existentielle, on ne peut pas s’attendre à obtenir un service rapide. Je ne pense pas seulement aux trop nombreuses heures d’attente dans une salle bondée de microbes et de patients impatients. Je pense aux mamans enceintes jusqu’au cuir chevelu qui se font retourner à la maison parce qu’on ne voit pas encore la tête du bébé. Aux individus suicidaires qui se font montrer la porte tournante dès qu’ils ont promis-juré-craché qu’ils ne recommenceront plus. Aux parents à bout d’enfants ou d’adolescents à bout qui doivent attendre d’être en hémorragie émotive pour avoir leur place dans le système. Qu’est-ce qu’un parent est censé faire quand il apprend que son enfant violent et malheureux n’aura pas de rendez-vous avant trois ans ? Ou que son bébé qui maigrit sans arrêt, qui devient plus pâle qu’un fantôme ou qui se plaint de maux de ventre atroces devra attendre, lui aussi, qu’un spécialiste ait une place sur sa liste ? Dans son horaire ?

Ne vous méprenez pas : je ne proteste pas ici contre les humains qui travaillent au bien-être de nos enfants. J’ai perçu une tristesse infinie dans la voix de la réceptionniste qui me disait : « Malheureusement, je n’y peux rien, votre enfant n’aura probablement jamais accès aux services spécialisés parce que son problème n’est pas assez grave » (lire ici : il ne mettait la vie de personne en danger dans l’immédiat). Le spécialiste en fertilité comprend trop bien le désespoir du couple qui arrive à la limite de l’âge « acceptable » pour procréer et qui doit malgré tout attendre un cycle, deux cycles, trois…

Je ne peux pas protester contre ces humains. Quand on finit par recevoir l’appel tellement espéré, par rencontrer le spécialiste qui nous aidera à comprendre ce qui torture le bedon de notre mignon ou ce qui entortille le cerveau de notre jeune, on est placé devant une grande compétence. Une humanité sensible, aussi. Des êtres pris dans un système qui prend son temps et qui teste les réserves de patience. Et qui cause des torts à force de repousser les urgences.

Bien sûr, le secteur privé peut parfois accélérer le processus. Voilà entre autres pourquoi je me tourne souvent vers les approches alternatives au lieu d’engorger les listes d’attente. Mais parfois, on a besoin de plus.

D’ailleurs, les cliniques privées, bien souvent, ne fournissent pas l’intervention combinée de plusieurs spécialistes qui jumellent leurs expertises pour apporter la meilleure solution. Je crois au secteur public de la santé. Une fois qu’on y est, on reçoit ce pour quoi on paie des impôts. Mais les payeurs d’impôts ne sont pas seulement ceux qui ont les veines ouvertes ou qui sont en un arrêt cardiaque. Il y a aussi tous ceux qui sont déprimés et qui cherchent des solutions. Et ceux qui ressentent les premiers malaises liés à une santé défaillante et qui voudraient bien guérir. Guérir avant que la liste d’attente vienne à bout d’eux.

Il y a aussi tous ces parents, tous ces grands-parents, ces familles et ces amis qui s’inquiètent pour un des leurs et qui se sentent impuissants à devoir le regarder marcher au milieu d’un no man’s land qui semble ne mener nulle part.

Nathalie Courcy