Ce matin-là

Ce matin-là

 

Doux printemps, tu es arrivé. On t’attendait avec impatience depuis plusieurs mois, prétextant que tu nous aiderais à reprendre un peu de la motivation que l’hiver a su nous enlever avec son acharnement exemplaire. J’y ai cru. Et tu es arrivé. Mais cette année, comme depuis les deux dernières, ce que j’espérais éviter est à nouveau arrivé.

 

Mon enfant, mon sang, ma raison de vivre. Je sais que tu es fatigué, que l’année scolaire tire à sa fin. Tes activités sportives sont moins excitantes qu’elles l’étaient au début de l’année. Tu es fatigué. Tu es épuisé. Tu me répètes que non, mais mon cœur le sait pourtant si bien. Je le sais parce que tu changes. Comme à chaque début de printemps. On peut mettre le blâme sur plein de facteurs différents. Ton déficit d’attention, ton hyperactivité, ton opposition, tes difficultés scolaires et j’en passe. Mais moi, ta maman, je le sais que oui, cela en fait partie, mais que ce n’est pas tout. J’anticipe depuis deux ans cette période‑ci de l’année. J’anticipe tes comportements violents, tes rages, tes colères démesurées. Alors que le soleil fait du bien à la majorité des gens, toi, ton petit corps réagit différemment.

 

J’ai mal ce matin. Tu as décidé, sous un prétexte encore inconnu à mes yeux, d’exercer une certaine forme d’autorité dans la maison. Tu as décidé que tu devais gérer la famille, faire ce que bon te semblait quand tu le désirais. Parce que je suis l’adulte et toi l’enfant, je dois continuer à exercer mon autorité. Mon autorité, ma conscience, mon amour pour toi ne te donnent en aucun cas la chance de me frapper, de m’insulter et encore moins de me blesser. J’ai souvent acquiescé à tes excuses en me disant que c’était un cas isolé. J’espérais que cela ne se reproduirait plus.

 

Puis, ce matin, je porte des marques sur mon corps. Des marques de violence qu’un enfant, que MON enfant, m’a laissées avant de partir à l’école. Ta venue au monde m’en a pourtant laissé plusieurs visibles et celles-ci ne m’importunent pas du tout. En revanche, celles dont je parle aujourd’hui ont une tout autre portée. Elles me font mal à l’âme. Mon cœur se tord et je ne peux m’empêcher de pleurer. Je ne peux accepter que tu me blesses. Je ne peux accepter ton manque de respect. Je ne peux accepter la terreur que tu sèmes dans la famille. Je ne peux accepter tes excuses, comme on essuie un dégât sur le plancher.

 

Ce matin‑là, j’ai dû prendre une décision. J’ai dû faire plusieurs appels à différents organismes afin de trouver des solutions, temporaires ou permanentes. Ne cessant de pleurer, je me demande encore si c’est la bonne chose que j’ai faite. Je t’aime tellement et je ne veux tellement pas que mes actions bouleversent ta vie. Mais mon amour, tu as besoin d’aide. Tu as tellement de belles choses à accomplir devant toi. Ta rage, ta haine, il faut les ranger. Il faut les évacuer, mais surtout apprendre à les gérer. Peu importe les gens que la vie mettra sur ta route, les échecs que tu rencontreras, les réussites que tu obtiendras, tu dois garder la tête haute et persévérer. Je le sais et toi-même, tu sais que tu es capable d’accomplir de bien belles et grandes choses.

 

Ce matin, je n’arrive pas à travailler. Je n’arrive même pas à me concentrer. J’ai surtout besoin d’évacuer ma peine à ma manière. Vivre avec un enfant violent, c’est inquiétant. Ce l’est pour nous les parents, mais aussi pour toi, pour ton avenir, pour ce que la vie te réserve. Accepte l’aide que nous voulons t’offrir, aide-toi à devenir une meilleure personne. Apprends. Souris à la vie.

 

Avec tout l’amour que j’ai pour toi, avec toute la reconnaissance que j’ai de t’avoir dans ma vie, unissons‑nous pour contrer tes petits démons.

 

Je t’aime

 

Eva Staire



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