Tag douleur

Le jour où j’ai arrêté de manger

J’avais quinze ans. Dans le miroir, je ne voyais que du gra

J’avais quinze ans. Dans le miroir, je ne voyais que du gras, du gros… Je haïssais cette enveloppe dans laquelle je devais avancer chaque jour. Je détestais chaque partie de ce corps en perpétuel élargissement changement. Alors, je suis partie en guerre, avec mes armes, jusqu’à la mort.

Ça a commencé par une petite réflexion « anodine » concernant la taille de mes fesses. Tu sais, le mot de trop… Celui qui anéantit le peu de confiance que je m’acharnais à bâtir. Je me suis mise à passer des heures et des heures devant le miroir. J’ai débuté un régime… Insidieusement, la maladie s’est installée… Je contrôlais tout : ce que je mangeais (en infime quantité), les kilomètres que je parcourais dans l’eau de la piscine, les heures de sport et d’entraînement que j’infligeais à mes muscles pour dépenser le peu de calories que je m’octroyais, mes notes brillantes à l’école, mes relations si parfaites avec les autres et pourtant si conflictuelles avec des miens… Je croyais que je contrôlais tout…

Quelle illusion que cette maladie! La surpuissance du corps, la force du mental… Je croyais que j’allais être bien. Mais mon esprit était prisonnier… Je me pesais plus de cent fois par jour. C’était un véritable rituel d’embarquer sur cet instrument de torture. Je mettais un pied, je me tenais sur le mur, un autre pied, puis je lâchais doucement le mur regardant l’aiguille monter, monter avec mon angoisse, avec mon désespoir… Chaque jour, je pesais un peu moins lourd, chaque jour je mangeais moins et courais plus, afin de maigrir encore et encore…

Je me suis retrouvée dans un cercle infernal. Je mentais et je manipulais mes proches pour arriver à mes fins : me détruire. J’étais en guerre contre ce corps si horrible, si laid, si gros. Rien ne pouvait m’arrêter.

Et, un jour, j’ai arrêté de manger. Je buvais une quantité d’eau terrifiante afin de fausser la pesée chez le médecin. J’ai commencé à avoir des pertes de conscience. Je n’avais plus mes règles depuis des mois et sous ma peau, mes os étaient saillants… Je me vidais par en dedans. Mon âme a commencé à s’éteindre. Tout est devenu si noir…

Devant le miroir, je me trouvais énorme. Rien ne comptait plus que ce fichu miroir et cette maudite balance… Je passais mes journées, à bout de force, à regarder mon corps dépérir. Jusqu’à ce que plus rien ne rentre. Jusqu’à ce que je ne sente ni la douleur, ni la faim, ni l’amour, ni la haine, ni la peur… et que je flotte…

Le jour où j’ai arrêté de manger et que j’ai bien failli gagner cette guerre contre mon moi. Jusqu’à la mort… Je me souviens… l’ambulance, les bruits, le choc, les cris, la douleur…

Je ne sais pas où je suis allée puiser la force de redonner vie à ce corps qui a subi des mois de souffrances et de privation, la force de faire entrer un rayon de soleil dans mon esprit et de m’y accrocher… J’ai infligé le pire à mon être et ça a été un long chemin que de me relever… Et comme l’alcoolique qui ne peut plus boire une seule goutte, je ne pourrai jamais monter à nouveau sur un pèse-personne…

L’anorexie mentale est une maladie mortelle. Je ne sais par quel miracle j’ai survécu. Il faut connaître la noirceur pour savourer la lumière…

 

Gwendoline Duchaine

 

Je n’étais pas prête

Sans voir rien venir, je me suis retrouvée parachutée dans le sexe des adolescents

Sans voir rien venir, je me suis retrouvée parachutée dans le sexe des adolescents. C’est comme si ma fille de quinze ans m’avait envoyé un gros coup de poing dans le ventre. Le souffle coupé, le corps plié en deux et l’âme en détresse, je criais à l’aide…

Mon bébé n’était plus. Elle avait franchi le cap, si vite. Trop vite pour moi. Je n’étais pas prête. J’ai eu envie de hurler à ces mains qui la touchent, à ce sexe qui lui a enlevé sa virginité : tu étais trop vite! Je n’étais pas prête!

Je sais bien que c’est sa vie, qu’elle était rendue là et qu’elle est heureuse. Je n’aurais jamais pensé que la vie sexuelle de ma fille pourrait me rendre si triste.

Je n’aurais jamais pensé avoir si peur. L’angoisse étouffante d’avoir un être qui pousse dans son ventre… La crainte des maladies… La trouille de voir son cœur entier se briser quand l’amour fera mal…

Je n’étais pas prête à faire un test de grossesse avec elle. Toutes deux, nous regardions l’urine monter tranquillement le long du bâtonnet. Nous avons arrêté de respirer pendant toutes ces longues secondes… Puis nos larmes quand nous n’avons vu qu’une seule barre mauve…

Je n’étais pas prête à lui faire installer un stérilet : cet objet étranger dans son petit corps… Je l’ai pourtant accompagnée, soutenue, écoutée. Mais mon âme tout entière hurlait…

Je n’ai pas eu le temps de me préparer. C’est allé trop vite. Tout passe si vite.
J’ai devant moi une femme. Des amoureux. Qui font l’amour. Deux corps brûlants d’hormones sous mon toit…

Il est où le mode d’emploi de maman dans ces moments-là? Qu’est-ce que je peux tolérer, encourager, comprendre, accepter?

Je me suis retrouvée parachutée dans la vie sexuelle des ados, avec des tests, des rendez-vous médicaux, des traitements, des doutes, des peurs, de la colère… mais surtout… avec beaucoup d’amour…

 

Eva Staire

Mammographie à 30 ans

On en parle, on en parle, il y a de la prévention, mais on se sent

On en parle, on en parle, il y a de la prévention, mais on se sent toutes à l’abri, en se disant qu’on est trop jeunes, que ça n’arrive qu’aux autres… Ce n’est pas que j’avais vraiment envie d’y aller, mais j’avais tellement mal aux seins depuis trois semaines, que je me disais que ce n’était pas normal. Je ne supportais plus mes brassières en dentelles avec armatures. J’ai dû aller acheter en vitesse le modèle grand-mère des années 40. Vous voyez? Le type parachute. Mes filles auraient faire une tente avec. Tout ça pour dire qu’il y avait quelque chose de pas normal avec mes seins. Prise de rendez-vous avec ma gynécologue pour vérifier. Après quelques palpations, elle me rassure, mais étant donné mon historique familial, elle me recommande fortement une mammographie. Vous savez, juste pour contrôler! À mon âge! Et oui, il n’est jamais trop tôt pour commencer les dépistages, 5 % des femmes ayant un cancer du sein ont moins de quarante ans.

Je me retrouve donc quelques semaines plus tard pour ma fameuse mammographie. J’appréhende, certes le résultat, mais aussi la machine, la douleur. On m’invite à me découvrir le torse, je me retrouve nue en haut, mais chaussée de mes grosses bottes d’hiver en bas! Le total look!

Je me retrouve face à face avec une énorme machine. La technicienne me fait approcher, elle règle la hauteur et là, sans m’avertir, elle prend mon sein et le dépose comme une belle pièce de viande sur le plateau de la machine. Elle le reprend l’étire, le tire, le tort, l’aplatit comme une crêpe. Je vois mon sein devenir un genre de pâte à modeler extensible ou comme un chewing-gum qu’on essayerait de décoller de sous une chaussure. Elle s’excuse, mais elle n’a pas le choix pour bien voir. Elle fait descendre un deuxième plateau, froid, aseptisé. Il descend lentement sur la forme qui ressemble vaguement à mon sein. Et là, il se coince entre les deux plateaux, ça serre, encore et encore. La gentille dame me dit de ne pas bouger. Comment pourrais-je bouger quand mon sein est emprisonné? Même si je voulais partir, courir, j’y laisserais ma peau! La machine prend quelques clichés, je retiens ma respiration. La dame revient et me libère. Ouf! Quel soulagement, de courte durée, malheureusement, car j’ai deux seins. L’autre attend son tour impatiemment. La dame refait les mêmes gestes machinalement, étirer, tirer, aplatir… Quelques secondes de douleur, je dois attendre les résultats, un docteur viendra.

Bref, toujours nue, j’attends. La gentille dame revient, je dois refaire quelques clichés pour bien voir. Reprise numéro deux et c’est reparti pour une nouvelle séance de torture. Je me dis que c’est pour la bonne cause, vaut mieux prévenir que guérir.

Le docteur arrive, il doit aussi ausculter mes seins à l’aide d’une échographie. Il me badigeonne de gel hyper froid et passe et repasse sur mes seins en appuyant ici et là. Un coup, je lève le bras, un autre coup, je le descends. Quelques questions sur ma douleur, mes antécédents, et voilà que d’une voix légère et banale, il me dit que je n’ai rien. Mes douleurs sont sûrement dues à mes sous-vêtements trop serrés, au manque d’hydratation, à de mauvais mouvements… Bref n’importe quoi, mais pas un cancer du sein. Je suis soulagée!

N’hésitez pas si vous avez un doute, une douleur, une rondeur, quelque chose qui vous tracasse, ce n’est pas agréable, mais faire une mammographie précoce peut vous sauver la vie. Je suis contente finalement de l’avoir faite, et je n’hésiterais pas à la refaire s’il le fallait…

Gabie Demers-Morand

Trois accouchements, trois expériences

Premier accouchement : Wow ! Quelle expérience !</stro

Premier accouchement : Wow ! Quelle expérience !

Ce sont les premiers mots que j’ai dits suite à l’expulsion de mon aîné. Vingt-et-une heures de travail, deux heures et demie de poussée. Je vous le confirme, j’ai travaillé fort pour rencontrer mon petit homme ! Pour chaque contraction, je poussais comme si je voulais chier un ananas (ben ! Oui, je l’ai dit, c’est vulgaire, mais c’est ça !) pendant que mon conjoint discutait du Portugal, de voyages et de bonne bouffe avec le médecin. Je vous jure, s’ils avaient débouché une bouteille de vin pour continuer leur discussion, je n’aurais pas été étonnée !

Mais bref, j’étais alors âgée de vingt-deux ans. Toute pimpante, innocente et surtout fonceuse. J’ai vécu cet accouchement comme une expérience, tout simplement. Je n’avais aucune idée dans quoi je m’embarquais. Lorsqu’ils ont déposé le petit dans mes bras, le déclic n’a pas eu lieu. Je tenais un bébé dans mes bras pour la première fois, je ne savais pas trop quoi en faire, mais j’écoutais les directives. J’apprenais. En fait, j’apprenais à aimer ce petit être et jour après jour, mon amour grandissait.

Deuxième accouchement : Pu jamais !

Je ne ressentais aucune contraction. Rien. Niet. Nous sommes même arrêtés manger au restaurant en chemin vers l’hôpital (ben ! oui, j’avais faim et on ne contredit pas une femme enceinte !) À l’hôpital, on m’a expliqué qu’ils voyaient un cas comme le mien environ une fois par année. Le travail était bien là ; sur le moniteur, on pouvait très bien voir mes contractions, mais moi, j’étais dans un état de relaxation totale. Je ne voulais pas prendre la péridurale vu mon état, mais mon médecin me l’a fortement conseillée. C’est elle la pro, j’ai donc suivi ses conseils.

Cinq heures plus tard, lorsqu’ils m’ont annoncé que j’étais prête à pousser, je me suis fait rentrer dedans par un train ! Mon seuil de douleur est passé de zéro à dix, en cinq secondes. Sans les contractions pour me préparer, je n’étais vraiment pas prête mentalement. En seulement dix minutes, je tenais mon deuxième fils dans mes bras. J’ai alors regardé mon conjoint droit dans les yeux et je lui ai dit : PU JAMAIS !

Troisième accouchement : Ok, la troisième fois, c’est la bonne !

Je perds mes eaux et je dois m’occuper de mes deux cocos. Je me rends donc à l’école et à la garderie pour revenir à la maison, pour y attendre mon conjoint. J’ai inondé le banc du côté conducteur de liquide amniotique et j’avais les fesses toutes détrempées ! En route vers l’hôpital, nous sommes restés pris dans le trafic. Un travail « normal » : je sentais très bien mes contractions contrairement à mon deuxième accouchement. Je savais ce qui approchait et tout à coup, je ne voulais plus y aller ! Je voulais ravaler mon bébé ou bien rester enceinte à jamais. Tout sauf accoucher !

Six heures plus tard, je me suis mise à pousser. La tête est sortie, mais les épaules ne passaient pas. J’avais un bébé pris à mi-chemin de la sortie. J’étais en transe, telle la fille dans le film Exorcisme. Je me tordais de douleur quand tout à coup, j’ai entendu la voix de mon médecin me ramener à la réalité en me disant de pousser. Une fraction de seconde plus tard, je tenais ma petite dernière dans mes bras.

Pas besoin de dire quoi que ce soit à mon conjoint, il ne veut plus me voir souffrir ainsi et je ne veux plus non plus. La troisième fois était la bonne. Pour NOUS, c’est fini. Notre famille est belle et complète.

Chaque accouchement est différent et chaque accouchement est une expérience absolument spéciale. Nous vivons des sentiments incroyables qui restent à jamais dans nos mémoires. Le meilleur dans tout ça ? C’est que nous oublions vite ! Nous regardons nos chers enfants avec tant d’amour qu’on en oublie toute la douleur vécue… ou presque.

Je n’échangerais mes expériences vécues pour rien au monde. Et disons-le, entre mamans, c’est vraiment intéressant de se raconter nos histoires ! Elles sont si différentes et semblables à la fois.

Geneviève Dutrisac

Chaque mois, tu voudrais être un gars

Chaque mois depuis que tu as douze ans, c’est la même rengaine. Tu

Chaque mois depuis que tu as douze ans, c’est la même rengaine. Tu commences par être fatiguée, mais vraiment ÉPUISÉE. Puis tout t’énerve! TOUT et tout le monde te tapent sur le système. Ceux qui vivent avec toi savent… Le fichu SPM est de retour…

Ton chéri et tes enfants ne stressent pas quand tu te mets à pleurer pour un oui pour un non. Tu es si émotive! Ils comprennent… Ils parlent doucement et essaient d’être gentils et ça t’énerve encore plus! Tu ne m’endures plus toi-même. Tu as envie de frapper le cave d’en avant qui ne roule pas assez vite, d’insulter l’enfant qui crie si fort dans les rayons de l’épicerie ou de chialer après l’animateur radio qui n’est pas capable de parler sans bafouiller!

Une asthénie envahit ton corps, tu travailles sans concentration et tu es épuisée juste à te tenir debout. Tu as envie de pleurer parce que tu aimes ton chéri, parce que tes enfants grandissent si vite, parce que tes parents te manquent, parce que tes amis sont merveilleux, parce qu’il fait beau, parce que la lune est belle, parce que le chien est mignon quand il dort et que le patient de Grey’s Anatomy était trop attachant…

Puis. Tranquillement mais sûrement… la douleur s’installe…

Chaque mois, la même douleur… Elle commence sur les côtés en bas du ventre, lancinante… Tes ovaires se tordent et brûlent tes entrailles. Cette douleur sourde qui se propage jusque dans tes cuisses, dans tes jambes… Ton utérus se contracte et ton souffle se coupe…

Chaque mois, tu subis cette douleur pendant deux jours.

Et tu commences à te vider. Ton corps rejette le petit nid qui aurait pu accueillir un bébé. Sauf que ça n’a rien de cute. Ça pue, c’est moche et ça fait mal. Pendant une journée, tu saignes tant que ton visage se décolore, les caillots font souffrir ton col et ton ventre n’est qu’un gouffre de souffrance. Tu es étourdie. Tu es vidée.

Tu n’as plus d’émotions, tu n’as plus de colère, tu es seulement vide. Les flots volent ton énergie…

Tu te sens grosse et laide. Tu te trouves poilue, trop vieille. Tu mets du linge mou et tu manges des chips.

Chaque mois, la même rengaine. Douze fois par année… et tu seras prise avec ça jusqu’à ta ménopause, que tu n’as pas hâte de voir arriver tellement ça a l’air d’être l’enfer.

Chaque mois, c’est plate être une femme. On doit souffrir toute notre vie pour avoir l’honneur et le privilège de donner la vie. Ça reste une belle compensation! Mais chaque mois, tu voudrais quand même être un gars! Juste une fois par mois.

Les petits soldats

<span lang="FR" style="margin: 0px; color: #333333; font-family: 'Ge

Ils mènent un combat sans merci, quotidien, contre de méchantes cellules qui envahissent leur petit corps. Ce sont les êtres les plus courageux, les plus souriants, les plus résilients et les plus vivants que j’ai rencontrés dans ma vie.
Quand tu pousses les lourdes portes de l’hôpital pour enfants, et que tu rencontres les petits soldats…

Autour d’eux, il y a une armée : parents, famille, amis, accompagnants, médecins, soignants, associations… une véritable guerre, une croisade… Chacun a son rôle, sa place, le cœur débordant d’amour pour ces enfants qui luttent pour survivre.

Chaque jour est une montagne. Chaque heure est un combat. Contre la maladie et la souffrance. La douleur est présente constamment.
Les armes sont puissantes et les traitements dévastateurs. La déchéance physique de ces êtres si fragiles est terriblement révoltante. Le désespoir se cache derrière toutes les portes… Et pourtant, sur les visages, on ne lit que des sourires. Sur les murs, on ne voit que des dessins. Les couloirs sont remplis de couleurs. La compassion et l’amour sont partout.

Les petits soldats sont entourés de parents dévoués qui tentent de ne pas se noyer. Dévastés par des nouvelles si mauvaises, ils continuent de jouer, de colorier et de chanter des comptines.

Ces enfants-là te remettent les idées en place. Ils te montrent à quel point tu as de la chance d’avoir la santé et comme elle est précieuse. Ils t’enseignent à savourer chaque minute et à la rendre plus belle encore. Ils te font réaliser qu’il n’est pas nécessaire de t’inquiéter quand ton gars a une mauvaise note en histoire ou que ta fille part en voyage seule pour la première fois.

Les petits soldats sont un exemple pour tous : adultes et enfants. Nous devrions tous prendre le temps de les encourager. Même si ça fait mal. Même si ça fait peur. Même si…

Certains retrouveront un jour une vie plus sereine, malgré la maladie qui sera toujours là, malgré les séquelles qui les réveilleront souvent le soir…

Certains soldats tombent au combat. Laissant leurs parents, leurs familles et leurs amis le cœur immensément vide.

Certains soldats tombent au combat, emportant une partie de moi. Anéantissant l’insouciance et la légèreté du quotidien.

Les petits soldats ont besoin de la plus puissante arme du monde : l’amour.
Alors, osez. Osez pousser les trop lourdes portes des hôpitaux pour enfants. Osez apporter votre sourire, votre temps, vos blagues, votre talent, votre cœur. Osez soutenir ces petits soldats et porter leurs parents dans vos bras si apaisants. Osez les bercer, les aimer, même si… certains tombent au combat…

Gwendoline Duchaine

 

Césarienne : On m’a volé mon bébé.

Tu bougeais dans mon ventre, nous étions ensemble, tu étais en moi

Tu bougeais dans mon ventre, nous étions ensemble, tu étais en moi. Lorsque je mettais ma main sur ma bedaine, tu venais te blottir… Et d’un coup, sans prévenir, la douleur a commencé. Si fort. J’avais si mal. Tu allais arriver! Je ressentais un mélange de joie et de terreur. Ta naissance était imminente!

Lorsque j’ai compris que ça n’allait pas… quand j’ai vu les médecins et les infirmières courir… Quand j’ai croisé leur regard grave… l’angoisse c’est installée en moi. Que se passait-il?
Tout est allé vite, si vite, trop vite.
Je me suis retrouvée seule au bloc opératoire, sans mon chéri à mes côtés. Seule avec cette idée que nous allions mourir toi et moi. Seule avec ce chirurgien qui m’annonçait qu’il me couperait en deux et te sortirait de mes entrailles.

On m’a volé mon bébé. On l’a arraché de moi. On m’a volé ta naissance. Je ne t’ai pas mis au monde : j’ai été opérée d’un enfant. On m’a volé mon estime de moi. On m’a volé ma maternité. On t’a sorti violemment de mon corps.

Puis il y a eu la douleur. La douleur lancinante qui me prenait la joie de ta venue au monde. Chaque respiration faisait mal. Clouée dans mon lit d’hôpital, accrochée aux tubulures, me tordant de douleur. C’était ça, être maman?
Je ne pouvais pas me lever, alors… j’ai manqué ton premier bain, j’ai manqué tes premières couches, j’ai manqué tes soins. Il a fallu que tu aies trois jours avant que je te vois tout nu. À chaque pas, j’avais mal. Mal à mon ventre et mal à mon âme. On m’avait volé mon bébé.

Je me suis sentie devenir mère en bataillant comme une folle contre les professionnels de santé, pour te donner exclusivement mon lait. Mon corps fabriquait ça pour toi. On m’avait volé ta naissance, alors je me suis vengée. Mon corps n’avait pas été capable de te mettre au monde, mais il t’a nourri pendant deux ans.

La césarienne est une chirurgie. Ce n’est pas anodin. La cicatrice fait mal longtemps. Chaque fois que tu tétais, mon ventre se tordait douloureusement. Je ne pouvais pas manger normalement, j’avais si faim! Pour moi, la césarienne était un échec, une défaite.

Et il y a les gens…

– Tu es chanceuse, tu es comme neuve en bas.
– Au moins, tu n’as pas ressenti la douleur des poussées.
– J’aurais tellement aimé avoir une césarienne…

Oh! non, tu n’aimerais pas ça… ça hypothèque ta santé pour le reste de ta vie. Il faut des mois pour s’en remettre et une année pour ne plus avoir mal à chaque cycle qui revient. Il y a tout ce sang que tu perds, il y a les adhérences, il y a le risque d’infection, la crainte de faire une phlébite et les injections d’anticoagulants que tu dois t’administrer chaque jour pendant des semaines.
Crois-moi… ça ne te tente pas…

Une semaine après la naissance, en poussant la porte de la maison, j’ai fondu en larmes. Ça ne devait pas se passer comme ça. Dans mon livre à moi, notre histoire ne s’écrivait pas ainsi. On m’a volé mon bébé…