Toxicité

J’ai quitté une relation toxique. Aux yeux de tout le monde, nous étions le couple parfait. En public, on riait ensemble, on passait notre temps à s’obstiner, pour tout et pour rien. On avait une belle complicité, ça oui. Mais en privé, je vivais constamment de l’insécurité. L’alcool tuait notre couple à petit feu.

–         Si t’es pas contente, tu sais quoi faire. On a juste une vie à vivre pis moi j’ai du fun.

C’était sa réplique depuis plusieurs années. J’étais toujours stressée quand je le voyais prendre une bière parce que je savais qu’il n’arrêterait pas avant de toucher le sol. Il y a eu quelques épisodes d’agressivité au fil de ces années où on semblait vivre le bonheur aux yeux des autres. Des fois, il me réveillait pendant la nuit pour me menacer de me frapper. D’autres fois, il m’accotait dans le mur pour me menacer de m’arracher la tête en me disant que j’avais un sale caractère et qu’il n’était plus capable de m’endurer parce que c’était moi qui le rendais agressif et qu’à ce moment‑là, ce trop-plein devait sortir. Mais aux yeux des autres, on était le couple parfait. Personne n’a vu venir notre séparation, on était si « parfaits ».

Mais moi, de l’intérieur, je mourais à petit feu. J’avais toujours peur lorsqu’il levait le coude.

Bien sûr, je lui en avais parlé. Il me disait qu’il avait changé, que ça n’arriverait plus. En effet, quelques années ont passé sans violence mais ma crainte, elle, n’est jamais partie. Sa consommation d’alcool n’a jamais diminué par contre, au contraire. Et ma crainte augmentait sans cesse. Je me disais qu’un jour, ça finirait encore par éclater.

Lorsqu’il buvait trop, je feignais de dormir pour éviter de lui parler. Parce que selon lui, je provoquais toujours la chicane. De cette façon, je n’endurais plus ses excès d’alcool. Mais j’angoissais. Beaucoup. J’avais toujours peur qu’il essaie de me parler même si j’étais censée dormir et j’attendais. J’attendais qu’il finisse, lui, par s’endormir. Parfois, ça prenait presque la nuit au complet. Il était tenace. Il buvait beaucoup, même la semaine. Donc, j’attendais toujours qu’il s’endorme avant moi pour que je puisse finalement dormir… en paix. Avoir la paix, ça n’a pas de prix.

Des fois, avec à peine trois heures de sommeil, j’allais travailler. C’était comme ça plusieurs fois par semaine. Je n’en pouvais plus mais en public, je souriais.

–         Vous êtes tellement beaux ensemble ! Vous allez faire votre vie ensemble, c’est impossible que vous vous sépariez, vous êtes un modèle !
Je l’ai entendu souvent et à chaque fois, c’était un coup de couteau de plus dans le cœur. « Si seulement tu savais ».

Les mois passent, j’ai encore cette insécurité et pourtant, il n’est plus là. Est‑ce qu’il va venir cogner à ma porte, un soir, à cause de l’alcool ? J’ose espérer que non, mais c’est plus fort que moi, j’y repense souvent et j’en fais parfois des cauchemars.

Un jour, je retrouverai pleine confiance et je n’y penserai plus.

Eva Staire

 

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