Quand le bonheur est plus grand que le mal de vagin. TEXTE : Kim Boisvert
On ne se le cachera pas, même si on oublie, enfanter, c’est pas comme dans les films.
Je me souviens quand une ancienne amie à moi a accouché d’une belle pitoune de 7,4 lb. Un peu plus de 20 pouces de bonheur. Une petite miraculée. Cette petite-là, je l’ai aimée comme si c’était ma nièce. J’ai aucune idée pourquoi, mais ça s’est fait comme ça, tout seul, comme si elle venait de mon propre ventre. Et dans ce temps-là, j’étais en processus de fertilité pour avoir mes jumelles. Imaginez mes hormones quand je l’ai vue.
La journée de la venue au monde de Chouchoune, j’ai fait partie du Club Élite à qui on permet les visites. Je ne tenais plus en place et après avoir donné de la chnoute à mon chum du temps parce que j’étais trop nerveuse, je suis rentrée dans la chambre comme on entre probablement dans la caverne d’Ali Baba : un peu trop vite, mais le pas hésitant. Mixed emotions. Oh, ceux qui me connaissent savent déjà que j’ai pleuré. C’était clairement la plus belle chose que j’ai vue au monde. Ce n’est pas une chose, c’est un être. Et ça, c’était un couple d’amis qui l’avaient fait. Après des tentatives et des échecs en fertilité, le + s’était transformé en chair et en os mous.
On parle souvent de la maman, de la beauté de la maman enceinte, des premiers contacts, etc. Mais moi, même si cette amie a CLAIREMENT fait tout le travail, j’ai envie de vous parler de ce que j’ai vécu à travers l’émotion du papa.
Le papa. Un homme extraordinaire, doté d’un cœur immense. Un homme, un vrai. Des mains couvertes de corne bien travaillée, des ongles taillés courts, croches et le bord des doigts rude. Un papa qui passe ses journées à construire des maisons, et ses soirées à s’occuper de sa famille.
Il nous racontait quand il a vu sa petite pour la première fois, la première seconde. Il cherchait ses mots, perdus dans des souvenirs encore trop frais, pour nous expliquer son expérience. Si vous aviez vu ses yeux, ses traits, son émotion ! Il y a quelque chose d’extrêmement surprenant à voir combien un homme vit différemment les choses. Lui, la naissance de sa fille, il l’a vécue avec une émotion si complète que son corps entier transpirait le bonheur. Ses cernes de j’ai-passé-la-nuit-debout n’étaient que la preuve de sa création. Une fierté de paon. C’était magnifique. On était dans le corridor et il mimait même les premiers gestes qu’il a faits : sa petite sur le chest, une main en haut, l’autre en bas. Il nous le racontait avec tellement d’intensité que j’avais envie de crier : POUSSE POUSSE RESPIRE RESPIRE ! J’y étais clairement, je sentais l’odeur de placenta.
Ce soir-là, il y avait un autre papa dans la salle (on dirait qu’il y avait foule mais c’est vrai, on était plusieurs aux côtés de ma chum en jaquette laite, et c’était avant la COVID) et lui aussi nous racontait l’arrivée de sa petite. Mononcle Frank, qui s’appelle. Et Mononcle Frank aussi parlait de sa petite princesse avec tellement d’amour que j’en ai été bouleversée. C’était trop pour moi, mes yeux se sont mouillés.
On oublie souvent les papas, je trouve. Mais j’aimerais dire que ce que j’ai vu dans les yeux de ces deux papas‑là a fendu mon cœur. C’est beau, un papa. Et ce n’est pas vrai que c’est toujours les mamans qui sont présentes, touchées, émotives et bouleversées.
Je me souviendrai toujours du bonheur que j’ai vu dans les yeux des parents. Et de ma chum qui m’a achalée aux cinq minutes pendant neuf mois parce qu’elle avait mal au vagin. Eh bien croyez-moi que leur bonheur est clairement plus grand que son mal de vagin.
Kim Boisvert