Je ne t’aime pas, Alzheimer
Je ne t’aime pas, Alzheimer! Tu as décidé d’ériger domicile d
Je ne t’aime pas, Alzheimer! Tu as décidé d’ériger domicile dans la tête de mon père, dans son être. Plus tu prends domicile, plus tu enlèves de la place pour sa mémoire. Sans être invité, tu t’es installé… Sans cogner, sans demander si tu pouvais t’ingérer dans nos vies.
Depuis bientôt deux ans, tu es présent
Dans nos conversations, à travers nos activités, à nos soupers
Et surtout, Alzheimer, tu es là , tu prends toute la place quand mon père se retire de nos échanges;
Comme s’il était trop occupé à te gérer.
Quelquefois tu n’es pas là , Alzheimer, tu t’estompes;
Et mon père revit, fait des liens qui n’étaient plus
Pendant ce bref instant, aussi petit soit-il
On s’accroche à la moindre seconde
Une seconde qui crée un immense espoir.
L’espoir que tu n’es plus, que tu es parti en un claquement de doigts;
Qu’il y a eu erreur de diagnostic et que tout se replace.
Mais toujours tu reviens, Alzheimer
Tu reprends possession de quelques neurones parfois même de quelques-uns de plus. Je ne t’aime pas, Alzheimer! Je ne t’aimais pas quand je te côtoyais à travers mon travail
Je ne t’aimais pas non plus quand je te voyais à travers mes yeux d’intervenante
Je te trouvais impitoyable quand je te voyais à travers les yeux de la conjointe, du conjoint, de la fille, du fils, de la sœur ou du frère
Je t’aime encore moins depuis que tu es dans la vie de mon père, dans nos vies Je ne t’aime pas d’avoir osé t’infiltrer dans son cerveau à peine dépassé ses 68 ans. Je voudrais que tu disparaisses comme ce que tu fais avec chacun des souvenirs de mon père Tranquillement, sournoisement : tu les fais disparaître;
Alors, pourquoi ne pas faire la même chose pour toi, Alzheimer?
Disparais tranquillement si tu veux, mais va-t’en. J’aimerais tant te faire disparaître petit à petit dans l’optique que tu n’existes plus
Que tu arrêtes de briser des vies Je n’étais pas prête à partager notre quotidien avec toi, Alzheimer Non, je n’étais pas prête à 26 ans à faire le deuil de la présence rassurante de mon père Comme nous ne sommes pas prêts à bien des épreuves
Je n’étais pas prête à vivre avec le fait que mon père a parfois de la difficulté à me reconnaître, qu’il oublie le nom de mon conjoint
Je n’étais pas prête à l’aider à se retrouver dans ma maison
Je n’étais pas prête à voir mon père qui doit partager sa vie avec toi, Alzheimer
Je ne t’aime pas, Alzheimer! Mais sache, Alzheimer, que tu ne nous auras pas Tu auras peut‑être le contrôle des souvenirs de mon père, mais on sera plus forts que toi Non! Tu n’auras pas mon père, Alzheimer!
Car même si tu es là Mon père aussi demeure Et il est bien plus que juste l’Alzheimer Il est l’homme le plus important dans ma vie, dans nos vies Il EST, tout simplement Peu importe l’espace que tu occuperas, mon père est là Nous n’allons pas te laisser prendre sa place Il demeure présent, vivant chaque instant de bonheur Il demeure le plus important, bien plus important que ces oublis ou sa confusion Alzheimer, je ne t’aime pas! Je te hais même parfois! Mais j’aime mon père
Et tu ne gagneras pas Alzheimer, tu es une maladie impitoyable
Une des pires maladies que j’ai côtoyée Mais TU n’es pas mon père Tu resteras toujours en second plan derrière le bonheur de mon père
Derrière son bien‑être
Derrière tout ce qu’il a parcouru
Derrière toutes ses qualités et aussi un peu de ses défauts!
Alzheimer, sois assuré que tu resteras TOUJOURS en second plan, derrière mon père.
AL