Je suis une maman qui souffre de maladies mentales. Neuf, pour être
Je suis une maman qui souffre de maladies mentales. Neuf, pour être exacte. Tous ces beaux diagnostics m’ont été faits par des médecins spécialistes et une psychiatre. Je ne me suis pas autodiagnostiquée un beau matin en me disant « me semble que ça manque de piquant par icitte! » ou encore pour attirer l’attention. Les maladies mentales, ce n’est mauditement pas une partie de plaisir, surtout quand tu es maman.
Voici ma liste
Troubles anxieux
- L’anxiété généralisée (TAG)
- Le trouble panique
- Le trouble obsessionnel compulsif
- Le trouble de stress post-traumatique
Troubles de l’humeur
Troubles du comportement alimentaire (TCA)
- La boulimie
- L’hyperphagie boulimique
- L’anorexie
Syndrome de déréalisation (DR)
Du plus loin que je me souvienne, j’avais trois ans. Je sentais que ma tête était à côté de mon corps, que mon âme n’était plus là. J’essayais tant bien que mal d’expliquer ça à ma maman, mais dans les années ’80, les maladies mentales « ça n’existait pas ». Elle n’avait jamais entendu de propos comme les miens auparavant. J’ai donc appris très tôt à ne pas parler de mes états d’esprit bizarres. Dans ma tête de petite fille, je sentais que quelque chose clochait, mais qu’il ne fallait pas que j’en parle.
Dans ma maison de jeunesse, toute la nourriture était contrôlée. J’ai souvent volé du p’tit change à mon père pour aller acheter un gâteau McCain au dépanneur et le bouffer au complet dans le parc. Mes crises de boulimie n’étaient pas toujours liées à des gros binges. Parfois, une pomme pouvait être « de trop » et déclencher des épisodes de vomissements. Et vers 17 ans, j’ai cessé de manger puis j’ai débuter l’entrainement excessif, soit environ plus de quatre heures par jour, à tous les jours. J’étais en surpoids XXL et en quelques mois à peine, j’avais perdu plus de 100 lbs. Pis un matin, j’avais faim. Je suis allée à l’épicerie et j’ai acheté tout ce qui s’y trouvait. C’est assise dans mon char que j’ai tout engouffré jusqu’à ce que la culpabilité embarque et que la poubelle d’un parc accueille mes vomissements. L’engrenage a ainsi commencé.
Fastforward ça à l’automne 2007. C’est assise ben amochée, sur un coin de rue dans un quartier quelconque de Manhattan, avec mon amoureux (futur mari et père des deux fruits de mes entrailles) que j’ai avoué, pour la première fois, souffrir de troubles alimentaires. À notre retour à Montréal, nous en avons reparlé et il a dit une phrase qui restera marquée forever dans mon esprit « Imagine si nous avons des filles plus tard et que tes troubles alimentaires deviennent les leurs… » #BestHusbandEver
C’est alors que j’ai entrepris ma première thérapie à vie. Au début, je l’ai faite pour lui et pour nos futurs enfants, mais éventuellement, je l’ai faite pour moi. Une thérapie qui a duré deux ans et qui m’a coûté 15 000 $. J’étais à la clinique, en thérapie de groupe ou individuelle de 9 h à 16 h , puis à 17 h, je travaillais comme barmaid au centre-ville jusqu’aux petites heures du mat’, du lundi au vendredi. Faut VRAIMENT vouloir guérir. Mais en guérit-on vraiment? À 36 ans, mon problème principal est l’hyperphagie boulimique, qui est officiellement reconnue dans le DSM-5 comme une entité clinique distincte tout comme l’anorexie nerveuse et la boulimie. En gros, il s’agit de compulsion alimentaire. S’empiffrer de 40 biscuits soda, suivi de 400g de noix pis de la plus grosse portion de salade que t’as vu dans ta vie, en moins de 15 minutes, c’est du déjà-vu pour moi. Suite à la recommandation de ma psychiatre, je vais commencer une thérapie dans les prochaines semaines au CLSC avec une psychologue spécialisée en TCA.
C’est suite à l’accouchement de ma deuxième que l’anxiété refoulée depuis 30 ans s’est décidée à sortir, chapeaux et trompettes, pour faire une entrée crissement remarquée. J’ai tellement eu peur de mourir de complications post-accouchement… Faque quand ta plus grande peur en tant que TAG est de mourir, le cocktail n’est pas super winner. À l’hôpital, j’ai eu des moments de névrose, où j’étais certaine qu’un maniaque viendrait tous nous tuer dans notre chambre. Tout ça se passait dans ma tête et ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai avoué à ma psychiatre ces moments de folie. Malgré que je fusse médicamentée depuis environ quatre ans et que je croyais mes crises sous contrôle, ce choc post-traumatique a éveillé en moi du gros caca mou dans l’cerveau.
J’ai consulté une psychologue qui traitait l’anxiété par l’hypnose. Ça n’a rien à voir avec ce que Messmer fait sur scène, là. Je n’ai jamais fait le poulet en criant des mots bizarres. Je suis plutôt retournée très loin en arrière et j’ai fait la paix avec ben ben des bibittes que je trainais depuis trop d’années. J’ai aussi consulté une deuxième psychologue, cette fois en méditation pleine conscience. Cette technique peut paraître bien simple, genre « Vis le moment présent, allumes de l’encens pis chantes kumbaya », mais c’est complexe pas à peu près de s’arrêter un moment quand ton brain lui, pourrait faire 74 marathons les uns en arrière des autres. Ces deux thérapies ont changé ma vie.
Après avoir passé l’été dernier à tester différents médicaments (call me : Rat de laboratoire), nous avons finalement trouvé LE grand gagnant. Ma dose de médoc est forte, pis c’est À VIE. J’entends souvent « Ça va passer, c’était une période difficile! », mais je vous confirme que non, ça ne passe pas. Il y a un déséquilibre chimique dans mon cerveau. Je suis née comme ça et je vais mourir comme ça. Le côté positif est que je suis à l’écoute fois 1000 de mes filles. Je connais ça l’anxiété, la souffrance mentale, l’hypersensibilité et la pauvre estime de soi. J’ose croire que la vie m’a choisie pour être la maman de ces deux grenouilles pour une raison simple : je suis la meilleure pour elles. Elles sont LA raison pour laquelle je me bats contre la stigmatisation.
Ce que je comprends des maladies mentales, c’est qu’elles font partie de moi, mais je ne suis pas elles. Ce qui me pousse dans le dos tous les jours, ce sont mes enfants. Je ne veux en aucun cas minimiser la maladie mentale chez un « non-parent », LOIN DE LÀ. La réalité est simplement différente. Faire une crise de panique où tu es certaine que tu vas mourir dans les dix prochaines secondes, en face de tes kids, ce n’est pas super évident à gérer. Les palpitations cardiaques excessives, les tremblements, les douleurs thoraciques, les nausées, les étourdissements, les engourdissements et picotements, ce sont tous des symptômes de mon quotidien. Ma grande sait que maman a des bobos dans sa tête et je ne lui cacherai jamais ces derniers. La petite, elle, ne comprend pas encore. #CestBeaulInnocence
Depuis deux ans, je réalise tous les tabous derrière les maladies mentales. Je me trouve souvent chiante de parler tout haut de ce dont personne n’ose parler, mais c’est important. La stigmatisation doit cesser. Il faut de tout pour faire un monde, peu importe ton sexe, ton orientation sexuelle, ta religion, ta stabilité psychologique, ton handicap ou ta couleur de peau. Si nous avions un peu plus de compassion les uns pour les autres, la terre se porterait beaucoup mieux.
N’hésitez pas, allez chercher de l’aide :
Clinique BACA
ANEB Québec
Mindspace clinic
Psychologie Montréal
Calm