Je n’ai jamais été douée en amitié – Texte: Joanie Fournier
D’aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours été maladroite en amitié. Je suis quelqu’un de sociable, qui aime les gens. Quand j’arrive dans un nouveau quartier, c’est assez facile pour moi de rencontrer des personnes. Par contre, j’ai toujours la même impression que mes relations restent en surface. J’ai l’impression de jouer un rôle, de ne jamais me montrer vulnérable.
Quand j’étais enfant, j’avais de grandes amies sur qui compter. Quand je repense aux moments avec elles, j’ai encore la sensation que je pourrais les prendre dans mes bras comme si elles étaient mes sœurs. Je repense aux partys, aux soirées pyjama et aux danses au sous-sol de l’église, et ça me rend heureuse. Mais quand l’ombre du secondaire a commencé à planer sur nos vies d’enfants, j’ai eu peur. J’ai réalisé que mes amies allaient dans des écoles différentes de la mienne et j’ai eu peur de toutes les perdre. Alors, j’ai fait la chose la plus incohérente qui soit pour me protéger : je me suis isolée. Je me suis isolée sans jamais donner de nouvelles parce que je ne voulais pas ressentir toute la peine que ça me faisait de ne plus les voir… Au lieu de profiter de mes soirées et de mes weekends avec elles, j’ai entrepris mon entrée au secondaire toute seule, comme si je changeais de vie.
Puis, d’une école à l’autre au secondaire, l’histoire s’est répétée. Je me suis liée d’amitié avec des gens que j’aimais profondément. J’ai passé de beaux moments avec eux. Mais j’ai dû faire trois écoles secondaires. Et à chaque changement, je recommençais ma vie à zéro. Puis au cégep, même histoire. J’ai rencontré des femmes fortes, humaines et fabuleuses. Dès le diplôme obtenu, je suis déménagée à des centaines de kilomètres. Loin de tout et de tout le monde.
J’ai commencé ma nouvelle vie. J’ai rencontré de nouvelles personnes et tissé de nouveaux liens. Des gens merveilleux, encore une fois. Dix ans ont passé. Puis, nous avons redéménagé. Encore à plusieurs heures de route.
Je suis avec le même homme depuis 18 ans. Un mari extraordinaire, un père présent et un ami précieux. Je l’aime de tout mon cœur et j’ai toujours pensé que nous deux ensemble, inséparables, on se suffirait. Mais je crois que c’est faux… parce qu’avec les réseaux sociaux, je vois passer toutes ces belles personnes à qui je me suis attachée. Et je réalise qu’elles sont restées soudées entre elles, peu importe la distance et le temps qui a passé. Je vois leurs liens encore aussi forts que lorsque nous étions plus jeunes… et oui, j’ai de la peine.
Je ne suis pas douée en amitié. Je suis nostalgique et je repense à tous ces gens qui ont pris une place significative dans ma vie. J’ai envie de me rappeler chaque moment qu’on a partagé ensemble… Les années ont passé et les excuses seraient vaines. Repartir à zéro quand j’étais jeune, c’était facile. Maintenant, je comprends que je n’ai pas envie de finir ma vie avec ce sentiment de solitude…
J’ai de la peine d’être partie. Je m’en veux de ne jamais avoir dit adieu. Je suis triste de ne plus les avoir dans ma vie. Et je sais que je suis la seule fautive. J’ai voulu me protéger… et au contraire, je pense que cette solitude me rattrape. Mais je ne peux pas revenir en arrière, je ne peux pas rattraper le temps perdu. Je peux essayer de me poser pour une fois. Rencontrer des gens formidables qui pourront faire partie de ma vie. Les laisser me voir telle que je suis et accepter le fait qu’ils pourraient ne pas avoir envie de rester auprès de moi…
Et si toi, tu as la chance d’avoir une amitié qui dure depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans… tu le sais sûrement déjà à quel point c’est précieux. Tu as quelqu’un qui te connaît et qui a choisi de rester auprès de toi, peu importe tes qualités et tes défauts. Chéris-la, cette amitié. Prends cette personne dans tes bras pour moi… et dis-lui combien tu l’aimes. Parce que tu as beaucoup de chance de l’avoir dans ta vie. Et elle a beaucoup de chance de t’avoir dans la sienne.
Développer des amitiés durables à l’âge adulte, ça me semble tellement plus complexe… On ne peut plus juste aller cogner chez le voisin pour lui demander s’il veut venir jouer avec nous. Ça prend du temps, des efforts et sûrement bien des compromis. Il faut être authentique, présente, à l’écoute. J’ai tellement l’impression de ne pas être douée pour tout ça… Quelqu’un donne des cours Amitié101, par hasard ?
Joanie Fournier