Une autre journée ! Texte: Nathalie Courcy

10 septembre, Journée mondiale de prévention du suicide. Eh oui, une autre journée mondiale ! La 19e pour cette cause. Je ne sais pas si un jour, les humains décideront d’annuler cette journée de sensibilisation en se disant « C’est beau, les gens ont compris. Les taux de suicide sont presque nuls, on peut arrêter d’en parler ». Je ne pense pas, hein ?!

Je ne pense pas parce que même un suicide, c’est un suicide de trop. C’est une personne qui a tellement souffert à l’intérieur qu’elle a pensé que la mort était un moindre mal. Il faut que ça fasse mal en dedans en titi pour en venir là.

Le SUI-cide, ça veut dire se tuer soi-même. Non seulement décider de se tuer (avec ou sans l’esprit clair), mais le faire. Faire le geste qui nous tuera. Avoir cette violence envers soi qui prendra notre vie. Pour toujours.

J’ai souvent déposé le pied dans la mince marge entre le désespoir total et la décision de me tuer. Mais chaque fois, je l’ai retiré. Ce n’est pas tant la douleur qu’aurait créée le geste fatidique qui me retenait, mais le geste lui-même. Cet éclair d’une seconde dans lequel je devrais retourner un geste contre ma propre personne. C’était trop.

Puis, l’image des gens autour de moi dans l’après-suicide me ramenait à la réalité. Je ne voulais pas qu’ils souffrent. Plusieurs personnes dans mon entourage se sont suicidées et je nous vois, humains qui restons derrière, nous demander ce qui s’est passé, si on aurait pu faire quelque chose. Pour ceux qui restent, la culpabilité n’a d’égal que le vide. Je ne voulais pas faire subir cette vie restante à mes proches.

Je suis longtemps restée dans la twilight zone du désespoir. L’espoir, la joie de vivre, la raison de vivre manquaient à l’appel. Je les croyais morts, pas juste portés disparus. On parle d’années, on and off. Par bout, c’était une obsession. Je voyais des possibilités de mourir partout et chaque fois, je me disais d’attendre un peu, qu’il y avait sûrement une solution (pas une autre solution, parce que le suicide n’est pas une solution, mais bien une solution tout court). Même quand je réussissais à passer quelques jours un peu plus légers, l’idée n’était jamais très loin derrière. Il suffisait d’une mauvaise nuit, d’un conflit, d’une journée de pluie ou d’une hausse d’hormones pour que l’idée du suicide refasse surface. Et encore, chaque fois, je choisissais la vie, même si c’était en attendant. Je ne savais pas ce que j’attendais, j’étais incapable de m’imaginer une vie autrement ou plus heureuse, mais j’attendais. C’est l’attente et la patience qui m’ont sauvé la vie.

Le thème de cette année est « Créer l’espoir par l’action ». C’est-ti pas beau ? On pourrait croire qu’attendre, simplement, n’est pas une action. C’est plutôt passif, en effet. Mais ça me demandait tellement d’efforts ! Me retenir de passer à l’acte, comme si j’étais en combat contre moi-même. Comme si une partie de moi me retenait physiquement de me lancer en bas du précipice en criant « Ne fais pas ça ! ».

Puis, il y a eu des actions bien concrètes : thérapieS, discussions, formations, lectures, activité physique, tests génétiques, médication, changements dans mon alimentation et dans ma routine quotidienne, fin de relations malsaines. J’en ai fait, des pas ! De recul, pour avancer, pour remonter la pente, pour escalader ce qui ressemblait à l’Everest. Chaque action était un geste anti-suicide. Un geste d’espoir.

Et maintenant, je me donne comme mission de partager mon espoir avec ceux qui me lisent et avec mon entourage. Je ne suis pas dans le « Ça va bien aller » genre début de pandémie. Je suis plutôt dans le « Ça va être difficile, mais ça se peut ». Ça se peut que tu sois heureux, que tes relations soient remplies de lumière, que tu te lèves le matin avec des projets et le sourire aux lèvres, que le brouillard se dissipe dans ta tête et que les solutions deviennent de plus en plus évidentes. Ça se peut tellement, mais ça commence par un choix, même quand on n’y croit pas vraiment. C’est un choix quotidien. Un choix de chaque minute, parfois. Un choix qui sauve une vie.

Et un jour, tu te réveilles, comme moi, en te disant : « Hum, c’est à ça que ça goûte, le bonheur ? »

Nathalie Courcy



Commentaires