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Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu des enfants. Je me disais qu’à l’âge mature, quand j’aurais fini mes études, que j’aurais un emploi stable mais aussi, bien sûr, une relation durable, je mettrais en marche la machine à bébés.
Quand finalement, je suis arrivée à l’âge adulte, je me suis rapidement rendu compte que vouloir, c’est pas TOUJOURS pouvoir. T’as beau avoir fini l’école, t’as beau avoir un bon salaire et toute la stabilité du monde, c’est pas toute. Il faut que ton corps veuille lui aussi.
J’ai toujours pensé que ce serait facile de tomber enceinte. Ma mère a eu six enfants, qu’elle a pratiquement pondus comme une portée de chatons, si tu vois ce que je veux dire. Ensuite, ma sœur elle aussi a eu des enfants, tout aussi facilement. Je me disais forcément que nous avions une bonne prédisposition, tu comprends ?
Mais non.
Et ça, on ne l’apprend pas à l’école. Ce n’est pas parce que ta mère, ta sœur pis toutes tes amies tombent enceintes aussi facilement que de respirer, que ce sera forcément le cas pour toi. On ne te dit pas non plus à quel point ce sera difficile à vivre. On te parle juste des dangers de tomber enceinte en respirant trop proche d’un garçon et des joies de devenir maman à l’âge convenable. On ne te parle pas de l’entre-deux. On ne te parle pas du fait que chaque mois, tu croises les doigts, les orteils pis tout ce qu’il est humainement possible de croiser pour finalement tomber enceinte ; et on ne te parle pas non plus de la déception de ne jamais être enceinte.
C’est un tabou.
Tu te sens obligée de garder cela pour toi, parce que personne n’en parle. Pourtant, tous les jours, quand tu ouvres ton téléphone, tu vois des photos de bébés partout. C’est comme si le reste du monde se liguait contre toi, pour te narguer un peu. Tout le monde a des bébés, mais pas toi. T’as beau être contente pour tes amis, t’as ben beau trouver leur bébé mignon à en crever, ça t’empêche pas d’avoir une petite pointe d’amertume à chaque fois. Toi aussi t’en veux un, de toutes les fibres de ton être.
Tu te demandes ce qui cloche chez toi, parce que forcément, y’a quelque chose qui ne fonctionne pas. Tu fais tous les tests possibles avec ton médecin de famille. Tout est beau. Sauf que ton médecin, ce n’est pas non plus un spécialiste de la fertilité. Et ça, c’est une autre affaire ! Faut attendre un an avant de pouvoir consulter en fertilité ! C’est long pis c’est stressant ! Et le stress, c’est pas bon pour concevoir, qu’ils disent… un cercle vicieux !
En attendant, tu fais ce que tu peux, tu essaies de surveiller ton cycle, mais si t’es comme moi, t’es irrégulière, pis ça ne fonctionne pas plus que de demander à un cheval de pondre un œuf. Tu peux avoir un cycle de trente, de soixante et même des fois de quatre-vingt-dix jours ! Alors tu essaies d’autres choses. Tu notes tout dans une application qui est censée t’aider, ou pas, mais qui dans tous les cas te stresse parce qu’y a toujours pas de régularité dans ton cycle et même l’appli ne comprend pas.
Tu prends des vitamines, tu lèves les jambes en l’air après l’amour, tu fais des tests d’ovulation juste pour voir si au moins tu ovules, parce que t’as pu tellement confiance en ton corps, bref, tu fais TOUTE ! Pourtant, encore là , ça marche pas.
Chaque mois, t’es déçue quand tu regardes le test de grossesse et que la cigogne n’est pas passée et t’essaies de te consoler avec des phrases positives, pas réconfortantes du tout finalement de style : « Pas grave, je suis encore jeune », « Pas grave, j’ai plus de temps pour me préparer à tout ce changement », « Pas grave, essayer c’est mieux que rien et si ça fonctionne pas dans quelques mois, je vais pouvoir consulter en fertilité » et la meilleure : « Ça va bien aller ». C’est drôle, parce que de mon point de vue, ça va pas pantoute !
Finalement, t’as pas le choix, tu lâches prise avant de tomber dans la dépression. Tu te dis que tu vas arrêter d’y penser, tu ne peux rien y faire de toute façon.
Alors tu t’endors le soir, dans un sommeil peuplé de rêves de couches sales, de régurgits et de pleurs, mais pourtant, t’as toujours autant envie de devenir maman.
Mais en attendant… ça craint !
Arianne Bouchard