La forcenée — Survivre à la violence conjugale. Texte : Eva Staire
À toi qui passes après moi et à qui je ne peux pas parler, de peur de te mettre en danger. J’espère que ce message se rendra jusqu’à toi et jusqu’à toutes les autres…
Il n’a pas de nom, pas de visage, pas d’identité propre. Il s’invente une existence dans laquelle il est un héros parmi les zéros. Son histoire repose sur des illusions et un décor en carton. Mais là d’où tu es, tout semble presque parfait.
Il est brillant, éduqué, méthodique. Il est rarement grossier en public. Il prend garde à ne pas laisser de traces ou de marques : il a maintes fois répété chacun des tours qu’il a dans son sac. Son cirque en dupe plusieurs, y compris ceux qui croient connaître ses vraies couleurs.
Il s’oppose aux règles en imposant les siennes, toujours changeantes, toujours aériennes. Il y a longtemps que tu as choisi de dire comme lui et pourtant, tu as chaque fois l’impression de t’enfarger dans les fleurs du tapis. Le noir est blanc, le blanc est noir, et soudainement tout devient gris.
Il transforme tes élans et ton énergie en confettis, te met en garde contre ta famille et tes amis. Les orages sont de plus en plus fréquents, et tu te surprends à espérer toujours plus longtemps que reviennent enfin les bons moments.
Il fait dans la dentelle : il sème le doute juste après t’avoir dit à quel point tu es belle. Il te découpe l’âme au bistouri et arrive même à te faire croire que c’est joli.
Il te tord un bras pour pouvoir te baiser comme un roi. Un roi vaniteux qui n’en a que pour sa satisfaction, celle d’avoir réussi à te faire jouir avant de se vautrer dans son propre plaisir.
Si tu avais repoussé ses avances, il t’aurait fait la gueule ou un tas de remontrances. Un oui pour acheter la paix, c’est un non qui n’a pas trouvé le respect.
Tes repères foutent le camp, tu te surprends à douter de ton propre jugement. Dans ta tête, tout s’embrouille et se dissout : de peur de te noyer, tu t’accroches à son cou, à ses coups. Des coups pendables et des coups bas, que bien souvent tu ne comprends pas.
Il passe ton identité au broyeur et tu le suis à quatre pattes pour ramasser derrière lui les morceaux du casse-tête qu’est devenue ta vie. Tu tentes de recoller les pots cassés alors qu’il te les lance par la tête au fur et à mesure, en feignant du bout des lèvres de s’excuser.
Il réduit ton existence en mille miettes, puis te demande de les balayer sous la carpette. Même qu’à l’occasion, tu t’appliques à essayer d’en tirer des leçons.
Un mal à l’endroit, un mal à l’envers, il te tricote une camisole de force pour te garder prisonnière. Toi, tu camoufles les bleus invisibles qui se multiplient dans ton esprit, tu gardes la tête haute et tu souris.
Tu te pratiques devant le miroir, pour que personne ne devine que tu pleures chaque soir. Tu es devenue tellement convaincante avec le temps que tu te crois encore par moment.
Tu expliques, tu t’excuses, tu pardonnes et tu l’amuses, mais souviens-toi que tu ne seras jamais plus qu’un trophée ou un divertissement, au même titre que vos enfants.
Le jour où tu sentiras le monstre en toi devenir si puissant que tu douteras de ta capacité à le maîtriser, souviens-toi bien que tu n’es pas en train de devenir folle. Et quand tu te mettras à rêver de cette balade en voiture avec ta progéniture, celle qui se terminerait dans le ravin pour que la spirale prenne fin, FUIS ! Sauve ta peau et suis ton instinct.
Rappelle-toi que cette pulsion de vie, de survie, n’est pas celle d’une forcenée, mais bien celle d’une FORCE NÉE.
Eva Staire
SOS Violence conjugale : Ensemble pour un monde sans violence
Par texto : 438-601-1211
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