Assise là
Je suis assise là, derrière elle.
En silence, parce qu’il n’y a pas de mots. Nul besoin de voir son visage pour comprendre, je ressens dans chaque cellule de mon corps la souffrance. Ses épaules sursautent à cause des sanglots et instinctivement, des larmes s’abattent sur mes joues.
Mon amie se trouve face à un beau décor. Mais au milieu de celui‑ci trône une urne. À l’intérieur se trouvent les cendres de celle qui, autrefois, l’aurait prise dans ses bras réconfortants pour la consoler et lui dire que tout irait bien.
Sa maman, sa moitié.
Et c’est là qu’assise derrière ma belle amie, le chaos monte dans ma tête.
Devant moi, il y a ces enfants qui vont devoir continuer sans celle qui leur a donné la vie. Lorsque je les regarde, je n’arrive pas à croire que c’est ce qui doit être, que c’est la vie. Un parent, c’est celui qui est aux premières loges de notre vie. Toujours prêt à nous acclamer ou à nous ramasser, il ne manque aucune représentation.
Du premier souffle au premier pas, des premiers mots aux premiers exposés oraux, du premier ami au premier amour, des premières larmes à la première chicane. Derrière chaque première d’un enfant, il y a son parent. Difficile de croire qu’un humain qui vit dans chacun de nos souvenirs puisse un jour ne plus être.
La réalité est fracassante, parce que je réalise que cela aurait pu être moi, assise à cette première rangée.
J’aurai encore la chance d’entendre la voix de ma mère alors que pour mon amie, ce sera désormais silence radio. J’aurai encore la chance de serrer ma mère contre moi, alors qu’elle devra désormais trouver son réconfort avec un bout de tissus imprégné de l’odeur de celle qui lui a donné la vie. J’aurai encore la chance de voir ma mère, alors qu’elle n’a plus qu’une photo.
Je me sens si petite parce que jusqu’à cet instant précis, je n’avais jamais envisagé qu’un jour, j’aurai à continuer sans mes parents. Pourtant, se trouvent devant moi des adultes vêtus de noir, le regard transpercé par la souffrance, qui eux aussi ont cru, un jour, que leur maman était immortelle.
Un parent, c’est plus fort que tout. La seule exception, c’est qu’il n’échappe pas à la mort.
Derrière cette tempête qui me déchire l’intérieur, je suis partagée entre un soulagement égoïste de savoir que j’ai encore ma mère aujourd’hui, et j’ai de l’espoir pour demain, alors qu’elle n’a même plus hier. Il n’y a rien que je puisse faire pour lui rendre une parcelle de ces moments‑là.
À part être assise là, derrière elle…
À ceux qui doivent composer avec l’absence, mes pensées vous accompagnent.
À la douce mémoire de Diane Rose, maman de Audrey, Marika et Mickaël
Marilyne Lepage