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Mon enfant est différent, et puis après ? Texte : Eugénie Miron

Qu’est-ce que le handicap invisible ?

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Qu’est-ce que le handicap invisible ?

Le handicap invisible est un handicap non détectable, qui ne peut pas être remarqué si la personne concernée n’en parle pas. Le trouble dont elle souffre impacte pourtant sa qualité de vie.

Mon garçon de 7 ans, Samuel, est anxieux, hypersensible et à haut potentiel. Un enfant ayant un haut potentiel, c’est beaucoup plus que seulement être brillant au niveau scolaire. Cela apporte un lot de difficultés très grand. Samuel réussit à bien vivre avec cela, car nous avons eu la chance qu’il grandisse près de nous. Il n’est pas allé à la garderie ni à la maternelle, car nous travaillions de la maison, donc il a pu apprivoiser ce handicap invisible à son rythme.

J’appréhendais sa première année scolaire. Cette première année fut très difficile pour lui et pour nous aussi au niveau émotionnel. La rentrée scolaire fut toute une adaptation pour lui, car cela représente beaucoup de monde, de bruit ainsi qu’une séparation de nous et de son environnement sécurisant, et ce, plusieurs heures par jour. Les gens disaient : c’est certain qu’il réagisse ainsi puisqu’il n’a jamais été sans vous. À l’intérieur de moi, je me disais « si vous saviez… » En apparence, Samuel est un super beau garçon très sociable, oui, oui, très brillant et qui veut tout connaître du monde. Il est très allumé et très emphatique.

Plus il grandit, plus il accumule des expériences positives qu’il met dans la boîte à outils de son cerveau et plus c’est facile pour lui. Toutefois, toutes ces premières fois engendrent dans son cerveau l’alerte « CAUSE INCONNUE », ce qui l’amène à vivre une très grande anxiété ainsi que beaucoup de peur face à cette inconnue.

Depuis son très jeune âge, j’ai énormément lu pour chercher à comprendre tout ce que ce petit être vivait. Nous avons appris à le connaître dans son unicité qui est hors norme, ce qui fait de lui un être extraordinaire.

Qui décide ce qui constitue la différence ? Et si c’était magnifique d’être différent ? Car ça l’est !

Dans cette situation, ce qui me dérange le plus n’est pas son handicap invisible, mais plutôt les commentaires des gens qui ne savent pas. Ce sont eux qui généralisent à tous les enfants. Je n’ai pas toujours envie de tout expliquer. J’aimerais plutôt que les gens comprennent sa différence comme quelque chose d’unique, de beau et non d’ANORMAL. Chaque choix que nous avons fait a été pour le bien de notre garçon.

Nous faisons les choses différemment et nous en sommes heureux. J’ai rarement eu droit à des crises de mon garçon contrairement à ce qu’on peut entendre de parents qui ont supposément un enfant normal. Pourquoi ? Je crois que l’écoute et le temps font une réelle différence. Nous avons pris le temps d’expliquer à de multiples reprises et cela a donné des résultats magnifiques. C’est une forme d’aventure et de parcours à la découverte de l’essence de notre tit homme extraordinaire.

Les gens pensent souvent à SOCIALISATION, parce qu’il ne voit pas grand monde, mais non ce n’est pas pour cela qu’il est différent. Il est Samuel. Samuel a un programme différent qui fait de lui une personne différente et il est bien comme ça (il n’est pas tombé bien loin de l’arbre hihi). Pour se protéger et ainsi vivre moins de stress et d’anxiété, nous y allons une étape à la fois. Ce n’est pas parce que notre garçon n’est pas allé à l’école qu’il n’est pas sociable et pas parce qu’il a de la difficulté avec le détachement qu’il n’est pas sociable. Je crois qu’au contraire, le fait d’avoir eu la chance d’y aller une étape à la fois, et ce, sans être bousculé, lui permet aujourd’hui d’apprivoiser sa magnifique différence au lieu de la repousser. Il se remémore ces moments comme un tremplin à chaque fois, car il sait qu’il est capable. Le fait d’avoir respecté son rythme et d’avoir accueilli sa diversité nous a aussi amenés à emprunter un chemin différent et à pousser plus loin ma compréhension de l’être humain, et j’en suis bien heureuse.

Je suis consciente que nous avons eu une grande chance d’y aller étape par étape. J’en suis ravie, car Samuel a appris à vivre avec lui-même. Plus il vieillit, plus son cerveau se développe par l’entremise de ses propres expériences et il est capable de relativiser au lieu d’avoir été bousculé et que ses mécanismes de défense augmentent.

Dans notre société, nous sommes portés à vouloir régler un problème et à le faire disparaître. Mais si on laissait le temps à nos enfants d’apprendre à vivre avec leur différence dans un monde en constante évolution ? Tous ces gens qui ont des handicaps invisibles, si nous les soutenions dans l’apprentissage de la vie avec leur handicap ? Si nous les accompagnions pour qu’ils apprennent à voir le beau de cette différence ?

Voici une situation vécue par Samuel quand il était plus jeune. Il y a eu plusieurs situations semblables : le bruit qui l’agressait, le vent qui lui faisait peur, sa sensibilité extrême à l’odeur… Samuel et moi, on se promenait dans notre rue et une jeune fille d’environ 2 ans est tombée à côté de nous (Samuel avait environ 3 ans). Elle s’est mise à pleurer très fort après s’être blessée. Samuel étant très empathique a alors ressenti la douleur de cette jeune fille. Cet événement a fait en sorte que chaque fois qu’il voyait un enfant plus jeune que lui, il se bouchait les oreilles et ne bougeait plus. Il cherchait à aller dans nos bras pour se protéger, pour ne pas avoir à revivre cette souffrance.

Est-ce que nous avons dit d’arrêter de réagir ainsi ? Non. Nous avons expliqué que sa capacité à ressentir était une grande qualité. Malgré cette belle sensibilité, il n’a pas à prendre cette souffrance sur ses épaules à lui, ça ne lui appartient pas. Chaque fois que nous voyions un enfant plus jeune que lui, je voyais son corps se crisper. Je prenais le temps de lui expliquer la situation qu’il a vécue et la situation de maintenant encore et encore. Aujourd’hui, il n’aime pas entendre des bébés pleurer, mais son corps ne réagit plus.

Chaque situation depuis sa jeunesse a été comme cela. Nous avons tous travaillé fort ensemble. À mon avis, l’enfance est déterminante pour devenir un adulte épanoui. Nous ne sommes pas parfaits, nous apprenons encore et ça sera toujours ainsi. Le meilleur des remèdes pour nous est la combinaison de l’amour, de l’écoute, de la patience et de la compréhension.

La vie fait si bien les choses ! Dans notre vie, nous lui avons enseigné à parler par signes et cela a été très libérateur pour lui de s’exprimer très tôt avec son corps quand l’émotion était trop grande. C’est incroyable ce que ça lui a apporté. Nous remarquons aussi régulièrement dans le cadre de notre travail l’aspect libérateur que cela apporte aux enfants.

Quel genre de compréhension aimeriez-vous avoir de la part de votre entourage que vous n’avez pas face à votre handicap invisible ?

On juge tout dans notre société. On veut tellement tout catégoriser. Nous avons du travail à faire en tant que société, mais c’est possible. Je suis fière d’avoir réussi à montrer à notre garçon qu’il est différent et que c’est magnifique. Chaque différence est unique et nous offre plusieurs chemins qui peuvent être utilisés pour nous amener vers l’acceptation de cette belle diversité.

On nous surnomme les extraterrestres, mais nous en sommes bien HEUREUX !

Amusez-vous avec vos différences !

Eugénie Miron

Saute, saute, saute !

J’ai tendance à personnaliser l’éducation de mes enfants. Peut-être

J’ai tendance à personnaliser l’éducation de mes enfants. Peut-être à outrance, mais certainement pas avec de malhonnêtes intentions. Je crois en la différence, en l’humanité, au potentiel de chacun. Ce n’est pas que le moule n’est pas fait pour tous, c’est surtout qu’il y a plusieurs moules, et plusieurs façons de rentrer dedans.

Le système scolaire est un moule. Tout comme le système social, la famille, le gouvernement, l’économie, name it. Les rebelles entrent dans un moule. Les manifestants aussi. Les criminels, les non-conventionnels, tout le monde. Mais. Mais le moule peut être adapté, modifié, élargi, cassé, ramolli. Et l’humain peut aussi s’adapter au moule, jusqu’à un certain point.

Long préambule pour en venir à mes petites grenouilles. Ils sont nés différents, tout autant que tous les autres enfants. Une de leurs différences, c’est leur façon de penser et de comprendre le monde, de le ressentir et d’y réagir. Ils ont le défi (oui, oui, je ne parle pas de chance, même si c’est un coup de pouce génétique) de comprendre vite et autrement. Ils ont appris à lire, à écrire, à compter par eux-mêmes. Ils divisaient des milliers à trois ans ou lisaient des briques à sept ans. Certains ont une mémoire phénoménale, d’autres ont une intuition qui dépasse toute logique. Une est autodidacte chronique, l’autre pourrait jaser de sciences avec Einstein. Si au moins j’exagérais…

Donc, mes petites grenouilles ont tendance à se sentir coincées dans le moule scolaire. Il y a tant à apprendre… et le cadre se veut restrictif, veux, veux pas ! La force et la faiblesse du groupe. Que fait une grenouille qui se sent à l’étroit dans son étang ? Elle essaie d’aller voir ailleurs, elle fait des vagues, elle saute sur les nénuphars et énerve tout le monde… ça la tient occupée. Ça lui donne l’espoir que quelqu’un la remarque et lui dise : « Eille, p’tite grenouille, me semble que tu serais mieux dans un étang plus grand. » Si elle n’est pas entendue, elle déprime, elle détruit les autres ou elle-même.

L’étang plus grand, ça peut être un endroit où il y a une plus grande diversité écologique. Ou un espace plus élevé d’où on voit mieux l’horizon. Ou un étang qui permet de sauter dans une rivière et sur un rivage et sur une plage. Ça peut être le même étang, mais avec des possibilités de jouer aux touristes une fois de temps en temps pour faire l’école buissonnière. Certaines grenouilles sont même très heureuses dans leur étang, sans plus, sans moins. Ça peut être un étang qui n’a même pas l’air d’un étang. La beauté de la chose, c’est que les petites grenouilles n’ont pas toutes besoin du même genre d’étang. Sinon, ce serait plate, hein ! Tout le monde pareil, arkeuh !

Alors mes petites grenouilles ont vécu dans différents étangs scolaires, en y faisant souvent beaucoup (trop) de vagues. Ça énerve, les batraciens qui font des vagues. Pour les parents, c’est tout un art de choisir le bon étang pour la bonne grenouille au bon moment. Sans compter les contraintes, les programmes offerts ou non, la surpopulation, les déménagements, les politiques des institutions, les croyances de tout un chacun, la désinformation. Et chaque année, c’est à recommencer.

En septembre, deux de nos grenouilles sauteront une année et vivront leur année scolaire avec des élèves plus vieux. Les nombreuses évaluations, les nombreuses opinions de spécialistes, les nombreuses rencontres avec l’équipe-étang suggèrent que c’est une bonne idée. Que ça correspond à leurs besoins. Que pour eux, ça semble faire partie de la solution. Ça ne résout pas tout, mais ça pourrait les aider à moins s’ennuyer, à se sentir moins différents, à se sentir stimulés, à avoir le goût de trouver leur place dans un moule. Ça semble être une façon de casser le moule sans tout casser. Ils sont prêts à rencontrer de nouveaux défis et de nouveaux amis, même si l’inconnu fait des « coucou ».

Et comme le disaient savamment Passe-Montagne et son nœud papillon : Saute, saute, saute, petite grenouille… tu n’as pas peur de l’eau…

Nathalie Courcy

Plus que 180 jours…

Ce matin, tu t’es levé et je t’ai posé la même éternelle que

Ce matin, tu t’es levé et je t’ai posé la même éternelle question que je te pose inlassablement tous les matins : « As-tu passé une bonne nuit? ». Et là, plutôt que ton grommellement d’ado pas encore bien réveillé habituel, j’ai eu droit à un « non, j’ai rêvé de l’école ».

Argh… et oui, la rentrée est dans moins de deux semaines… Pourtant, ce sera ta dernière rentrée, ça se fêterait presque, du coup! Je te vois déjà lever les yeux au ciel si je te dis que cela se fête… Pourtant, toi qui n’aimes pas l’école, qui ne l’as jamais aimée, j’aimerais que tu fêtes cette dernière ligne droite parce que même dans le négatif, il y a du positif… Mais là aussi, tu lèveras les yeux au ciel si tu lis cela.

Mon cher ado, mon ado doué! Tu as longtemps pensé que ta douance n’était pas un cadeau, tu le penses encore parfois… mais tu es aussi bien conscient de ta chance : tu apprends vite, trop vite parfois… enfin, quand tu veux bien apprendre! Tu me le répètes suffisamment : « Je n’apprends que si je suis motivé, si cela a du sens ». Alors moi, j’ai envie de te dire : « Regarde, plus que 180 jours », parce que dans presque 100 jours, tu vas faire ton choix pour le cégep, tu vas choisir ce qui te plaira, ce te motivera enfin! Les apprentissages prendront un sens et j’espère que tu t’épanouiras!

Je me souviens de cette visite à la prison d’Alcatraz lors de notre voyage en Californie. Tu suivais avec grand intérêt le discours (en anglais) du guide. Tu avais neuf ans. Il expliquait le règlement intérieur de la prison et tu m’as tiré par la manche pour me dire : « Je ne vois pas la différence avec le règlement de l’école ». Nous étions en vacances, nous découvrions de nouveaux lieux, une autre histoire et tu comparais la description d’une journée à Alcatraz à ta journée d’écolier! L’école, lieu de l’apprentissage (certes pas l’unique lieu), ne l’était pas pour toi. Pour toi, c’était le lieu où on s’assoit, où on ne bouge pas, où on écoute sans rien dire…

Heureusement, tu as croisé sur ton chemin des directions d’école qui ont accepté de prendre des risques pour ton parcours scolaire, des enseignants qui ont compris, qui ont vu ta douance sans que je l’évoque. Certains ont relevé le défi de « te nourrir », d’autres avaient des classes trop hétérogènes pour pouvoir répondre à ton besoin et à ceux de tes camarades qui eux, en arrachaient… Mais ces profs-là, tu les as appréciés, ils font partie du positif! D’autres t’ont trouvé immature à cause de ton saut de classe, n’ont pas voulu comprendre, mais ça aussi, ça fait partie de l’apprentissage de la vie.

Plus que 180 jours… C’est la fin du parcours aussi pour ton père et moi, à nous questionner si nous avons fait les bons choix : de t’avoir fait sauter une classe, de t’avoir envoyé à l’école malgré les maux de ventre du dimanche soir et du lundi matin, de t’avoir offert des journées de congé hors du calendrier scolaire (pause indispensable pour contrer les répétitions dans certaines matières et alléger les maux de ventre), de ne pas avoir osé te faire l’école à la maison… Nous y avons réfléchi au secondaire, nous nous sommes renseignés, car une commission scolaire offrait les cours de secondaire 4 et 5 à distance. Mais voilà… il fallait que tu aies plus de seize ans et que tu sois en échec scolaire… Tu allais avoir 14 ans et ton bulletin faisait pas mal d’envieux, donc exit la solution de finir le secondaire à distance! Pourtant, pour toi, il n’y avait aucune fierté à avoir un tel bulletin puisque tu n’avais pas vraiment travaillé pour l’avoir… C’est loin d’être simple de construire ton estime personnelle quand tu obtiens de beaux résultats sans t’être réellement forcé, de développer la notion d’effort quand on ne te propose pas de sortir de ta zone de confort intellectuel.

Plus que 180 jours… 1800 jours ont passé depuis le début de ton parcours scolaire… Quand j’y repense, je me dis qu’à date, les décisions prises ont été plutôt bonnes… Dans un peu plus de 180 jours, nous t’aiderons aussi à faire ton propre choix : continuer les études dans un domaine qui te plaît ou prendre une pause… parce que tu auras seize ans pendant l’été 2020 et que l’école ne sera plus obligatoire, tu nous l’as bien fait comprendre…

Eva Staire

Traîner sa douance intellectuelle au travail

Juste écrire le titre me donne l’impression de devoir me justifie

Juste écrire le titre me donne l’impression de devoir me justifier au risque de m’attirer le panier de tomates au complet.

Oui, j’ose dire qu’une neuropsychologue et un médecin m’ont identifiée comme personne à haut potentiel intellectuel. Ils ont déterminé, au terme de plusieurs rencontres et de nombreux tests, que j’ai un quotient intellectuel supérieur à 130, une façon de réfléchir qui ne rentre pas dans le moule habituel, que mon cerveau traite plein d’informations en même temps et rapidement, que ma mémoire de travail est supérieure à celle de la plupart des gens de mon âge et que mes capacités verbolinguistiques et logico-mathématiques sont particulières. Voilà, les présentations sont faites. C’était la leçon Douance 101 en bonne et due forme. Mais ce n’est pas de la vantardise, croyez-moi. J’aimerais parfois avoir un cerveau qui fonctionne dans la moyenne, avec un Q.I. dans la moyenne et une façon de réfléchir qui ressemble à celle de monsieur et madame tout le monde.

Je ne m’étais jamais doutée de cette particularité, jusqu’au jour où mes enfants ont été évalués en douance. Et comme le haut potentiel intellectuel vient en grande partie des gènes… J’ai fait un savant calcul de 2 +2=4 et j’ai pris un rendez-vous pour moi. Je ne souffrais pas de cette différence, mais je voulais comprendre comment j’avais pu traverser les années sans qu’elle ressorte, alors que pour mes enfants, les défis scolaires, sociaux et personnels étaient immenses.

Enfant et adolescente, j’ai été suffisamment stimulée et entourée. J’avais un caractère assez facile (OK, peut-être moins à l’adolescence… mais c’était de la petite bière à côté de certains camarades de classe !). Je m’adaptais aux groupes dans lesquels j’étais, j’avais des amis, des passions, de bonnes notes. Mes émotions étaient intenses, oui, mais quel adolescent dirait le contraire ?

À dix-sept ans, je suis partie en appartement à deux heures de route de la maison pour faire mon baccalauréat international. Je trippais solide, entourée de personnes qui mangeaient de la philo et la digéraient à grands coups d’expériences scientifiques, d’analyses littéraires et d’humour.

Comme adulte, j’ai gravi les échelons universitaires, j’ai voyagé pour le plaisir et pour le travail, j’ai déménagé plus souvent qu’à mon tour, je me suis mariée jeune, j’ai eu quatre enfants. Bref, j’ai clenché ma vie au quart de tour. Pour moi, c’était un rythme normal. Dans ma tête, tout le monde faisait ça.

Quand la vie s’est faite plus stable, j’ai commencé à me sentir isolée dans mon couple et dans mon milieu de travail, que ce soit à l’université ou au gouvernement. Pourtant, je suis entourée de personnes intelligentes, compétentes, sympathiques, ambitieuses. Mais je me fais souvent dire : « Ish… ça va vite dans ta tête ! Comment fais-tu pour faire des liens comme ça ? ». L’impression d’être une extraterrestre…

Je ne vois pas souvent les situations de la même façon que mes collègues. Je trouve des solutions qui paraissent bizarres. Je fonctionne mieux dans un milieu qui me fournit constamment de nouveaux projets et des défis originaux, sinon, mon cerveau s’assoupit, je perds ma motivation. Si en plus, je peux écouter du Pink dans le piton en travaillant, ça roule en titi, parce que ça occupe les cellules qui auraient trouvé ça plate.

Le bilan neuropsychologique m’a permis de revisiter mon parcours personnel et professionnel. J’ai pu comprendre ce qui me faisait réagir (quand ça ne va pas assez vite ; quand la même tâche se répète sans arrêt ; quand ma manière de penser est repoussée d’un revers de la main parce que ça dérange ; quand je dois me contenter d’un travail en surface ou que je ne peux pas expliquer les nuances de ma réflexion). J’ai pu comprendre à quel point je peux taper sur les nerfs des autres (je parle trop, trop vite ; je m’enthousiasme trop, même pour les sujets qui ne me concernent pas ; je lâche difficilement le morceau quand je considère qu’une situation est injuste ; je ne vois jamais la version simple d’une tâche).

Mais moi, ce qui m’énerve, c’est quand les gens qui entourent les personnes douées intellectuellement tiennent pour acquis qu’elles se vantent et se sentent supérieures aux autres. La plupart du temps, nous nous remettons en question. Nous doutons de nous. Notre estime personnelle peut frôler le zéro. On a tellement de projets de grande envergure qu’on a l’impression d’être incapables de les réaliser. On passe facilement pour des personnes inattentives ou hyperactives, on est hypersensibles. Et on se sent coupables parce que les autres pensent qu’on se vante, alors on se tait, on essaie de se fondre dans la masse.

Pourquoi un doué devrait-il avoir honte de la façon dont son cerveau est fait ? Demande‑t‑on à une personne qui a un TDAH ou un TSA de se cacher pour ne pas déranger les autres ? Ou l’encourage‑t‑on à révéler qui il est pour avoir tout le soutien et les outils pour réaliser son plein potentiel ? Après tout, la douance, c’est exactement ça : un potentiel. Qui a besoin d’être reconnu pour s’actualiser.

Nathalie Courcy

Co-auteure du livre Zoé douée. Regards d’enfants sur le haut potentiel intellectuel

www.4etdemi.ca

 

Youppi! Il ne lit pas encore!

Pour la littéraire en moi, les premières lettres d’alphabet reco

Pour la littéraire en moi, les premières lettres d’alphabet reconnues et les premiers mots lus ont la même signification que les premiers mots dits ou les premiers pas faits. C’est pour moi une toute nouvelle ouverture sur la connaissance de l’univers et de soi. Le début d’une longue aventure incroyable qui évoluera au fil des pages et des livres. Sans compter Google et ses merveilles!

Quand ma fille aînée a lu son premier livre, elle avait cinq ans, allait encore à la garderie. J’étais dans ma chambre à 7 heures du matin. Elle était venue s’asseoir par terre à côté de moi, avec son livre de Disney (vous savez, la collection des grands classiques? Une trentaine de pages bourrées de longs paragraphes et de trop de mots écrits en toutes petites lettres [genre Times 8…]). Et là, elle s’était mise à lire. De la page 1 à la page 30. Pratiquement sans hésitation.

Je m’étais dit : « Elle connaît ce livre par cœur, ça doit être ça. » Si petite, et connaître tant de mots…

Un peu plus tard, elle a choisi un autre livre. Puis un autre. Et elle n’a jamais arrêté. À sept ans, elle lisait des romans de 700 pages. À 14, elle les écrit.

L’histoire s’est répétée avec mon autre fille. Cette même fille qui s’est pointée au club de lecture de 1re secondaire avec l’encyclopédie du cerveau (sa lecture de chevet…) Si je veux lui faire vivre un plaisir intense (du même niveau que le nouveau Chaos de la Ronde), je l’amène à la bibliothèque.

Puis, mon garçon est arrivé. Tout aussi brillant, lui aussi identifié comme doué intellectuellement, avec le bonus hyperactif. Il a aussi appris à lire par lui-même (je le jure, je n’ai même jamais suivi les lignes de texte avec mon doigt!), mais son besoin de bouger était plus grand que son besoin de lire. On parle quand même d’un petit bonhomme qui anéantit une paire de souliers par deux mois et qui fait exploser le podomètre de ma montre intelligente quand il me l’emprunte. Il a dû apprendre à apprécier les moments calmes et les livres l’ont aidé. Avec un livre dans les mains, son besoin d’amis et d’attention diminue. À huit ans, il réclame ses romans de 300 pages plusieurs fois par jour.

Et mon petit dernier? Tout aussi intelligent que les trois autres. J’ai cette chance d’avoir des enfants qui apprennent ultra vite. Qui s’intéressent à tout. Qui sont curieux. Qui veulent apprendre. Mais ça, ça vient avec beaucoup d’ennui à l’école. Les enseignants ont beau stimuler mes enfants, leur proposer des projets enrichis, de la matière approfondie, ils trouvent le temps long en classe. Ils tombent dans la lune, au cas où ils y trouveraient de nouvelles informations à gober.

Alors mon petit dernier qui ne sait pas lire alors qu’il termine sa maternelle me rend très heureuse! Je me dis qu’il se sentira peut-être stimulé par l’école plus longtemps. Qu’il ne décrochera peut-être pas aussi souvent pendant que le prof essaie de le garder accroché à la matière. Qu’il ne sera peut-être pas aussi frustré contre le système scolaire envers lequel il avait tant d’espoir et qui l’a tant déçu. Mes enfants voient l’école comme la source inaltérable de savoir et ils se sont vite rendu compte que cette source fonctionnait au ralenti pour eux.

Que mon petit dernier prenne son temps pour apprendre à lire, ça me fait plaisir, ça me dit qu’il vivra peut-être un peu moins de frustrations par rapport au rythme de l’école.

P.S. Je pensais écrire ce texte depuis quelques jours déjà. Et ce soir, alors que je m’apprêtais à l’écrire, mon petit dernier est venu se coller près de moi avec un roman… et il s’est mis à lire le titre de chaque chapitre.

— Maman, « oi », on prononce « oua », c’est bien ça?

Voilà, la porte de la lecture est toute grande ouverte!

 

Nathalie Courcy

www.4etdemi.ca

Dois-je frotter la lampe ?

C’est une lourde responsabilité, d’être parent…

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C’est une lourde responsabilité, d’être parent…

Chacun de nos enfants est différent. Unique. Parfois, sans aucun signe visible. Nous cherchons tous à adoucir les contraintes qu’on leur impose. Le cadre structuré. Inadapté. Les bâtons, dans les roues d’un astronaute. L’incompréhension, nourrie par le refus de s’ajuster.

J’ai même risqué le rendre maussade, par une médication qui a cet effet secondaire. Tout comme elle diminue aussi son appétit. Pour le bien de la classe. Une paix alors voulue par l’enseignante. Épuisée par ses questions. Par son exception active. Confrontée à ses propres limites intellectuelles.

Je peux la comprendre, j’ai toujours alimenté sa soif de connaissance. Pour acheter un peu de quiétude, avec du contenu pour l’occuper. Malicieusement, jusqu’à lui donner des statistiques sportives à ingérer.

Souvent, j’observe discrètement mes enfants. Depuis qu’ils sont nés. J’analyse leurs interactions. Avec les autres, avec moi. Pour me rassurer qu’ils auront les outils de base pour affronter le monde extérieur. C’est ma tâche de les y préparer. Trop conscient des écueils. De tout ce qui peut éteindre. Atteindre. Blesser.

Tous les parents restent fiers. Des progrès. De l’épanouissement. Des tout petits riens qui parsèment leur parcours d’enfant. Ils sont si formidables. Encore plus dans un système scolaire qui veut tous les récompenser. Également. L’estime de soi, c’est une fibre fragile. Tissée par le doute.

Mais si votre enfant était vraiment différent ?

Se dévoilant dès la maternelle. Dans un groupe du même âge, pour mieux comparer. Les autres qui ne veulent pas jouer aux jeux mathématiques, parce que « c’est pas juste, si on n’est pas dans son équipe ! » Son évaluation de « TDAH », qui révèle une partie de son immense potentiel. On vous recommande un programme spécialisé, alors que lui, il veut seulement suivre ses amis. Au concours de mathématiques provincial, il se classera septième. Sur près de 16 000 élèves de son niveau. Il est alors le meilleur élève de l’école. Dans toutes les matières. Sans effort.

Vous feriez quoi ?

Il y a aussi le revers de la médaille. Ils sont des enfants hypersensibles, anxieux, isolés. Tout un poids à porter, sur de si frêles épaules. Je constate, déjà, que le téléphone ne sonne pratiquement jamais la fin de semaine. Il plonge plutôt dans la programmation avancée. Seul avec son écran. Avec son clavier pour s’exprimer pleinement.

À ma mesure, je vais continuer de le défier. J’ai au moins une certaine avance sur ses connaissances générales. Depuis un an, il dévorait les romans adultes en français ; il en est rendu à ceux dans la langue de Shakespeare. Il va me dépasser, c’est évident. Je vais devoir rester sur le quai, à le regarder partir. Fier et inquiet, à la fois.

Que ce moment arrive bientôt, ou non, je vais surtout lui parler en sachant qu’il comprend. Espérer être le meilleur tuteur qu’il peut avoir. Un guide. Échanger sur ses capacités, autant que sur les attitudes qu’il lui faut développer. Principalement, qu’il faut toujours faire des efforts à sa mesure. Le véritable étalon, c’est notre potentiel. Rien de moins.

Il comprendra bien assez vite que la société n’est pas un lieu paisible, pour les gens d’exception. Que les dirigeants, pour la très grande majorité, ils n’en sont pas. Que le système a des failles, qu’ils ne peuvent combler. Pire, que la réticence au changement est virulente. Que la vie n’est pas raisonnable.

J’ai décidé, je vais le laisser le plus longtemps possible sur la route du plus grand nombre…

 

michel