Groupes d’entraide sur le web : Quand les amitiés virtuelles deviennent réelles

Seriez-vous prête à donner votre lait maternel au bébé d’une voisine qui en a besoin? Accueilleriez-vous dans votre maison une personne que vous n’avez jamais vue? Oseriez-vous réserver une cabane à sucre pour quinze mamans et autant d’enfants atteints de terrible-two aigu?

Dans les dix dernières années, j’ai rencontré des humains magnifiques en dedans comme en dehors (le cliché n’est même pas subtil, mais c’est quand même ça) sur les pages virtuelles de forums de soutien. Pendant les années afghanes, je m’étais inscrite à un forum de discussions regroupant des conjointes de militaire. Il y a six ans, j’avais commencé à discuter avec un groupe de mamans qui allaient accoucher en janvier 2011 et qui échangeaient sur le site de Canal Vie. Ces groupes ont fermé. Les relations ont duré.

Nous sommes encore une vingtaine de femmes, conjointes de militaire, ex-conjointes de militaire ou conjointes d’ex-militaire, à rester en contact. Nous nous sommes rencontrées à l’occasion, nous avons approfondi notre relation avec certaines. Il nous est arrivé, lors d’un déploiement ou d’une mutation hors province, de développer des amitiés plus solides et un soutien concret.

Garder un bébé pendant que la maman visite des maisons dans une nouvelle ville. Apporter un sac rempli de bons petits plats pour la famille grippée. Donner une référence pour une compagnie de ménage ou pour l’homme à tout faire le plus fiable du coin. Accourir dès que le téléphone sonne : « Je ne sens plus mon bébé bouger et mon mari n’est pas là » ou « ça ne feel vraiment pas ce soir, j’ai les blues ». Clavarder sur Facebook jusqu’aux petites heures du matin parce qu’on sait qu’on est comprise sans jugement. Des femmes en or, chacune avec sa personnalité et son histoire. On ne s’entend pas bien égal avec tout le monde, bien sûr. Mais c’est une grande famille avec des liens tissés avec du barbelé.

Certaines ont perdu leur mari à cause d’un divorce, d’une mine antipersonnel ou des cauchemars provoqués par le syndrome de stress post-traumatique. Certaines se sont mariées et ont invité des amies du forum. Plusieurs nous ont annoncé en primeur qu’elles étaient enceintes, en attendant de pouvoir partager la nouvelle avec leur amoureux par Skype quand il reviendrait à la base principale. Nous avons tout vécu ensemble, mais à distance. Nous comprenons nos hauts, nos bas, nos délires d’humour et nos histoires d’amour.

Aux alentours de janvier 2011, le forum des mamans de janvier a explosé d’histoires d’accouchements, toutes uniques et touchantes. Les conseils, les questionnements et les photos se faisaient aller sur les écrans d’ordinateur! Pendant qu’une allaitait son bébé pour la vingtième fois de la nuit, le regard perdu et le sommeil oublié, une autre lui rappelait que c’était un pic de croissance et que ça passerait. Deux mamans se donnaient rendez-vous pour aller user les pneus de leur poussette plutôt que de s’isoler chacune de son côté. Un petit groupe préparait une fête au resto ou au parc, histoire de parler autrement qu’en bébé.

J’habitais en Alberta à ce moment, mais l’énergie des mamans se rendait jusqu’aux Rocheuses. Le forum, c’était comme un service d’appel vingt-quatre sur vingt-quatre. Avec en prime, des rires, des émotions (mettez cinquante mamans post-accouchement ensemble… ça se remplit d’hormones assez vite!), des idées, de l’entraide.

Nos bébés de janvier 2011 viennent d’entrer à la maternelle. Le défunt forum a laissé place à une page Facebook et à des rencontres en personne. On partage les photos de nos cocos, on constate jusqu’à quel point ils ont grandi, on annonce la première dent perdue ou le premier petit chum. C’est léger et profond à la fois.

Il y a quelques semaines, un des bébés de janvier 2011 a eu en cadeau une petite sœur, belle comme une pivoine et pétante de santé. Mais voilà, la petite sœur a été hospitalisée d’urgence il y a quelque temps. Diagnostic : malformation cardiaque. À quelques reprises, elle a failli quitter sa famille en emportant avec elle tout l’avenir qu’elle représentait. Panique. Incompréhension. Épuisement. La petite ne pouvait plus téter, la maman n’avait pas de réserve de lait, le stress diminuait sa production…


Dites-moi…

 

Ça vous étonne qu’une des mamans de janvier 2011 qui venait aussi d’accoucher ait offert de donner son lait à la petite cocotte, le temps que la maman se remette de ses émotions ?

Et que les amies virtuelles se soient cotisées pour faire livrer des repas chez les parents éprouvés ?

 

Le lien peut bien être virtuel, mais l’amitié, elle, est bien réelle.

 L’entraide va bien au-delà d’un « www. Les forumeuses. Je vous amitié! »



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