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Ne méprisez pas nos anges gardiens

J’ouvre la télévision. Je vous vois et vous entends, vous qui bl

J’ouvre la télévision. Je vous vois et vous entends, vous qui blâmez le système de santé présentement, dans la pleine folie à laquelle nous faisons face tous ensemble.

Je vous entends et je tiens à vous dire qu’une partie de moi vous comprend, mais qu’une autre vous méprise. Malheureusement…

Vendredi dernier, le 3 avril 2020, j’ai perdu mon papa. Non, il n’était pas censé nous quitter!

Il était jeune et en excellente forme à son entrée à l’hôpital. Il est entré dans cette aventure de greffe de moelle osseuse avec une seule pensée : sortir de là et vivre sa retraite tant méritée avec sa famille et ses amis.

Seulement, des complications ont pris le dessus de son corps, si fragile.

Le virus qui s’est invité dans ses poumons, alors que ses soldats reformaient une équipe solide pour son futur, a eu le dessus sur lui.

On m’a donc appelée, le 3 avril dernier, pour me dire que si je voulais venir voir mon père, lui parler et lui dire au revoir, c’était le moment.

J’ai eu la chance, dans cette frénésie actuelle, d’être avec mon père pour ses derniers souffles. Bien évidemment, avec toutes les précautions recommandées.

J’ai pu être à ses côtés pour lui souffler à l’oreille quelques paroles. De se reposer, que nous allions nous occuper de notre maman, de sa femme. Que nous, ses enfants, allions nous soutenir et bien nous occuper de sa petite‑fille adorée. Ma fille qui aimait tant son papi.

J’ai pu lui dire que, malgré le fait que je n’ai pas pu aller lui parler doucement à l’oreille pendant qu’il était intubé et dans le coma, j’ai appelé chaque jour et chaque soir de son hospitalisation pour avoir de ses nouvelles et suivre son état de santé.

J’ai pu lui dire que depuis deux semaines, si je ne pouvais pas être à ses côtés pour lui tenir la main et lui dire que tout irait bien, c’est parce que dehors, c’est dangereux. Il y a un virus plus féroce que celui qu’il combattait et qui ne m’aurait peut‑être pas permis de pouvoir lui tenir la main tendrement et de lui dire au revoir s’il l’avait attrapé à cause de mes visites.

Je parle de ma situation. Et voilà pourquoi je vous méprise, vous à la télé qui blâmez le système de santé et les membres du personnel de la santé. Ils se donnent corps et âme en dépit de leur propre santé et de celle de leur famille afin de soigner LA VÔTRE.

Vous qui êtes assis à la maison et vous êtes mécontents de ne pas avoir de nouvelles claires de votre maman, de votre papa, de votre grand-papa, de votre grand-maman.

J’ai passé deux semaines à appeler chaque jour et chaque soir. Pendant ces deux semaines, j’ai eu la chance de parler à des humains plus qu’extraordinaires. Des médecins, des infirmiers, des infirmières et beaucoup d’autres personnes du corps médical, qui prenaient toujours quelques minutes pour m’informer de l’état de mon père. Qui, malgré la charge de travail, m’assuraient que son état était stable et que je pouvais dormir la tête plus légère.

Pendant ces deux semaines, de douces voix me réconfortaient en me disant qu’ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour améliorer l’état de mon père. Qu’ils lui faisaient passer les examens nécessaires pour trouver le problème et tenter de le guérir. Qu’ils n’allaient pas le laisser tomber à cause de la situation extérieure. Qu’ils étaient à ses côtés bien que moi, sa fille, qui était là depuis le début de la maladie, je ne pouvais y être.

Chaque soir, je parlais à des infirmières ou à des infirmiers différents, mais tous se partageaient les mêmes valeurs. On me disait que même si mon papa était dans le coma, ils lui parlaient. Une infirmière m’a même dit qu’elle le soignait comme si c’était son père. Elle lui mettait la radio, sifflait en entrant dans sa chambre et qu’elle lui transmettait mes mots. Ceux que j’aurai aimé lui dire de vive voix.

Chaque matin, la douce voix de son médecin des soins intensifs se faisait rassurante tout en étant honnête. Non ça ne va pas, mais je m’occupe bien de lui. Elle m’assurait que si papa n’était plus en mesure de se battre, elle allait m’aviser pour que je puisse être à ses côtés lors de son départ.

Et vous savez quoi? Malgré le chaos, elle a tenu sa parole. Ils ont tenu leur parole.

Soyez donc certains que d’une façon ou d’une autre, même si ce n’est pas l’idéal souhaité, le personnel fera en sorte que le départ de votre proche soit doux et rassurant malgré le fait que vous ne pouvez pas y être.

Vous savez, je comprends votre peine, votre rage. Mais, au‑delà de votre frustration, il y a des humains extraordinaires, qui font un travail magnifique au détriment de leur santé et de la santé de leur famille. Des hommes et des femmes qui se sentent démunis mais qui jour après jour, s’occupent de leurs patients (vos proches) comme si c’étaient des membres de leur propre famille.

Alors je tiens à vous dire, chers anges gardiens, que grâce à vous, grâce à votre humanisme et à votre bienveillance… Vous avez mis un baume d’une douceur indescriptible sur cette douleur et cette tristesse. Et pour ces raisons, je vous serai éternellement reconnaissante.

Isabelle Nadeau

Les anges gardiens de nos anges gardiens

On parle souvent des anges gardiens, ceux qui font en sorte que les

On parle souvent des anges gardiens, ceux qui font en sorte que les malades sont accompagnés.

Les infirmières, les médecins, les ambulanciers.

N’oublions pas les travailleurs des services d’urgence, pompiers et policiers. Grâce à vous, nous sommes en sécurité.

On parle aussi souvent de ceux qui travaillent dans les services essentiels et qui nous permettent de continuer d’avoir un semblant de vie normale. Bravo à vous tous qui travaillez dans les épiceries, pharmacies, quincailleries, etc. !

On parle de ceux qui effacent toutes traces de ce virus mortel… les gens du service de nettoyage. Parce que vous aussi, vous êtes importants.

Mais qui parle de nos éducatrices et de nos éducateurs qui passent leurs journées avec les enfants des gens qui, eux, travaillent dans les services essentiels ?

Aujourd’hui, j’ai envie de vous lever mon chapeau. J’ai envie de vous dire BRAVO.

Personnellement, j’ai la chance d’avoir mes enfants avec moi à la maison puisque notre travail à mon conjoint et moi n’est pas jugé essentiel.

J’ai parfois l’impression qu’on vous oublie.

La vérité, c’est que je serais incapable de faire votre travail.

Chaque jour de la semaine, vous allez travailler en sachant que vous serez en contact direct avec des enfants dont les parents risquent chaque jour de contracter le coronavirus. C’est pas rien, là ! Vous êtes entourés de jeunes enfants dont les parents travaillent dans les hôpitaux, les pharmacies, les épiceries, etc.

Pensons‑y un instant. On remercie constamment ces gens qui risquent d’avoir la COVID-19 chaque jour, mais vous aussi, vous êtes en contact direct avec des dizaines d’enfants qui ont un point commun : un ou deux parents qui sont à risque élevé d’attraper ce foutu virus.

Bravo parce que vous aussi, vous risquez chaque jour de tomber malades. Vous êtes les anges gardiens de ces enfants et de ces parents qui sont dans des domaines de services essentiels.

Sans vous, je vous confirme que les choses seraient encore plus difficiles.

C’est grâce à vous que des parents peuvent aller travailler avec la tête et le cœur en paix en sachant que leurs enfants sont bien et heureux malgré leur stress pour leur propre santé.

J’ai appris qu’à partir du lundi 6 avril 2020, vous devrez non seulement vous occuper des enfants d’âge préscolaire, mais aussi des enfants d’âge scolaire (jusqu’à 12 ans).

C’est donc dire que vous serez encore plus en contact direct avec des enfants qui risquent d’être infectés. Et vous le ferez, avec un sourire fatigué, avec la peur de tomber malades et de ramener ça chez vous… mais vous le ferez.

C’est sans gants et sans masque que vous cajolerez ces enfants qui s’ennuient de leurs parents qui travaillent fort.

C’est aussi sans gants et sans masque que vous moucherez les petits nez qui coulent. Parce que la distanciation, c’est bien beau d’en parler, mais c’est difficile quand on travaille avec de petits êtres qui ne demandent qu’à jouer et être aimés.

À vous tous et à vous toutes dans les services de garde d’urgence, MERCI !

 

Mon éternel printemps

Bel enfant,

Toi, tu ne réalise

Bel enfant,

Toi, tu ne réalises pas combien la vie a changé. C’est ton premier printemps. Les oiseaux commencent à chanter, la neige fond, le soleil se pointe le bout du nez un peu plus souvent. Si seulement tu pouvais vivre ce premier printemps dans le calme, la douceur et l’éveil de l’âme qu’amène la venue de cette saison tant attendue.

Malheureusement, mon amour, tu dois sentir que quelque chose ne va pas comme à l’habitude. Je voudrais bien pouvoir t’expliquer tout ça, mais je n’arrive même pas moi‑même à réaliser que la terre tourne au ralenti en ce moment. Je ne me souviens plus tout à fait quel jour le chaos s’est installé autour de nous. Il me semble que c’est loin derrière. Pourtant, c’est tout récent.

Toi tu ne le vois pas, nous non plus d’ailleurs, parce que l’ennemi est invisible. Depuis qu’il est là, les gens ont changé. L’incertitude, la méfiance, l’anxiété se sont installées dans nos têtes, nos cœurs et nos maisons. C’est de plus en plus chacun pour soi. Pourtant, j’aimerais t’apprendre mon bébé que c’est dans ces moments qu’on a le plus besoin les uns des autres. Qu’ensemble, on réussit souvent à mieux ramer dans la tempête. Tu sais, il y a heureusement toujours de belles personnes qui parsèment le monde de leur bonté et de leur espoir. Parce qu’il y a toujours des gens qui réussissent à faire du beau avec le laid qui les entoure. C’est sur ces personnes que je tente de me concentrer ces jours‑ci.

Malgré tout, je dois te dire qu’il y a des jours où l’avenir me fait peur à moi aussi. Depuis ta naissance, quand je pense à l’avenir, je pense surtout à toi. J’imagine ton futur : tes saisons qui reviendront et j’espère qu’elles seront plus belles que ton premier printemps. Je veux pour toi un monde qui te permettra de grandir, de t’épanouir, de rire, mais surtout de rêver. Je veux pour toi un avenir où tout sera à ta portée, mais il y a des jours où je me demande vers où notre bateau collectif s’en va. C’est comme si on ne ramait pas tous dans la même direction et je le réalise particulièrement pendant qu’on est au cœur de cette crise.

Mais tu sais, je me dis qu’il faut parfois une grande crise pour atteindre le fond et se relever. C’est ça aussi le printemps : renaître après le vent glacial qui a refroidi nos cœurs. C’est peut‑être ce qui arrivera pour nous quand tout ça sera terminé ? Je me dis qu’on aura sûrement appris que rien n’est acquis et que notre vie qui tourne à trois cents miles à l’heure n’est peut‑être pas si importante finalement quand on n’a pas le temps de la vivre. On le réalise, tu sais, quand on est obligé de s’arrêter et de revenir à l’essentiel. Et l’essentiel j’espère qu’on ne l’oubliera pas de sitôt.

Je le sais, tu dois ressentir que ces temps‑ci, le cœur de ta maman bat un peu plus vite, ses yeux semblent plus préoccupés et parfois, ils se remplissent de larmes. J’arrive à peine à voir la fin de ce malheur qui tombe sur nos têtes. Surtout, ça me chavire le cœur de voir tous ces gens autour du globe qui vivent des épreuves inhumaines loin des leurs.

Malgré tout, j’essaie de t’offrir le plus beau des printemps. Celui qui rafraîchit le cœur, celui qui nous fait redécouvrir le monde. J’ai envie que tu saches que c’est grâce à toi que je réussis à rester dans le moment présent. Parce que toi, tu ne connais que le moment présent. Merci, mon enfant, d’être là, à ce moment précis dans ma vie ; tu me fais fleurir moi aussi.

Puisque je réalise que ce qui nous attend demain est toujours incertain, j’apprends à ne plus tenir les choses pour acquis. Je profite de tout ce renouveau que tu m’offres. Je ne me tannerai jamais de te voir découvrir le monde avec tes grandes perles bleues à grands coups de sourires. Et ces moments, j’essaie de les garder près de mon cœur pour m’en souvenir malgré le temps qui file bien vite entre mes doigts.

Mon bébé, même si demain le printemps n’est plus comme avant, il y aura toi. Tu seras mon éternel printemps !

Catherine Desgroseilliers

Les 10 commandements de la mom en confinement

Nous sommes désormais une majorité à devoir concilier travail et

Nous sommes désormais une majorité à devoir concilier travail et famille à un point qu’on n’aurait peut‑être jamais imaginé. Je ne sais pas pour vous, mais ici, on essaie de concilier, on essaie ben fort, mais par bout, on en arrache solide, soyons francs ! Depuis quelques jours, j’essaie de prendre tout ça avec humour et ça m’a donné envie de vous partager mes 10 commandements pour pas virer su’l top.

  1. Le lâcher-prise, tu appliqueras.

Je vous entends rire… même moi en l’écrivant, j’ai failli m’étouffer. J’ai de la misère à lâcher prise quand ça va bien, alors imaginez‑vous en temps de crise. Mais justement, si c’était le moment idéal ? Y’a des jouets du petit dernier éparpillés à la grandeur de ta maison, les miettes de toast du déjeuner sont encore sur le plancher en fin de journée, ton ado se réfugie dans son bordel dès que l’occasion se présente… ça dérange qui à part toi ? Personne. Tout est dit : arrête de t’en faire pis LÂCHE PRISE !

  1. Monsieur Legault, tu écouteras.

Tu appliques les mesures nécessaires pour protéger ton clan, c’est parfait ! Mais quand le premier ministre te dit qu’un petit verre de vin, ça fait pas de tort, tu dois l’écouter aussi. Anyway, qui sommes‑nous pour contredire les judicieux conseils de notre cher premier ministre ? Couche tes petits, habille‑toi en mou pis décompresse. Faut juste garder en tête qu’il ne t’a pas dit de boire la bouteille… même si des fois, l’envie est forte.

  1. Le guide alimentaire, tu trahiras.

Tu as tout à fait le droit de considérer le grilled cheese au fromage jaune comme un repas complet une fois ou deux dans la semaine. Ça vaut pour tout ce qui prend moins de trois minutes à préparer pis un minimum de vaisselle à laver. Refile trois carottes pis deux tranches de concombres à tes petits pour calmer ta culpabilité pis dis‑leur d’en profiter le temps que ça passe. Tu joueras à Ricardo demain, si ça adonne.

  1. Un moment pour toi, tu trouveras.

Lady Gaga, Katy Perry pis Jennifer Lopez n’attendent que toi pour un meeting entre filles, tu peux même inviter Isabelle Boulay si tu feeles déprimée. Paye‑toi le luxe d’une petite demi‑heure loin de ta marmaille pis va donc faire un tour. C’est simple, tu t’évades en marchant, en courant, en dansant, en braillant, en sacrant, ça te regarde (vas‑y en auto si y faut), mais tu t’évades, ta santé mentale te remerciera.

 

  1. Une vocation, tu ne t’inventeras pas.

T’es pas prof, pas plus qu’éducatrice en garderie. Une maman, c’est pas une G.O. dans un Club Med pis tes p’tits seront pas à plaindre parce que tu leur organises pas douze activités par jour. Laisse‑les donc s’ennuyer un peu, tu vas peut‑être être surprise. Ça se peut aussi que tu sois juste découragée, mais dans les deux cas, tu seras encore et toujours une maman incroyable.

  1. Ton gros possible, tu feras.

Toi pis ton chum, vous faites du télétravail avec des enfants à la maison ? Le bon côté de la chose, c’est qu’on est une méchante gang à faire pareil et ça inclut peut‑être même ton boss. Alors, il te comprend sûrement de ne pas être aussi efficace que d’habitude. Entre le besoin d’attention de l’un pis l’autre qui ne gère pas son estomac en te demandant une collation à tout bout de champ, rajoute à ça les changements de couches de ton bébé pis le nombre de chicanes entre frères et sœurs que tu gères dans un avant-midi, ce serait difficile d’être nommée l’employée du mois. Tu fais ce que tu peux, du mieux que tu le peux, pis c’est sûrement déjà excellent. Félicite-toi donc à la place de te t’autoflageller.

  1. Faire des folies, tu oseras.

Profite de cette période un peu folle pour remplir la boîte à souvenirs de ta tribu avec des moments qui sortent de l’ordinaire (pis qui ne te coûteront pas une cenne). Les matelas de tout le monde dans le milieu du salon pour une nuit de camping improvisée, la musique dans le tapis, des lumières de Noël pis voilà votre party : c’est le temps de ramasser ton humilité pis de sortir tes meilleurs moves de danse. Construisez une immense cabane de couvertes de et coussins pis vivez dedans une couple d’heures. Bref, n’importe quoi que vous ne feriez pas habituellement un mardi soir !

  1. De la technologie, tu profiteras.

On est en 2020, profitons‑en ! Installez mamie et papi au bout de la table via Facetime pendant un repas, ça leur rappellera du même coup que chez vous, c’est rarement calme. Ils apprécieront peut‑être un tout petit peu leur solitude après votre séance. Une petite heure de coloriage en ligne avec marraine pour votre grande fille. Votre traditionnel souper entre amis du samedi peut aussi avoir lieu (pis vous aurez même pas à cuisiner pour une armée). Usez et abusez de cette chance inouïe d’être ensemble même en étant séparés. En plus, ça peut s’avérer très utile pour occuper les enfants pendant que vous essayer de venir à bout de votre journée qui finit pu de pas finir !

  1. Une routine, tu établiras.

On le sait tous, les enfants ont besoin d’une routine (pis les parents aussi…), ne serait‑ce que pour le plaisir de la scraper une fois de temps en temps ! La liberté pendant une semaine, c’est cool… pendant un mois, permets‑moi d’en douter. Ils finiront certainement par s’emmerder pis toi, tu finiras sûrement internée. Tu ne veux ni l’un ni l’autre. Pas besoin de leur faire un horaire de militaires (bonjour le surplus de gestion pis de discipline que tu as zéro le temps de te taper). On commence notre journée comme si la vie avait encore un semblant de sens : on déjeune, on gère une crise ou deux, on se garde propre un minimum et on s’habille (le linge mou à la longue, c’est traître ! Remets tes jeans de temps en temps, tu me remercieras plus tard). Pour le reste de la journée, si le bordel pogne, applique simplement les commandements 1, 3 et 6 et attends patiemment l’heure du commandement 2 en te rappelant que demain est un autre jour.

  1. Pour te coller, tu en profiteras.

La distanciation sociale entre tes quatre murs, si toute ta maisonnée est en santé bien sûr, c’est loin d’être nécessaire… je dirais même que c’est à proscrire. Prends tes petits dans tes bras autant de fois par jour qu’ils en ont besoin (ou que TU en as besoin) pis fais la même chose avec ton chum. Collez‑vous, aimez‑vous, rassurez‑vous. C’est gratuit en plus d’être bon pour le moral. N’oublie pas que quand nos vies de fous vont reprendre leur cours, tu n’auras sûrement plus la chance de recevoir des gros colleux et des petits bisous baveux entre deux réunions pis un client.

Et puis un beau jour, tu te remémoreras le printemps 2020, celui qui t’a fait rusher quelque chose de rare mais que tu as traversé, bien au chaud dans ton cocon, avec les personnes les plus importantes dans ta vie. Tu te souviendras de ce moment où la vie a décidé qu’on était tous dus pour une petite leçon sur la gestion de nos priorités. Mais j’espère surtout que tu n’oublieras jamais que crise ou pas, tu fais une sacrée bonne job de maman !

Karine Arseneault

Se sentir inutile!

Est‑ce que ça vous est déjà arrivé de vous sentir inutiles? Ma

Est‑ce que ça vous est déjà arrivé de vous sentir inutiles? Mais VRAIMENT inutile? Pas juste dans un moment en particulier mais toujours?

C’est pas mal comme ça que je me sens depuis le confinement! Oui, ça doit être le cas de beaucoup de gens, je le sais! Mais comment faites‑vous, les gens hyperactifs, pour ne pas tomber? Je pose la question sincèrement!

Je suis le genre de personne qui avait mille et un projets. Ce n’était jamais assez! Je courais à gauche et à droite ; plus j’en avais, plus je carburais! La tête toujours en train de penser à demain.

– Profite de ce temps pour relaxer!

– Prends une pause!

– Fais un ménage intérieur!

Je dois dire que depuis le confinement, je ne profite de rien et même que je ne dors pas! Mais pas du tout! Mon cerveau spin plus que jamais! Je rage intérieurement, je maudis la vie et je me cherche! C’est exactement ça, je me cherche et je me sens totalement perdue.

Je me sens inutile! La vie sur pause est la même pour tout le monde, mais comment on fait pour gérer ce vide? J’aurais voulu dire que je nage en plein océan, mais si c’était le cas, au moins, j’aurais fait l’activité de nager, t’sais! Du jour au lendemain, la fille hyperactive se retrouve désactivée! Ça fait mal.

La petite boule d’énergie a juste envie de hurler.

On se serre les coudes en étant loin, on se soutient et on s’envoie de l’amour. Ben de l’amour! Je sais qu’on vit tous la même chose, mais ma petite bête noire, à moi, c’est la solitude. On fait comment pour l’apprivoiser?

D’aussi loin que je me souvienne, même ado, je n’étais jamais seule. Toujours partie!

– Tu sors encore?

– Pas capable de rester assise trente secondes?

– Re-la-xe, Di Sei, et respire!

Malgré moi, je dois apprendre à faire tout ça : m’asseoir, relaxer et respirer, mais on dirait que ça n’a pas le même impact quand on est obligé de le faire.

On dit qu’il y a un avant COVID‑19 et qu’il y aura certainement un après. J’ai peur que le « après » soit encore plus fou qu’avant. Non? Que tous les gens comme moi, hyperactifs, se défouleront encore plus dans le « après ».

Je n’ai qu’un souhait alors : transformons notre énergie folle en énergie constructive. Bâtissons quelque chose qui servira pour le « après ». Que nous tous qui avons le mal de vivre en ce moment et qui cherchons quoi faire de nos mains, rêvons et bâtissons. Ensemble, on sera encore plus productifs!

En ce moment, je me sens inutile certes, mais ce n’est que partie remise, j’en suis certaine!

Tania Di Sei

L’amour au temps du corona

J’ai passé une grande partie de ma vie à pratiquer l’amour à

J’ai passé une grande partie de ma vie à pratiquer l’amour à distance. Moi dans un village, une grande ville ou un kibboutz. L’amoureux dans une autre région, un autre pays, une autre réalité. On se téléphonait (oui oui, avec un vrai téléphone branché dans le mur et un fil en queue de cochon), et on s’obstinait pendant une heure pour décider qui allait raccrocher en premier. On s’écrivait (oui oui, avec du vrai papier parfumé et des p’tits minous quétaines dans le bas à droite, juste à côté des mille PS et PPS et PPSS…). On mettait un vrai timbre à 37 cents sur l’enveloppe, et on allait au bureau de poste trois fois par jour pour voir si la réponse était arrivée. On attendait, on s’espérait, on soupirait. Et on profitait des retrouvailles autant que nos parents et le temps nous le permettaient.

Mais là, avec le coronavirus et toutes les mesures visant à freiner sa propagation, l’amour à distance prend un tout autre sens.

L’amour à distance déprime les adolescents qui n’ont pas vu leur chum ou leur blonde depuis le 12 mars. C’est long, ça, quand on est un ado bourré d’hormones et d’idéaux. L’amour à distance inquiète les couples qui font maison à part et qui doivent se donner rendez-vous dans les parcs, à distance de 2 mètres. Loin des yeux… près du cœur.

L’amour à distance, c’est aussi celui qui nous convainc de déposer l’épicerie sur le balcon de mamie et de lui coller des dessins d’arc-en-ciel de l’autre côté de la fenêtre, de lui faire des bisous volants à travers la vitre et d’espérer très, très fort que les sapristi de virus la laisseront tranquille. C’est celui qui nous donne la force de lui sourire et de cacher nos larmes quand on retourne chez nous.

L’amour à distance, c’est l’appel téléphonique ou le message électronique qui relie l’enseignant et son élève. C’est l’heure passée à jouer à des jeux vidéo en ligne avec des amis, juste parce que ça nous permet d’entendre la voix des amis. Presque comme s’ils étaient à nos côtés… C’est le 5 à 7 avec les copains qui permet de faire résonner nos chin-chin sur une plateforme d’échange.

L’amour à distance, c’est la photo drôle qu’on envoie à la parenté pour leur dire que « ça va bien aller », même si des fois, on en doute. C’est le message privé qu’on envoie à de vieux amis qu’on avait oubliés dans notre liste d’amis sur les réseaux sociaux… « Salut… je voulais te dire que je pense à toi, j’espère que le confinement ne te fait pas trop la vie dure ». C’est l’appel à l’aide qu’on lance pour dire que là, c’est trop.

L’amour à distance, pour plusieurs, c’est le sacrifice du temps pour les services essentiels. C’est devoir remettre nos précieux enfants dans les mains des éducatrices, des grands-parents ou de notre parent divorcé, le temps d’aller soigner, nourrir, faire de la recherche ou prendre les décisions qui permettront à notre communauté de s’en sortir maintenant et plus tard.

L’amour à distance est fait des prières et des ondes qu’on envoie à nos proches qui sont loin (définir « loin » selon la situation : isolés de l’autre bord de la rue ou coincés de l’autre côté de l’océan, en attente d’un rapatriement). Certains ont dit « Aimez-vous les uns les autres », d’autres ont prôné « Aime-toi toi-même »… live ou à distance, mais aimez-vous.

Cet amour à distance, c’est peut-être, au bout du compte, ce qui va rendre l’amour plus proche, plus complice, plus durable. C’est peut-être la base d’un réel rapprochement social.

Nathalie Courcy

 

Pendant qu’il est encore temps.

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, e

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, en couchant ma fille après une journée difficile à tout faire pour l’« entertainer » tout en gérant ses multiples crises de terrible two. Même scénario que je répète depuis le jour 1 du confinement que je respecte, que je défends et que j’applique pour éviter que ma fille subisse les conséquences de ma possible négligence. Ça va bien aller, qu’ils disent.

Mes parents me manquent. Et pour la première fois de ma vie, entre le nettoyage du tiroir de bébelles et le lavage des rideaux, j’ai laissé mes pensées faire une place au fait que mes parents ne sont pas éternels. Que d’une foutue maladie, du temps, d’un accident ou d’un virus, ils pourraient en une fraction de seconde quitter ce monde.

Mes parents vont mourir. Un jour. Et ça me met la boule au ventre. Dans la dernière année, suite à une interminable séparation, j’ai été la fille la plus silencieuse, secrète, discrète et distante. Ils m’ont ouvert la porte de leur maison comme celle de leur cœur qui se nourrit maintenant du bonheur de leur petit-enfant. J’ai instauré un silence entre eux et moi pour éviter de parler de choses que je n’arrivais pas à expliquer suite à l’étape la plus difficile de ma vie. Le fait de dormir quelques soirs chez eux nous a physiquement rapprochés, mais ma froideur nous aura éloignées par ma faute.

Ils ont toujours été là, sans rien demander. Un fort jamais bien loin auquel on revient souvent, guidé par la chaleur et la douceur de leur maison.

Me voilà maintenant privée de leur présence, seule avec ma fille, et ils me manquent.

Je ne sais pas si c’est la COVID ou le printemps qui me dégèle le cœur, mais j’ai hâte de passer du temps avec eux. C’est bien Facetime, Zoom, les coups de téléphone, mais il n’y a rien qui va remplacer un après-midi dans leur cour au soleil. J’ai hâte de leur dire que je vais bien, mais qu’avant, ça n’allait pas. J’ai hâte de mettre des mots sur mon silence. J’ai hâte que ma fille puisse à nouveau courir dans leurs bras pour profiter de leur présence comme mes parents m’ont permis de le faire avec mes grands-parents. Pendant qu’il est encore temps. Un temps, qu’on n’appréciera plus jamais de la même manière.

Eva Staire

La maman est à boutte

Au début de l’année 2020, j’avais exceptionnellement pris des

Au début de l’année 2020, j’avais exceptionnellement pris des résolutions que je voulais vraiment tenir, respecter. J’avais décidé de faire plus ma part pour l’environnement, plus de recyclage, plus de compost. Je voulais vraiment recommencer à prendre soin de moi. Être plus positive, voir le bien dans toute situation.

Au début février, mon psychiatre m’a confirmé que j’étais guérie de ma dépression post-partum majeure, en plus de m’annoncer que j’avais déjà perdu 15 livres depuis le début de l’année. J’avais commencé le yoga chaud et à manger mieux. J’étais vraiment heureuse, ça faisait des années que je ne m’étais pas sentie aussi bien. J’allais faire mon premier voyage dans le sud avec ma mère et ma sœur.

Au début mars, à la fête de ma belle-sœur, je lui disais que ça me faisait peur de me sentir aussi bien, parce que j’avais toujours l’impression d’avoir une ombre noire derrière moi prête à surgir à tout moment. En deux jours, j’ai dit à ma famille et à ma belle-famille à quel point j’étais heureuse, et eux de me répondre que ça paraissait et qu’ils étaient tellement contents de me retrouver.

T’sais ce sentiment que quand tout va bien, c’est sûr qu’une marde va te tomber dessus? Bien c’était ce genre de pensée que je tentais d’éloigner. Pis j’avais l’impression que le malheur qui s’abattrait sur moi serait aussi grand que mon bonheur. Tout allait super bien dans ma vie. Un soir, j’ai dit à ma sœur : « Hey tout va bien, tu imagines la grosseur de la marde qui va me tomber dessus si ma “malédiction” est vraie! ». On rigolait, on déconnait.

Pis boom, la COVID-19 est entrée au Québec sournoisement et a explosé. Mes angoisses, mon anxiété, mes crises de panique sont revenues. Mon moral va de moins en moins bien. Mon conjoint a été mis à pied, ma fille ne comprend pas tout de la situation, sa maman travaille vraiment beaucoup et elle est toujours fatiguée, maman et papa se chicanent un peu plus. Je fais mon maximum pour retrouver ma zénitude, mon calme, je n’ai même plus la force de continuer mon yoga à la maison. Ce soir, dimanche soir pluvieux, je vois une goutte d’eau tomber de la porte patio. Je me lève et je remarque que le haut du mur est mouillé. Mon conjoint part à la recherche de la source. Tout est mouillé, mais juste là. Aucune idée d’où ça vient. Sérieux?! Tout est fermé, on ne peut pas appeler d’entrepreneur.

La maman est à boutte. J’ai envie de me rouler en boule et de pleurer. J’ai envie d’être prise dans des bras, de me faire serrer fort et de me faire dire que tout va bien aller, qu’on va s’en sortir plus forts, mais je ne peux pas. Distance sociale oblige et doublement dans mon cas puisque je travaille dans la santé. Je me suis rarement sentie aussi seule, aussi frustrée, aussi épuisée.

Parfois, un simple petit problème peut faire déborder notre vase. Ce soir, j’ai vraiment envie de rester coucher et de dormir jusqu’à ce que cette pandémie soit finie. Je veux juste retrouver ma force, ma joie, mon entrain, mon bonheur que j’ai pu savourer un temps trop court.

Petit texte sur l’angoisse.

Dans ma poitrine, il y a une boule.

Petite ou grosse. Douloureuse ou pas.

Mais elle est là.

À l’intérieur de cette boule, il y a

De la peur, de la tristesse, de la colère, mais surtout de la peur.

Quand elle fait mal, tout devient noir

Je suis en boule, en pleurs.

J’ai mal. Mon cœur veut exploser. J’ai mal.

Dans ma tête, la noirceur veut revenir.

Je sais me battre contre maintenant.

Mais c’est dur.

J’ai mal.

Je veux me battre, mais j’ai peur.

Un être invisible est devenu maître.

Je ne veux pas de cet intrus.

Je ne veux pas le donner à mes enfants, à ma famille.

Alors la boule grossit et fait de plus en plus mal.

Un jour à la fois.

Ce soir, ma boule est grosse, trop grosse.

Mais demain elle sera peut-être petite.

Alors là je vais trouver des armes et me battre.

La noirceur, je vais la repousser.

Mais pour ce soir, je vais la pleurer. En boule. Dans mon lit.

Cindy LB

 

Va donc faire un tour de machine!

J’ai beau faire du ménage, de la popote, des appels vidéo avec m

J’ai beau faire du ménage, de la popote, des appels vidéo avec mon entourage, écouter de la musique ou des films légers, dessiner des arcs‑en‑ciel et marcher, rien à faire! Je suis dévorée par cette nouvelle bête que j’ai du mal à apprivoiser : l’anxiété. Le ciel est pourtant clair et bleu comme jamais, les oiseaux sont revenus, le printemps s’installe, mais pas dans ma tête. J’en peux plus de voir mes murs et mon quartier.

— Va donc faire un tour de machine! me susurre mon subconscient.

Ou peut-être mon grand-père qui, comme la plupart de nos aïeuls, nommait ainsi les voitures.

— Si la nature ne vient pas à toi, va vers elle… En plus, le gaz n’est pas cher! m’encourage ma petite voix intérieure.

Je me prépare un lunch, question de ne pas débarquer mes possibles microbes dans un commerce d’alimentation. Et puisque cette pause humanitaire impose un retour aux sources, je pars en « road trip de la quarantaine » avec des CD et sans GPS.

— De toute façon, ces bidules finissent toujours par m’énerver, me dis‑je à moi‑même.

Instinctivement, je me retrouve sur la route qui coule à côté de la rivière et qui contourne les rares montagnes de la Montérégie. Même si la nature est encore rouillée par l’hiver, elle me fait déjà du bien. Je me remémore les randonnées de vélo qui m’avaient menée dans ce décor deux ans auparavant. Ma bicyclette avait été ma meilleure amie tout au long du retrait obligé.

— Pourquoi tu paniques tant avec ton anxiété, d’abord? C’est rien de nouveau!, me dispute ma conscience.

— Parce que je savais au fond de moi que j’en guérirais, que c’était passager. Là, personne ne sait! me suis-je répondu en levant le volume de la musique.

Au virage de ce petit rang bordé de champs et d’arbres gigantesques, des enfants jouent dehors. Mes pensées se dirigent vers mes « ti cocos » de l’école et mon cœur se serre. Certains d’entre eux sont mieux à l’école et ne doivent absolument pas comprendre ce qui se passe…

Un autre tournant me force à revenir dans le moment présent. Je suis heureuse d’apercevoir le 25 kilomètres-heure exigé par la courbe. Ça me permet de ralentir et d’admirer la rivière qui coule à flots en cette période de dégel. Je dépasse un cycliste avec précaution.

— Faudrait que tu t’entraînes, m’ordonne presque ma morale.

— J’ai pas l’goût.

— Mais t’as le temps et ça te ferait du bien!

— J’ai pas l’goût, répète ma bienveillance. Qu’est‑ce que j’ai à être vide d’intérêt?

— Ça s’appelle l’anxiété, coupe mon arbitre intérieur.

Le soleil s’étire entre les nuages, me forçant à remettre mes verres fumés. Une maison centenaire entourée d’arbres tout aussi vieux se révèle au bout du chemin. Yé! Un stop me permet de contempler. Je dois trouver ce petit rang qui offre une vue sur les montagnes de l’Estrie. Là où mes parents sont en quarantaine. J’espère qu’ils iront bien. La route étroite et abîmée par la saison des nids de poule transporte mes songes vers les voyages familiaux de mon enfance. Mon père adorait contourner les autoroutes pour emprunter de telles routes, rendant le trajet tout aussi agréable que la destination.

J’effectue une courte pause dans le stationnement de cette cidrerie que j’aime tant pour perdre mon regard dans le paysage semi-montagneux. En temps normal, j’aurais mangé ici…

— Tout ça devrait t’inspirer à écrire, murmure mon sens du devoir. T’as des fourmis dans les doigts tellement ça te manque!

— Oui, mais c’est tout décousu quand j’essaie et ça reste pris dans mon foutu jugement! lance la peur en moi.

Mon juge interne intervient encore en m’expliquant que je dois être patiente avec l’anxiété.

Après quelques arrêts ici et là pour consulter ma carte routière, je tombe enfin sur ce grand rang qui mène au petit. C’est si beau que je fais la route une seconde fois avant de m’arrêter dans le stationnement de cette autre cidrerie. Je me laisse apaiser par le paysage de ces montagnes qui se couvriront d’un vert tendre et de fleurs dans peu de temps.

— Ce sont elles qui sortiront grandes gagnantes de cette crise, me chuchotent mes pensées.

Et en plus, il n’y a pas de « oui, mais » qui résonne en moi. Sur le chemin du retour (parce que ma vessie le commande!), le soleil réfléchit sur un panneau et bien vite, cette lumière se transforme en arc‑en‑ciel. Je l’interprète comme un signe et je me dis que désormais, ÇA VA BIEN ALLER. Dame Nature mérite cette pause humanitaire et pour elle, j’accueillerai cette crise avec tous ses inconvénients et ses avantages…

Isabelle Lord

J’essaie fort, maman

En revenant de l’école, tu m’as annoncé que le monde allait s

En revenant de l’école, tu m’as annoncé que le monde allait s’arrêter pour deux semaines.

Que l’école était fermée, la garderie aussi. Tout simplement à cause d’un virus.

J’étais contente, mais je ne savais pas toute la charge que ça impliquait.

J’essaie fort, maman, je te promets.

Tu m’as dit que ton travail, par contre, n’allait pas changer. Que tes patients avaient toujours besoin de toi. Que tu devais continuer à travailler, que tu étais devenue un ange à présent.

Papa, aussi, est un ange. Son travail ne lui permet pas de rester à la maison avec nous quatre et le chien.

J’essaie fort, maman.

Puisque vous êtes des anges de la société, vous ne pouvez être nos anges et rester à la maison. S’occuper de nous, vous êtes incapables.

C’est donc à moi, la grande sœur de maintenant dix-huit ans, de m’occuper du troupeau.

Ce n’est pas la première fois que tu me demandes cette faveur. Loin de là.

Ça me fait toujours plaisir d’aider.

Mais cette fois, je crois que c’est trop.

J’essaie maman, je te le jure.

Lorsque tu m’as demandé, j’ai accepté avec plaisir, pour aider, comme d’habitude.

Je ne m’attendais pas à autant.

Tu m’as donc annoncé que nous partions au chalet.

Ça faisait plus de deux mois que je n’y étais pas allée. J’étais très heureuse de passer du temps avec vous en famille pour la dernière fois avant je ne sais combien de temps.

Mais lorsque la fin de semaine s’est terminée, papa et toi deviez retourner au travail, servir la population et être des anges.

C’est donc avec un congélateur rempli et du wifi piètrement fonctionnel que tu m’as laissée avec trois enfants de douze, neuf et quatre ans.

Deux semaines, ça va bien aller, pensais-je.

La plus jeune veut jouer. C’est normal, je la comprends. À la garderie, elle est over stimulée avec plein de jeunes de son âge. Les deux autres ne veulent pas aider pour aucune tâche.

Je te jure, maman, que j’essaie fort.

Je dois jongler avec les repas, surveiller pour qu’ils arrêtent de grignoter entre les repas et qu’ils mangent assez de légumes pour avoir du dessert.

Je dois surveiller leur santé. La plus vieille est asthmatique, c’est elle qui est le plus à risque.

Je dois veiller à ce que tout le monde se brosse les dents, prennent sa douche, joue assez dehors et à ce que personne ne s’entre-tue.

C’est vrai qu’il serait facile de les planter devant leur tablette à longueur de journée, mais notre wifi ne le permet pas. Et éthiquement non plus, ça ne se fait pas.

Être pris au fin fond des bois ne sert qu’à nous isoler. Du dangereux virus qui nous empêche de voir notre famille et qui pourrait mettre en danger la vie de ma sœur.

Je dois donc jouer à la mère 24/7.

J’essaie fort, maman, je te le jure.

Mais là, c’est trop.

Nous avons terminé la deuxième semaine et j’ai craqué.

Devant les enfants en plus. La voiture a brisé. Elle n’avance plus.

J’angoisse comme ça ne se peut pas. Je sais que j’ai un super talent pour le cacher, mais ce matin, c’était trop. Comment je vais faire s’il y a une urgence?

En plus, le cégep recommence. Comment vont se dérouler les cours? En ligne? Non, mon wifi ne me le permet pas. Des vidéos capsules, ça non plus. Comment je vais faire?

J’ai trois enfants à ma charge et un chien.

La jeune de quatre ans retient toute mon attention : je joue aux Playmobil, aux Barbie, aux casse-têtes et plus encore…

Celui du milieu doit être stimulé : être sur sa tablette le rendra légume d’ici la fin du mois. Donc j’organise des activités pour lui : maths, jardinage, tours de magie, quiz géographique. Je veux qu’il continue à apprendre.

Et la plus vieille, elle a terminé son année scolaire, mais son anglais… Elle l’a à peine pratiqué. J’essaie somme je peux d’écouter des films en anglais, de lui parler en anglais.

Je dois prendre aussi des marches, m’occuper du chien, lui apprendre des tours pour qu’il ne s’ennuie pas.

Je dois faire à manger, le ménage, le lavage, l’éducation et les activités. Parce que toujours des exercices, je comprends que ça peut être ennuyant à la longue. J’organise des repas thématiques, des chasses au trésor, des rallyes photo…

Où sera mon temps alloué pour mes études?

Quand vais‑je rédiger ma dissertation de 500 mots sur l’idéologie de Platon? Quand vais‑je avoir le temps de regarder un vidéo de trois heures sur la dissolution du cuivre en chimie? Quand vais‑je pouvoir lire mon livre d’anglais?

Ça fait déjà deux semaines et je suis épuisée. Je tourne en rond, j’angoisse quand je reçois un nouveau courriel de mes professeurs.

Je n’en peux plus.

Mais je dois rester, c’est la vie de ma sœur asthmatique qui est en jeu. Je ne peux pas l’abandonner.

On dit que c’est en situation de crise que nous voyons la vraie personne qui se cache en nous.

Eh bien, la voilà la vraie moi : épuisée, angoissée et incapable.

J’ai vraiment hâte que tout ça finisse et que vous reveniez à la maison.

Pouvez‑vous être mes anges au lieu d’être ceux de la société?

Ta fille qui vous aime et qui a besoin de vous.

Clara

Karmavirus : ce qu’on peut en tirer

Eh oui ! Un autre texte sur le coronavirus. Ou plutôt sur l’apr

Eh oui ! Un autre texte sur le coronavirus. Ou plutôt sur l’après-coronavirus. Cette crise humanitaire ne durera pas éternellement (fiou !). Il y aura un après, comme il y a eu un après-guerre et un après‑11‑septembre. Que retiendrons-nous de cette période de remise en question de nos habitudes, de nos relations et de tout ce qu’on pensait établi ? Qui serons-nous dans l’après ?

Bien sûr, il y a la récession. Ça prendra du temps pour s’en remettre comme société et comme individus. Plusieurs devront retrouver du travail ou faire un plan de relance d’entreprise. On pleurera nos morts qu’on n’aura pas pu serrer dans nos bras une dernière fois. On réparera notre santé, on réapprendra à ne plus soupçonner le voisin qui tousse ou l’enfant qui mouche. Les enfants retourneront sur les bancs d’école, les plus jeunes s’élanceront dans les bras de leurs éducatrices. Les travailleurs des services essentiels auront, je l’espère, un temps de répit. Les politiciens et tous ceux qui les aident chaque jour à prendre les meilleures décisions dans ce moment de tourmente prendront du recul pour observer ce qu’est devenu leur pays, leur province, leur ville. La vie.

Moi, avec mes lunettes roses à paillettes, j’espère que nous garderons certaines des nouvelles habitudes que nous sommes en train d’apprendre à la dure.

  • Une marche quotidienne, une promenade à vélo en famille. Apprécier le dehors, la nature, la liberté.
  • Des appels téléphoniques plus fréquents aux mamies et aux papis, aux amis éloignés, au voisin d’à côté, juste pour savoir comment ça va ou pour offrir un service.
  • Moins de déplacements en voiture pour une atmosphère plus pure et des rivières plus bleues. Plus de travail à domicile ou dans des centres de proximité, donc moins de pollution et plus de temps avec ceux qu’on aime.
  • Du temps en famille sans l’obligation de partir en voyage dès qu’on a un congé, sans pression de tout faire et d’impressionner la galerie.
  • L’art de se coller en famille, de partager des repas et de l’information et de s’ennuyer juste assez pour trouver de nouvelles idées.
  • Plein de temps pour lire et dessiner.
  • L’hygiène améliorée (mais sans exagérer). Je vous jure que les enfants post-COVID sauront comment se laver les mains et tousser dans leur coude.
  • Être conscient de ce qu’on (sur)consomme et de ce qu’on gaspille, autant à l’épicerie qu’en rendez-vous chez l’esthéticienne. Parlant de consommation, pourquoi ne pas continuer à privilégier les entreprises locales?
  • Le partage des tâches : un ado qui fait la vaisselle, un enfant qui passe le balai, ça donne du temps à papa et maman pour travailler et de l’énergie pour jouer. En plus, c’est de la pédagogie qui sort des tables de calcul et des groupes du nom.
  • Du matériel pédagogique et des idées d’activités en ligne gratuites, pour toutes les familles, mais aussi pour les élèves qui étudient à la maison.
  • Des vidéos de formation, des « live » remplis d’humour ou de compassion, des ateliers de contes et d’origami en ligne.
  • Des mouvements communautaires d’arcs-en-ciel ou de lumières qui flashent, juste parce que c’est le fun et que ça aide à se sentir unis.
  • Des heures de magasinages pour les aînés, les personnes à mobilité réduite et les hypersensibles qui fuient la foule.
  • Des chaînes de reconnaissance pour les humains qui travaillent fort à rendre la planète meilleure.
  • Le bénévolat, la conscience que quelqu’un de la communauté a besoin de nous et qu’on peut demander de l’aide.

Plusieurs personnes auront perdu leur emploi et leurs revenus. Plusieurs auront aussi mijoté des idées créatives pour générer de nouveaux revenus ou pour rendre service. Que ce soit du commerce en ligne, de nouvelles entreprises ou des regroupements pour confectionner des masques, livrer de la nourriture ou aider les parents à enseigner à leurs enfants, ces idées peuvent servir !

Je (nous) souhaite que l’après-COVID-19 arrive le plus tôt possible et que le soleil rayonne très fort de l’autre côté de ce nuage de tempête. Je souhaite que nous soyons devenus de meilleurs humains et une meilleure humanité. Je souhaite que nous comprenions du premier coup le message transmis par ce karmavirus. Je souhaite qu’on tire le meilleur parti de cette crise et qu’on se dise « Ça va déjà bien ».

Nathalie Courcy