Une dépression, ce n’est pas un paquet de steak haché!

Une dépression, ce n’est pas un paquet de steak haché! Il n’y a ni date de préparation ni date de péremption. J’aurais beau me casser la tête afin de déterminer le moment où ma chute a commencé, c’est impossible! Je ne me suis pas couchée un soir, le sourire aux lèvres, pour me réveiller le lendemain avec le visage paralysé en mode baboune. C’est quelque chose qui s’est construit petit à petit.

Une dépression, c’est sournois. Tu vis ta vie, t’encaisses les balles courbes qu’elle t’envoie, t’essaies de focaliser sur le beau pour ne pas t’apitoyer sur ta petite personne. Tu fais la forte parce que c’est ce à quoi on s’attend de toi. Tu broies du noir, mais t’en parles pas trop fort, parce qu’au fond, y’en a des ben pires que toi et se plaindre le ventre plein, c’est ingrat. Tu t’habitues à répondre que tout est tiguidou lorsqu’on prend de tes nouvelles, mais tu t’arranges peu à peu pour être le moins souvent possible confrontée au fameux «Comment ça va?», parce que t’as peur que ta face finisse par te trahir.

Tu te dis que c’est passager… que ça va passer. Après la pluie vient le beau temps, non? Et ton entourage renchérit en prétextant que c’est juste une «mauvaise passe» : tu dois manquer de lumière, tu ne manges pas assez de fer, t’as de la fatigue accumulée, t’es due pour des vacances, etc. Les jours passent et tu te rends compte que les jokes de tes amis sont moins drôles, que le beurre de peanut goûte moins bon et que tu n’as plus le goût de danser dans le salon quand «ta toune» embarque.

Tu continues à te lever le matin, souvent parce que t’as pas le choix : des gens dépendent de toi! Alors tu fais acte de présence : tu t’habilles, tu te brosses les dents, tu fais les lunchs des petits, tu te pointes à la job, tu reviens à la maison en mode automatique, tu fais le souper et t’aides les enfants avec leurs devoirs en jetant constamment un coup d’œil à l’horloge dans l’espoir que la journée finisse par finir. Dormir devient le moment ultime de ta journée : le doux moment où tu peux te permettre de mettre ton cerveau et ton corps à off.

Éventuellement, tu te rends compte que sortir du lit devient une tâche plus ardue, et t’habiller devient superflu. La moindre obligation devient une montagne, la moindre confrontation te démolit et le moindre échec t’amène à te remettre en question. T’as tout simplement le goût de rien! Les larmes viennent plus facilement et t’as l’impression de n’être qu’un fardeau. Donc, tu t’effaces un peu plus. Tu deviens confrontée au fait que tu n’es plus une personne productive, pas plus au travail qu’au sein de ta famille, ce qui te jette encore plus à terre! Et là, ça te rentre dedans comme une tonne de brique : t’es pas juste triste ou fatiguée, et ça ne passera pas après une bonne nuit de sommeil ou une semaine à Cuba. Non! T’es malade!

La chute ne commence pas là, mais disons que la descente devient plus abrupte. C’est aussi là que ta «guérison» débute, lentement, pendant que tu tombes. Personne ne peut te dire combien de temps ça durera. T’as beau avoir toute la volonté du monde, le bonheur se reconstruit aussi lentement que la dépression s’est installée.

À un moment donné, tu te surprends à rire plus souvent, sans faire semblant. Tu te lèves un matin avant le cadran et le soleil te semble moins agressant. Quand le téléphone sonne, tu réponds. Tu réalises que le beurre de peanut, ça goûte le ciel! T’as envie de lire, de cuisiner, d’aller bruncher avec des amies, de te maquiller, d’aller voir un film… t’as le goût de quelque chose, pour vrai! Pis un bon jour, tu te mets à te déchaîner dans ton salon en entendant «ta toune», et tu sais, à ce moment précis, que ça va bien aller!

 



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