Mon éternel printemps

Bel enfant,

Toi, tu ne réalises pas combien la vie a changé. C’est ton premier printemps. Les oiseaux commencent à chanter, la neige fond, le soleil se pointe le bout du nez un peu plus souvent. Si seulement tu pouvais vivre ce premier printemps dans le calme, la douceur et l’éveil de l’âme qu’amène la venue de cette saison tant attendue.

Malheureusement, mon amour, tu dois sentir que quelque chose ne va pas comme à l’habitude. Je voudrais bien pouvoir t’expliquer tout ça, mais je n’arrive même pas moi‑même à réaliser que la terre tourne au ralenti en ce moment. Je ne me souviens plus tout à fait quel jour le chaos s’est installé autour de nous. Il me semble que c’est loin derrière. Pourtant, c’est tout récent.

Toi tu ne le vois pas, nous non plus d’ailleurs, parce que l’ennemi est invisible. Depuis qu’il est là, les gens ont changé. L’incertitude, la méfiance, l’anxiété se sont installées dans nos têtes, nos cœurs et nos maisons. C’est de plus en plus chacun pour soi. Pourtant, j’aimerais t’apprendre mon bébé que c’est dans ces moments qu’on a le plus besoin les uns des autres. Qu’ensemble, on réussit souvent à mieux ramer dans la tempête. Tu sais, il y a heureusement toujours de belles personnes qui parsèment le monde de leur bonté et de leur espoir. Parce qu’il y a toujours des gens qui réussissent à faire du beau avec le laid qui les entoure. C’est sur ces personnes que je tente de me concentrer ces jours‑ci.

Malgré tout, je dois te dire qu’il y a des jours où l’avenir me fait peur à moi aussi. Depuis ta naissance, quand je pense à l’avenir, je pense surtout à toi. J’imagine ton futur : tes saisons qui reviendront et j’espère qu’elles seront plus belles que ton premier printemps. Je veux pour toi un monde qui te permettra de grandir, de t’épanouir, de rire, mais surtout de rêver. Je veux pour toi un avenir où tout sera à ta portée, mais il y a des jours où je me demande vers où notre bateau collectif s’en va. C’est comme si on ne ramait pas tous dans la même direction et je le réalise particulièrement pendant qu’on est au cœur de cette crise.

Mais tu sais, je me dis qu’il faut parfois une grande crise pour atteindre le fond et se relever. C’est ça aussi le printemps : renaître après le vent glacial qui a refroidi nos cœurs. C’est peut‑être ce qui arrivera pour nous quand tout ça sera terminé ? Je me dis qu’on aura sûrement appris que rien n’est acquis et que notre vie qui tourne à trois cents miles à l’heure n’est peut‑être pas si importante finalement quand on n’a pas le temps de la vivre. On le réalise, tu sais, quand on est obligé de s’arrêter et de revenir à l’essentiel. Et l’essentiel j’espère qu’on ne l’oubliera pas de sitôt.

Je le sais, tu dois ressentir que ces temps‑ci, le cœur de ta maman bat un peu plus vite, ses yeux semblent plus préoccupés et parfois, ils se remplissent de larmes. J’arrive à peine à voir la fin de ce malheur qui tombe sur nos têtes. Surtout, ça me chavire le cœur de voir tous ces gens autour du globe qui vivent des épreuves inhumaines loin des leurs.

Malgré tout, j’essaie de t’offrir le plus beau des printemps. Celui qui rafraîchit le cœur, celui qui nous fait redécouvrir le monde. J’ai envie que tu saches que c’est grâce à toi que je réussis à rester dans le moment présent. Parce que toi, tu ne connais que le moment présent. Merci, mon enfant, d’être là, à ce moment précis dans ma vie ; tu me fais fleurir moi aussi.

Puisque je réalise que ce qui nous attend demain est toujours incertain, j’apprends à ne plus tenir les choses pour acquis. Je profite de tout ce renouveau que tu m’offres. Je ne me tannerai jamais de te voir découvrir le monde avec tes grandes perles bleues à grands coups de sourires. Et ces moments, j’essaie de les garder près de mon cœur pour m’en souvenir malgré le temps qui file bien vite entre mes doigts.

Mon bébé, même si demain le printemps n’est plus comme avant, il y aura toi. Tu seras mon éternel printemps !

Catherine Desgroseilliers



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