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Rentrer au Canada, déjà?

Le bonheur n’est ni dans l’être ni dans l’avoir. Il est dans l’action, dans le plaisir

Le bonheur n’est ni dans l’être ni dans l’avoir. Il est dans l’action, dans le plaisir et dans l’amour.

(André Comte-Sponville)

 

Les vibrations de mon cellulaire me tirent de ma rêverie sous l’oranger…

 

C’est mon amoureux au téléphone : « Eli, es-tu bien assise? J’ai une grosse nouvelle à t’annoncer. »

Moi : « Oui, bien sûr, je t’écoute. »

Mon amoureux : « L’Armée veut nous ramener au Canada un an plus tôt que prévu. »

 

Aux côtés d’un(e) militaire qui se dévoue pour sa patrie, il y a généralement un(e) conjoint(e) et des enfants qui le soutiennent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une famille s’expatrie pour le travail.

 

La nouvelle me fait l’effet d’une grande bourrasque. J’ai le souffle coupé. Trop d’air tout d’un coup. Le vent m’entraîne vers le haut. Je monte… monte… monte… sur la crête d’une vague immense. Et pendant l’ascension, mon cœur se gonfle… gonfle… gonfle… Se gonfle de quoi? Se gonfle de joie! Oh que oui!

 

Je suis presque aussi excitée d’apprendre notre retour au Canada que je l’étais d’apprendre notre départ en Italie! Contente de partir à l’aventure, mais tellement heureuse d’en revenir!

 

Je n’ai aucun regret d’être venue vivre trois ans (oups, deux ans!) en Italie. Mais c’est fou à quel point une expérience peut être dure et fabuleuse tout à la fois… En tant que parent, vous arriverez sûrement à me comprendre facilement parce qu’avoir des enfants entre définitivement dans la même catégorie insensée.

 

Oui, je le ferais encore. Je serrerais les dents à travers les instants plus éprouvants et je savourerais les beaux moments. Comme le philosophe André Comte-Sponville nous le rappelle si bien, ce n’est sûrement pas dans l’avoir que l’on trouve le bonheur ni même dans l’être (il suffit de passer vingt-quatre heures en tête-à-tête avec soi-même pour vite le réaliser), mais bien dans l’agir. C’est tout ce qu’on a fait en Italie qui nous a permis d’en ressortir plus forts. Les voyages à travers l’Europe, l’école à la maison, le bénévolat dans un refuge canin, notre implication auprès de la communauté canadienne, les cours d’italien, les sorties en bateau avec nos voisins, les amitiés développées… et même : l’écriture de billets pour les lecteurs de Ma Famille Mon Chaos!

 

Nous rentrons à la maison mûris et plus solides. Peut-être juste un peu plus fragiles pour affronter les prochains hivers canadiens… Je crois que j’aurais préféré ne jamais réaliser à quel point les Québécois se font rouler! Dame Nature est si clémente à Naples avec ses printemps verts, ses étés ensoleillés, ses automnes et ses hivers doux. Comment arriverai-je à supporter maintenant, les printemps gris : synonymes de sloche, de bouette et de pluie? Les étés inconstants et les hivers si frettes que la batterie de notre téléphone rend l’âme dès qu’on le sort de notre poche? C’est sûr que ce sera dur de renoncer au climat méditerranéen après y avoir goûté. Même si nous sommes heureux de rentrer au Canada, nous ne serons plus jamais tout à fait les mêmes Canadiens.

 

Elizabeth Gobeil Tremblay

Maman, tu dois réaliser ton rêve

Aujourd’hui, je fête mes 34 ans en Italie. J’ai choisi mon gâ

Aujourd’hui, je fête mes 34 ans en Italie. J’ai choisi mon gâteau de fête et je n’ai aucune idée de ce qu’il va goûter, c’est fantastique! Devant une sculpture, j’ai ri aux éclats avec mon coco de six ans qui venait de remarquer « qu’ils ont caché le pénis du monsieur avec une feuille d’érable ». Je fais le plein de soleil sous le climat méditerranéen. J’ai l’impression que je fonctionne à l’énergie solaire et que mes batteries étaient déchargées depuis des années.

Je suis heureuse et, curieusement, je trouve ça plus dur à décrire que le malheur. Pourquoi est-ce si difficile de capter la beauté d’un moment alors que le sombre, lui, semble couler de source? Saigner sur le papier, le mouiller de ma peine ou l’imbiber de mon anxiété me semble naturel. Le bonheur, lui, est comme un papillon fugitif que je cherche à attraper pour pouvoir le raconter. Probablement que la différence est là. Je le cherche à l’extérieur alors que mes larmes, elles, viennent de moi. C’est peut-être aussi une question de pudeur. Étaler sa joie devant les autres, est-ce que c’est manquer de délicatesse envers ceux qui souffrent, ceux qui n’ont pas notre chance?

Beaucoup de gens font un bilan au jour de l’An. Moi, c’est toujours au moment de mon anniversaire que j’ai l’humeur au questionnement. Cette année, devant ma banderole « Buon compleano », j’ai vraiment l’impression d’être à l’endroit (mental et physique) où je dois être.

Et pourtant, il y a un an, j’avais officiellement renoncé à vivre en Europe. Le moment de poser notre candidature pour ce poste à Naples était arrivé. Ce moment qu’on attendait depuis dix ans. Les étoiles étaient alignées. Il était l’heure de mettre notre nom dans le chapeau, mais nous venions de décider de passer notre tour. Notre rêve, nous l’avions mis de côté. Pourquoi? Parce que notre fils aîné ne voulait pas en entendre parler. Oui, j’avais envie de déménager en Italie. Mais non, je ne voulais pas l’imposer à mon 9 ans. Et ce n’était probablement pas la meilleure décision. Mais c’était une décision de survie. Nous choisissions la paix familiale (qui est loin d’être sans valeur en passant).

Quand j’ai expliqué à une amie que j’avais abandonné l’idée de l’expatriation et que je vivais le deuil d’un rêve, mon fils a entendu notre conversation. Lorsque ma copine est partie, il m’a dit « Maman, tu dois réaliser ton rêve. » Il n’avait pas vraiment plus envie de déménager de l’autre côté de l’océan, mais il avait cessé de se braquer contre l’idée. Il acceptait de chercher le positif dans cette expérience au lieu de se concentrer sur le négatif. C’était tout ce qui nous manquait pour nous lancer.

C’est donc grâce à cette petite phrase que je me retrouve ici, un an plus tard. Est-ce que c’était si important que ça de réaliser ce rêve-là? Je ne le sais pas encore. Mais ça me fait me sentir vivante (ce n’est pas rien quand même!) Il était facile pour moi, au milieu de la trentaine, de naviguer dans ma zone de confort. La vingtaine m’avait balancé défi après défi : trouver l’homme qui partagerait ma vie, graduer de l’université, débuter ma carrière, acheter ma première maison, me marier, avoir des enfants… J’avais créé la vie que je voulais et maintenant, je me permettais de surfer là-dessus. Déménager en Europe, c’est un plongeon dans l’inconnu. Une nouvelle occasion de vivre tout plein de premières fois. Ça fait peur, mais c’est exactement cette peur qui rend l’expérience si excitante. Je suis reconnaissante envers mon grand garçon de m’avoir encouragée à quitter ma routine. Et même si c’est plus difficile à exprimer, je vais continuer à essayer de décrire et partager, du mieux que je peux, toute la joie que je peux ressentir ici.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Suivez le guide! Et si le guide était perdu?

Après deux semaines en Italie, le moral des troupes a chuté. D’a

Après deux semaines en Italie, le moral des troupes a chuté. D’abord, c’est mon 9 ans qui s’est retrouvé avec la boule au ventre et ensuite, c’est mon 6 ans qui a fondu en larmes : « Maman, je m’ennuie de mes amis! Ici, il n’y a que mes parents et mon frère à qui je peux parler. Nos voisines, je ne les comprends même pas! »

Ils étaient si beaux à voir, mes cocos, depuis notre arrivée. Enthousiasmés par leurs découvertes, photographiant les insectes les plus étranges, goûtant à de nouveaux mets (mon aîné a mangé de la pieuvre le premier soir)… Ils voulaient tout essayer et s’amusaient à comparer le Canada et l’Italie (l’Italie gagnait très souvent). Ils étaient excités par l’aventure et faisaient déjà beaucoup d’efforts pour apprendre l’italien et pour s’adapter au fait que leur confort avait été compromis.

Mais aujourd’hui, ils semblent être passés à une autre étape et maman est là pour les aider à comprendre ce qui leur arrive, à dénouer avec eux les cordages de leur intérieur. Creuser avec mon 9 ans pour identifier que c’est la perte de sa routine qui fait qu’il est soudainement gagné par l’anxiété. Laisser mon 6 ans exprimer sa déception face à la barrière de la langue. Leur offrir un endroit où déposer leur tristesse, leur peur, leur frustration. Écouter et accepter que ce soit comme ça pour le moment, que ce soit normal. Et lorsque je les sens prêts, distribuer également quelques encouragements.

Mes propres désillusions d’expatriée sont éclipsées par celles de mes garçons. Qui a le temps de gratter ses propres blessures alors que sa progéniture souffre? La principale émotion qui m’envahit présentement est l’inquiétude. J’ai peur de ne pas bien les accompagner. J’ai toujours aimé cette image du parent qui joue le rôle d’un guide en pays étranger pour son enfant. En bonne guide, j’aidais mes fils à naviguer à travers eux‑mêmes et à travers les coutumes de l’homme moderne. Ici c’est l’inconnu, autant pour eux que pour moi. Je découvre tout en même temps qu’eux et je crains de ne pas être à la hauteur.

Quand ce petit bonhomme me réclame ses amis, ou de nouveaux amis, je sais qu’il me crie un besoin fondamental. En tant que parent, c’est ma responsabilité de m’assurer que ses besoins sont comblés. Il y a le toit à fournir, le garde-manger à remplir, les vêtements à choisir (haha! Bon, ça je lui laisse!) et son petit cœur à emballer avec de belles rencontres. Je connais l’importance des liens que l’on crée. J’ai toujours joué mon rôle de facilitatrice et je compte continuer à l’assumer. Au Québec, j’avais fait mes preuves, mais est-ce que j’y arriverai ici?

C’est tellement difficile d’avoir l’impression que les gens doutent de nous. Notre entourage au Québec s’était habitué à notre décision de faire l’école à la maison. Depuis deux ans, on vivait cette aventure avec beaucoup de plaisir. Ici, je recommence à expliquer, justifier, informer… et je finis par tout remettre en question moi aussi! J’aimerais que l’instruction en famille soit considérée comme un choix parental parmi tant d’autres (au même titre que l’allaitement ou le biberon, une famille nombreuse ou un enfant unique, une maison à la campagne ou une vie urbaine…) Notre choix n’a pas à être le meilleur ou à convenir à tous. Je ne connais pas beaucoup de situations où tout est noir ou tout est blanc. On nage en zone grise la plupart du temps… L’éducation ne fait pas exception.

Oui, ça m’angoisse de voir mes enfants vivre une épreuve mais, en même temps, je me rappelle que c’était l’objectif premier de toute cette entreprise : bouleverser nos habitudes et explorer un environnement différent. Alors dans ce cas, il ne me reste plus qu’à être cohérente et à accepter ce qu’on a à traverser. Nous faire confiance et nous accorder le temps qu’il faudra pour notre adaptation.

Elizabeth Gobeil Tremblay

Au revoir, les copains!

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Fin d’année scolaire. Début des vacances. Ligne de départ de la valse des déménagements. C’est le temps des au revoir pour plusieurs, des adieux pour certains.

Ce soir pour nous, c’était le temps des derniers câlins avant la longue route de nos amis. Une famille adorable, inspirante, avec un papa militaire, une maman qui se dévoue à ses enfants en leur enseignant à la maison, bien entourée de toute une communauté engagée, et deux garçons charmants et enjoués. Et cette famille, on l’aime. Cette famille, on la connaît depuis près de vingt ans. Une amitié choisie, adoptée, et retrouvée au fil des détours entraînés par la carrière militaire. Une famille qui s’envole dans quelques jours vers l’Italie, où elle vivra pendant les trois prochaines années.

Ils ont choisi de se lancer dans l’aventure de vivre à l’étranger. Ils ont pris le risque de donner leurs noms, de répondre à tous les questionnaires, de rencontrer toute la hiérarchie qui allait décider de leur sort : partiront, partiront pas. Des mois de « on ne sait pas », de « on attend », de « on devrait le savoir bientôt ». Et puis, un jour, plus tard que tôt, un message officiel qui leur annonce qu’ils sont cette famille sélectionnée parmi tant d’autres, qui déménagera ses pénates à Naples.

La folie des démarches et des périodes d’attente reprend de plus belle : maison à louer, quartiers à visiter, vols à réserver, visas à commander. Vendre la maison ou la louer? Pour le savoir, il faut déjà s’imaginer dans trois ans, alors qu’il est si difficile de s’imaginer dans quelque temps de l’autre côté de l’océan. Entre deux arrangements, il faut préparer les enfants mentalement : ça fait beaucoup à avaler en si peu de temps.

Et puis, il faut se départir de plusieurs objets, élaguer ce qu’on possède, faire de la place pour les nouvelles expériences. Oui, bien sûr, la voiture et les vélos suivront (ils arriveront dans quelques semaines après une lente traversée des marées), mais a-t-on vraiment besoin de tous ces livres et de ces jouets accumulés? Merveilleuse occasion de désencombrer, de choisir ce qui nous tient vraiment à cœur et ce dont on a réellement besoin au quotidien.

Même chose avec les amitiés. En quelques semaines, on veut s’organiser pour voir tout notre monde, mais à un certain moment, il faut couper le cordon. Il faut dire aux enfants : « Maintenant mon coco, c’est le temps du dernier câlin. À la prochaine visite, tu sauras parler italien! » Il faut aussi se dire à soi-même, à l’adulte en nous qui retombe parfois en enfance : « Ça va aller. Les amis fidèles demeurent malgré le temps qui passe et la distance. »

Câlin, câlin, bisou, bisou. On se souhaite bonne chance, on se comprend parce qu’on est déjà passés par un chemin similaire (l’Alberta, c’est moins exotique que l’Italie, mais c’est presque aussi loin!). On retient une larme, on force un sourire, et quand on se retourne, on voit le dos courbé de notre petit bonhomme. Lui qui calcule tout le temps, il doit bien se dire, du haut de ses six ans : « Je vis depuis six ans. Je connais mes amis depuis trois ans. Trois ans, c’est la moitié de six. J’ai passé la moitié de ma vie près d’eux. Et maintenant, ils partent pour trois ans. C’est une autre moitié de ma vie. C’est vraiment ça, l’amitié? Se dire au revoir pour plusieurs années? »

Et comme lui, on a le goût de bouder, de faire la moue. Dire au revoir aux copains, ce n’est pas jojo, que ce soit à six ans ou à quarante ans.

À vous qui partez vivre un rêve à l’étranger : profitez de chaque moment (je n’en doute même pas!). On se retrouve dans quelques années avec plein d’histoires à raconter!

 

Nathalie Courcy