Des mini humains sans masque – Texte : Mélanie Paradis
Ce matin, j’accueille une petite cocotte en larmes. Elle ne veut pas quitter maman, elle lui tient fermement le cou. Je lui parle doucement et je lui promets un moment de câlins avec doudou et mon amie la chaise berçante. Elle enfouit sa tête dans mon épaule, et par le fait même essuie son nez sur mon chandail au passage. Je sens l’humidité de mon épaule, un mélange de morve et de salive. Ma priorité n’est pas de me changer, non ! Je dois redonner le sourire à cette jolie petite puce, la rassurer, la calmer. Je porte mon masque, mes lunettes. Je ne sais pas trop si je suis protégée. Après deux sorties du gouvernement à propos des masques non conformes… j’ai un doute.
Plus tard dans la journée, j’aide un de mes mini-humains à découper. Je n’ai pas le temps de le voir venir, mais il éternue directement vers mon visage. Super ! Je change de masque, je m’essuie le visage, désinfecte mes lunettes et retourne à la supervision du découpage.
Lucie (nom fictif) est moche aujourd’hui. Elle joue mais elle n’a pas sa bonne humeur habituelle. Après la sortie extérieure, son petit nez coule. Pour le moment, je ne m’en formalise pas, nous étions dehors. Peut-être que la chaleur de la garderie en est la cause. Elle a deux ans, naturellement son premier réflexe est de s’essuyer le nez avec sa manche, qui bientôt est bien remplie. Oups… après le dodo, une petite fièvre s’installe. J’appelle les parents. Malheureusement, je dois la retirer du groupe.
Je retire de la salle tous les jouets qu’elle a pu toucher. Je dois soit les mettre en quarantaine soit les désinfecter pour les remettre. Dans les deux cas, je les manipule. J’ai les mains qui brûlent et piquent. Je les lave tellement souvent, j’utilise le désinfectant avec alcool dans les situations où je n’ai pas accès à un lavabo et à du savon.
Je m’inquiète un peu, je n’ai aucun contrôle sur la vie des familles qui fréquentent mon groupe. J’espère qu’elles respectent les consignes de la santé publique. Je n’ai pas envie d’exposer ma famille.
Chaque jour, je travaille avec mes mini-humains qui eux ne portent pas de masque. Maintenant, on nous dit que les variants s’attaquent aux plus jeunes. Chaque jour, je m’expose. Combien de corps de métier doivent travailler plus de 8 heures par jour avec 8 personnes qui ne portent pas le masque ?
J’aimerais être rapidement vaccinée. Pour me protéger, protéger les miens.
Parce que bien que j’aime mon métier, depuis un an, je travaille chaque jour dans la crainte.
Mélanie Paradis
Éducatrice