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Ton tourbillon qui me terrorise – Texte: Eva Staire

Je ne suis pas à l’aise avec les mots. J

Je ne suis pas à l’aise avec les mots. J’ai été élevée dans une famille où il fallait sourire tout le temps et avoir l’air heureux. Peu importe que ce soit vrai. Épater la galerie et avoir l’air d’une famille épanouie. J’ai toujours été le mouton noir de la famille, celle qui crie, qui proteste et qui s’oppose, au grand désespoir de mes parents. Mais même si j’ai appris à m’affirmer, je reste tellement maladroite avec les mots… Écrire pour moi, c’est facile. Mais parler de mes sentiments dans la vraie vie, c’est toute autre chose… Je suis maladroite, impulsive et je dis souvent tout haut ce que je pense, sans tourner ma langue avant de parler…

Et je me retrouve aujourd’hui avec un dilemme. Parce que pour une fois, je suis paralysée par la peur et je n’ose pas parler. Je le vois que tu ne vas pas bien. Je te regarde dépérir depuis plusieurs mois et je ne sais pas quoi dire… Tu as perdu tellement de poids que tes joues se creusent et que ton teint faiblit de jour en jour. Mais de nos jours, ça ne se fait pas de parler du corps et du poids des autres. Alors comment je peux te dire que je m’inquiète pour ta santé ? Ta maigreur me fait peur et tu ne te ressembles plus. Je n’ai pas besoin que tu me dises que tu passes tes nuits dehors, à boire et à t’étourdir. Ça paraît dans tes yeux… La fatigue et les cernes ont envahi tes traits. T’as toujours aimé faire le party, mais pas à ce rythme effréné, et là non plus, je ne reconnais plus. J’ai peur que tu te perdes dans ce tourbillon.

Il y a tant de choses que j’aimerais te dire… mais les mots ne savent jamais comment s’organiser quand je suis face à toi. Je t’aime. Tu es important pour moi. Je veux faire partie de ta vie. Et j’ai si peur que tu m’en veuilles si je me mêle de ta vie. J’ai peur que tu te fâches, si je suis la seule à te dire la vérité. Tout le monde semble se taire, de peur de te froisser. Mais j’ai encore plus peur de te perdre que de te brasser…

Peut-être que tu t’es déjà perdu toi-même. Peut-être que tu ne te reconnais même pas dans ces lignes. Peut-être que tu penses que personne n’a rien remarqué. Peut-être que tu t’es même convaincu que tu vas bien, que tout ça est normal. Peut-être que tu continues de sourire, pour convaincre les autres que tu es heureux. Peut-être que tu continues ce manège depuis tellement longtemps que tu t’es presque convaincu toi-même…

Mais qu’est-ce que je suis censée faire ? Te regarder encore t’engouffrer dans ce tourbillon qui semble t’avaler ? Te regarder te noyer sans sauter ? Regarder ailleurs pendant que tu cales au fond ? J’ai peur pour toi. Ton regard trompe peut-être les gens qui te connaissent depuis peu, mais je te connais depuis trop longtemps pour être dupée. Tu n’as pas réussi à me convaincre, avec ton grand sourire figé, tes blagues et ton show. Je le vois dans tes yeux qu’il n’y a plus d’étincelle…

La vérité, c’est qu’on est plusieurs à s’inquiéter. Mais les autres ont appris à se taire et à sourire. Moi, je suis le mouton noir, tu te souviens ? Je suis incapable de me taire et de sourire. Je suis incapable de faire semblant que tout va bien. Je suis incapable de te regarder sombrer sans rien dire. Mais je ne sais pas comment m’y prendre.

J’ai envie de te crier de te réveiller de cette hypnose dans laquelle tu t’es plongée. J’ai envie de venir te cuisiner trois repas par jour, à des heures fixes, pour être certaine que tu manges. J’ai envie de venir te prendre dans mes bras. J’ai envie de vider tout ton alcool dans le lavabo. J’ai envie de rester à tes côtés, pour que tu dormes la nuit. Mais ça ne changerait rien. Parce que ces décisions doivent venir de toi. Et comme on t’a appris à sourire et te taire, je ne suis même pas certaine que tu ressentes toute la détresse que tes yeux hurlent.

J’ai envie que tu manges. Sainement. Avec équilibre. Des bonnes choses, de la scrap, en bonne compagnie et régulièrement. J’ai envie que tu dormes, une vraie nuit chaque nuit. Peut-être aussi que toi, tu n’as pas envie de tout ça… Peut-être que c’est moi qui juge alors que je ne le devrais pas. Peut-être que c’est moi qui dois encore, comme vous tous, apprendre à sourire et me taire.

Mais j’ai peur pour toi. Je suis terrorisée. J’ai peur que tu m’en veuilles terriblement de me mêler de ta vie. J’ai peur que tu penses que je te juge, comme si mes choix de vie valaient mieux que les tiens. J’ai peur que tu me tournes le dos, parce que tu penses bien aller. Mais tu sais de quoi j’ai encore plus peur ? J’ai peur de recevoir un coup de fil demain matin qui m’annonce que tu t’es enlevé la vie parce que tu n’en pouvais plus de sourire. J’ai peur de n’avoir rien dit pour t’en empêcher. J’ai peur de te perdre. Et je ne sais pas par où commencer pour te le dire…

Eva Staire

Le « moton »

J’ai envie aujourd’hui de vous de parler du moton. Vous

J’ai envie aujourd’hui de vous de parler du moton. Vous me direz, mais quel sujet insipide! Et pourtant non. Le fameux moton, on l’a tous un jour ou l’autre. Ne me dites pas que vous ne connaissez pas cette petite ou très grosse boule qui se loge dans la gorge, là, coincée entre deux phrases, vous empêchant de parler, de penser. Communément appelé un amas, une boule, un grumeau, mais de quoi? Il est aussi synonyme de grande quantité. Un trop-plein. De peine, de joie, de tristesse, de bonheur? Est‑ce un trouble physique ou psychologique? Souvent, ce symptôme est exacerbé par la maternité. Est‑ce que nos rejetons sont les instigateurs de ce mal invisible? Sans crier gare, il surgit, gonfle, nous tient, le maudit moton. Il reste coincé et d’autres fois, il descend jusqu’au ventre, fait des flips, nous tiraille, nous fait mal, nous vire à l’envers. On dit alors qu’on a une boule au ventre. Le moton a muté.

Le moton fait pleurer, ou pas. Parfois, on ravale juste ledit moton. On le cache, pour ne rien laisser paraître. Pourtant, il est toujours là, juste un peu plus bas. On a du mal à respirer, à parler ; les sanglots sont étouffés.

Je me souviens de mon premier moton de maman. Dès que j’ai tenu ma fille dans mes bras, le moton est arrivé, un mélange de joie, de peur, de bonheur. J’avais envie de pleurer, de crier, mais rien ne sortait. J’étais juste immobile à contempler cette petite créature. Je n’avais pas de mots pour décrire ce trop-plein d’émotions qui venait de m’envahir. Plus le temps a passé, plus le moton est resté, il a grandi. Il surgit au détour de la garderie quand je dépose la petite dernière et qu’elle pleure toutes les larmes de son corps parce qu’elle n’a pas envie d’y aller. Je n’ai pas le choix, je la laisse. En fermant la porte derrière moi, le moton m’empêche de respirer, je retiens mes larmes. Toute la journée, le moton est là, il m’empêche de me concentrer. Le moton grogne quand ma plus vieille me dit méchamment qu’elle ne m’aime plus. Un moton de douleur. Je serre les dents, et je ravale ses paroles.

Est‑ce qu’on peut s’en défaire, ou sommes-nous condamnés à vivre avec? Parfois discret, parfois intense, il sera malheureusement toujours là, le maudit moton!

Gabie Demers

 

Ma grossesse : tomber enceinte sous stérilet

Après avoir encaissé le choc de la grossesse, on s’est dit que p

Après avoir encaissé le choc de la grossesse, on s’est dit que peu importe ce qui arriverait, un bébé, ce n’est jamais négatif… au contraire! C’est certain que ça allait CLAIREMENT prendre une meilleure routine et qu’on allait devoir aller chercher un peu d’aide, mais l’important, c’était qu’un petit être avait décidé de se loger en moi et nous avait choisis comme parents. 🙂

Par contre, ce que je ne savais pas, c’est qu’une grossesse avec un stérilet… c’est tout sauf plaisant. Oubliez la grossesse sans tracas!

Première étape, appeler son médecin afin de faire faire des prises de sang. Pourquoi? Pour s’assurer que le taux HCG (l’hormone de grossesse) augmente normalement.
Habituellement, le taux HCG doit doubler aux deux jours. Dans le cas d’une grossesse non évolutive ou d’un début de fausse couche, le taux ne double pas ou stagne.
Dans mon cas, on voulait aussi s’assurer que le taux doublait bien puisque le port du stérilet fait souvent en sorte que les femmes font des grossesses ectopiques (en dehors de l’utérus). Dans ce cas, encore une fois, le taux HCG ne double pas normalement.
Tout ça pour dire qu’au bout de deux semaines de stress à faire des prises de sang, j’ai enfin pu être soulagée lorsque ma doc m’a appelée pour me dire que tout semblait bien normal et que ma grossesse évoluait bien.

J’étais à sept semaines, et je savais très bien que rien n’était joué avant le fameux douze semaines. Par contre, J’ÉTAIS ENCEINTE! Un bébé miracle… un bébé stérilet!
Je me souviens m’être dit qu’Étienne devait carrément aller se faire vasectomiser après l’accouchement, parce que j’étais beaucoup trop fertile! Hayden étant un bébé pilule, Anna un bébé qui est arrivé le premier mois d’essai et bébé n3 avec un stérilet, c’était hors de question d’avoir une famille de dix, haha!

Alors que je commençais à prendre conscience de tout ce qui se passait, j’ai réalisé que ma grippe ne passait pas, j’avais des douleurs au ventre et ma fièvre continuait… Après discussion avec mon médecin, je me suis dirigée à l’hôpital puisque mes symptômes faisaient partie de ceux d’une grossesse ectopique. En arrivant devant l’infirmière et en lui expliquant que j’étais enceinte sous stérilet NOVA T, et en lui racontant mes symptômes… j’ai vu dans ses yeux une petite lueur de tristesse. En sortant du bureau, elle m’a dit : « Bonne chance… ».

Psychologiquement, je ne savais pas trop quoi penser.

J’ai une façon bizarre d’agir quand j’ai peur d’avoir mal… je préfère voir le négatif! De cette façon, je ne peux pas être triste ou déçue. Sauf que dans ce cas‑ci, c’était probablement la pire chose à faire. Je me souviens m’être assise dans la salle d’attente, avec deux amis qui étaient venus me tenir compagnie, et m’être dit « Bon et bien, je ne suis pas enceinte finalement! Je vais attendre que la fausse couche arrive. »

Le médecin m’a appelée dans la salle et m’a expliqué qu’il y avait peu de chances que la grossesse soit viable à cause du stérilet, que peu de grossesses l’étaient.
En fait, le stérilet peut parfois laisser passer des spermatozoïdes qui sont redirigés vers le mauvais endroit, soit les trompes de Fallope. C’est lorsque le spermatozoïde s’implante à cet endroit que survient une grossesse extra-utérine.

Là, entendons‑nous, je ne suis pas médecin, alors je manque peut-être un peu d’infos sur le sujet, mais je tente tant bien que mal d’expliquer le mieux possible ce qu’on m’a dit et ce que j’ai vécu. 🙂 Au pire, pour toutes autres questions, il y a GOOGLE haha!

Donc, après ma conversation avec la doc, elle m’a envoyée passer une échographie pour voir si ma grossesse était assez avancée pour la voir en écho et surtout pour voir si l’embryon s’était implanté à la bonne place. Étienne étant à la maison avec les enfants, c’est ma meilleure amie qui était avec moi dans la salle d’échographie.

Heureusement qu’elle était là, parce que je tentais tant bien que mal de garder mon calme, mais tout ce que j’avais en tête c’était « OK, je me suis fait un scénario, peu de femmes tombent enceintes avec un stérilet et il y a encore moins de grossesses viables, fais‑toi à l’idée ».

Je me souviens avoir entendu le docteur parler comme si tout était beau et ma meilleure amie lui demander si c’était le cœur qu’on voyait. Dans ma tête, je leur en voulais de parler de mon bébé comme ça, comme si tout était beau. Parce qu’en fait, même si la grossesse est extra-utérine, le bébé est en vie. Certains vont me dire que ce n’est pas un bébé, mais bien un embryon… Mais pour moi, c’était un bébé, MON bébé! Tout ce que je me disais, c’est que mon bébé était là, que son petit cœur battait normalement, mais que j’allais devoir me faire avorter puisque la vie avait fait en sorte qu’il ne s’était pas niché à la bonne place.

Et c’est là que j’ai entendu un « Madame, votre grossesse est totalement normale. L’embryon s’est implanté dans votre utérus, vous pouvez voir ici………… » et j’ai cessé d’écouter parce que les larmes coulaient sur mes joues.

C’est le cœur léger que je me suis redirigée vers la salle d’attente puisque je devais revoir la gynécologue avant de quitter. Vous imaginez mon état d’esprit? C’était totalement irréaliste, mais les mots du radiologue raisonnaient dans ma tête « Vous êtes bel et bien enceinte » et c’est tout ce que ça me prenait pour enfin flotter!

Une fois dans la salle avec la gynécologue, elle m’a reconfirmé ce qu’on m’avait déjà dit, mais elle a ajouté que le port du stérilet mettait ma grossesse à risque. Que j’allais devoir être suivie de près si je décidais de garder mon bébé et que les fausses couches étaient nombreuses pour celles qui avaient un stérilet.

Elle m’a donc conseillé d’enlever le stérilet puisque ma grossesse était jeune. C’est donc ce qu’elle a fait… en me spécifiant que les prochains jours, même la prochaine semaine, seraient déterminants à savoir si je perdrais le bébé ou pas. Vous avez bien lu… en quelques heures, j’étais enceinte, enceinte sûrement, enceinte d’une grossesse extra-utérine non viable, oh et de nouveau enceinte pour terminer ma journée avec le retrait de mon stérilet et le stress d’une fausse couche.

C’est là que mon cerveau a décidé de fermer boutique concernant la grossesse. J’ai arrêté d’y penser et d’espérer.

Heureusement pour nous, bébé d’amour est encore là et comme ses frères et sa sœur, c’est une vraie battante!
Je suis heureuse, vraiment!
Sauf qu’on dirait que mon corps et ma tête sont en mode protection. Qu’est‑ce qu’on peut encore m’annoncer qui pourrait me stresser hein?

Bref je me souhaite une belle fin de grossesse et surtout, que mon cœur et ma tête se réconcilient haha! Et à vous toutes qui tomberez enceintes avec un stérilet, gardez toujours espoir, parce que je suis la preuve que nos bébés sont bien plus forts qu’on le croit. 🙂

Toi, le petit allergique

Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la

Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la misère à respirer. Tu entends souvent tes parents en parler. Ils ont eu très peur. Ils ont encore peur. Tu te rappelles les cris de maman et du bruit des sirènes. Le reste est un mauvais souvenir un peu flou.

On te l’a expliqué. Tu es allergique.

Si tu es en contact avec une arachide, tu étouffes. Tu sais à quel point c’est grave, car tu le comprends dans les yeux de tes parents qui scrutent en permanence chaque étiquette dans les magasins.

Les gens ont tendance à penser que ce n’est pas si grave. Tes amis te jugent. Tu es le petit fragile qui ne peut pas manger de beurre de peanuts…

Ton quotidien est une traque permanente. Tu te promènes avec un auto-injecteur d’adrénaline qui te maintiendra en vie si jamais ton allergène attaque. Ce petit instrument fait paniquer bien des adultes et fascine tes camarades.

Les gens doutent souvent…

— Ça ne va pas le tuer s’il en mange un peu, relaxons !

EUH OUI, ÇA PEUT TE TUER !

Tu as envie de hurler. Parce que tu es toujours pointé du doigt. Parce que tu ne veux pas inquiéter encore tes parents. Parce que quand tu vas à une fête d’amis, tu ne peux jamais goûter le gâteau, jamais. Pas même un petit morceau… Tu dois tout le temps porter ton petit bracelet. Tu dois expliquer sans arrêt, encore et toujours, à chaque nouvelle personne que tu rencontres, à quel point tu es en danger face à une cacahouète.

Tant de fois, tu es tenté de déguster cet aliment interdit… Les grands disent que tu es mature, que tu es fort, que tu es conscient malgré ton jeune âge. La maturité des enfants malades… parce que oui, c’est une maladie, mortelle…

Toi, tu voudrais seulement jouer, vivre, courir, manger, danser, librement… sans avoir à être aux aguets en permanence. Tu voudrais être un enfant comme les autres sans voir ta photo à côté d’une arachide sur la porte de la classe chaque année… Tu voudrais te sentir en sécurité toujours… Toi, le petit allergique… tu voudrais ne pas l’être…

Gwendoline Duchaine

 

Comment tu fais, toi, parent?

Si je te pose la question, c’est parce j’ai tant de difficulté

Si je te pose la question, c’est parce j’ai tant de difficulté à faire face…

Mon ado est partie. Ma fille s’est envolée. Dix-sept ans.

Si jeune, mais si mature. Elle a pris sa vie en main, elle avance, elle m’épate, elle m’inquiète.

Comment tu fais, toi, parent? Pour ne pas arrêter de respirer quand ton enfant disparaît dans le métro de cette ville trop grande et pleine d’inconnus…

Comment tu fais pour dormir quand il oublie de répondre à ton texto le soir? Tu imagines des centaines de scénarios horribles, tu t’accroches à l’espoir pour ne pas appeler les secours, le cœur en panique…

Comment tu fais pour ne pas fondre en larmes en entrant dans sa chambre vide? Les semaines passent, mais tu ne t’habitues pas à cette absence… ce vide…

Comment tu fais pour ne pas mourir d’inquiétude quand tu vois qu’il rushe autant au cégep, qu’il dort trop peu car il travaille dans un resto le soir, qu’il manque de temps pour ses devoirs, qu’il ne mange presque plus, qu’il subit du stress permanent et que tu te sens si impuissant… si loin…

Comment tu fais, toi, parent, pour pas virer fou quand ton enfant ne vit plus avec toi?

Quand tu ne sais pas où il est, où il dort, ce qu’il fait, avec qui il vit, avec quelles personnes il évolue, s’il a de la nourriture dans son réfrigérateur, s’il a barré sa porte, s’il a pensé à prendre son traitement, s’il s’est perdu, s’il va bien…

Tu n’as plus ce regard bienveillant, cet accompagnement quotidien auprès de ton enfant. Il n’est plus sous ton toit. Il est sans filet… Tu te sens sans filet… Ce sentiment te terrifie…

Cet enfant qui était en toi, cet enfant si petit, que tu as vu grandir, manger, marcher, courir, grimper, sauter, tomber, apprendre, avancer… s’est envolé…

Toi, tu trembles à chacun de ses battements d’ailes, tu vois tant d’obstacles dans son ciel si bleu. Tu te sens abandonné.

Comment tu fais toi, parent? Pour te rassurer, avoir confiance dans cette nouvelle vie et lâcher prise?

Comment tu fais pour l’aimer sans l’apeurer?

Comment tu fais pour ne pas brailler chaque fois que tu le laisses seul dans sa nouvelle vie, que ta vue s’embrouille sur le chemin du retour, et que tu retrouves ta maison trop vide?

Dis-moi, comment tu fais toi, parent, quand ton enfant s’en va?

Gwendoline Duchaine

 

WonderWoman est vulnérable

En tant que parent, vous le savez, nous avons souvent le rôle de su

En tant que parent, vous le savez, nous avons souvent le rôle de superhéros auprès de nos enfants. Depuis quelques mois, je joue cartes sur table avec mes enfants : WonderMôman est fatiguée et elle a peur. Je vis avec deux maladies chroniques depuis neuf ans et je suis en attente de résultats de biopsies.

Ma résolution pour 2017 était d’être heureuse. Pour le moment, je dirais que j’avais plutôt bien réussi, mais il y a eu une ombre au tableau. À la fin janvier, j’ai dû passer un examen routinier pour ma condition de santé et, pour la première fois, le test m’a fait peur. Mes enfants ont bien vu que maman était nerveuse. Je me suis donc assise avec eux et je leur ai expliqué mes maladies (maladie de Crohn et colite ulcéreuse, le jackpot intestinal) et les tests que j’allais passer sous peu. Je trouvais important de les mettre au courant parce que j’avais un mauvais feeling.

Mon plus vieux est autiste et n’a aucun filtre, donc le lendemain à l’école, sa classe et le service de garde ont eu une conférence de presse sur le fait que sa maman allait se faire entrer une caméra dans les fesses, mais qu’avant, elle devrait prendre des médicaments qui lui donnerait la diarrhée! Allo le malaise! Mon ego en a pris pour son rhume! Ma fille, quant à elle, s’est considérée comme informée et a pris soin de moi, alors que j’étais dans ma journée « d’intimité » avec le bol de toilette.

Le matin de l’examen, j’étais littéralement terrorisée. Pourtant, j’ai passé ce même examen au moins une vingtaine de fois sinon plus depuis mon diagnostic. Cette fois-ci, j’avais un mauvais feeling. Cette fois-ci, je réalisais qu’il ne restait plus beaucoup de traitements possibles avant une chirurgie qui me laisserait avec une stomie. Je réalisais que le traitement qu’il me restait à essayer avant la chirurgie impliquait des traitements par injections ou intraveineuses. Habituellement, lors de l’examen, je dors dès qu’on m’injecte l’anesthésiant, mais pas cette fois-ci; je suis restée éveillée durant tout l’examen. J’ai vu un bout de mon corps que je n’avais jamais vu avant! Entre vous et moi, je me serais passé de faire la rencontre de l’intérieur de mon intestin : ça ne faisait pas partie du bucket list des choses à voir dans ma vie!

Je suis ressortie de l’examen, rapport médical en main, mais en attente des résultats des huit biopsies faites. Pas juste une, mais huit! Pourquoi autant cette fois-ci? Rien pour rassurer l’anxiété qui sommeille en moi depuis cet examen. Si vous trouvez que les délais pour passer un examen en milieu hospitalier sont longs, les délais pour l’obtention des résultats le sont tout autant. Je suis toujours à ce jour en attente des fichus résultats!

Depuis l’examen, je lis sur les traitements possibles et sur la chirurgie. J’essaie de mesurer les impacts sur mon quotidien, sur ma vie de famille, sur ma vie de couple et sur ma vie sexuelle. Est-ce que les traitements me mettront à terre et me videront de mon énergie, comme c’est le cas actuellement avec ma médication? Quels seront les impacts sur ma santé? Si j’opte pour la chirurgie plutôt que pour les traitements et que j’ai un sac, de manière temporaire ou permanente, est-ce que je serai à l’aise de me déshabiller avec les lumières allumées? Est-ce que je me sentirai encore désirable avec ce nouvel accessoire obligatoire? Le serai-je toujours aux yeux de mon amoureux? Est-ce que la gestion d’un sac au quotidien sera compliquée lorsque je serai au travail? Est-ce que je vais encore monopoliser la salle de bain de la maison à gérer ledit sac? Vais-je être mentalement capable de gérer ça tout court?

J’ai toujours voulu me montrer forte, ne pas montrer ce qui m’affecte et être capable de tout gérer de front, mais je dois avouer que cette fois-ci, j’ai frappé un mur! La WonderWoman que je peux être parfois semble avoir foutu le camp et me laisse avec beaucoup trop d’incertitudes et de questions pour que je puisse faire comme si de rien était. Mes enfants me voient nerveuse, me voient pleurer et me voient m’inquiéter. Ça me rend mal à l’aise de ne plus être invincible à leurs yeux, mais je me dis qu’au moins, ils savent que tous les êtres humains ont leurs limites et que maman est humaine.

Annie St-Onge