Lettre à mon élève — Texte : Nancy Pedneault
Mon cher élève,
Depuis mars 2020, je te regarde aller. Je te vois changer. Je remarque que, comme moi, tu perds ta légèreté. Je sais qu’on doit faire tout ce qu’il faut pour préserver la santé de la population. Je comprends et toi aussi. Mais je dois t’avouer quelque chose, je m’ennuie.
Je m’ennuie sincèrement de ton sourire. J’ai tellement hâte de te voir rire à mes blagues avec tes dents, pour vrai. Je m’ennuie de lire sur ton visage les différents sentiments que tu vis au cours de la journée.
Si tu savais comme je m’ennuie de tes câlins sans peur de se donner la maladie. Je sais que toi aussi ; tu me le répètes souvent.
Je m’ennuie d’entendre ta voix. Ta petite voix douce et délicate franchit difficilement le masque. Je ne t’entends pas bien. Je te fais répéter. J’ai tellement hâte de t’entendre clairement.
Je m’ennuie de la légèreté. Tu sais, ce temps où ma principale peur était de ne pas t’avoir enseigné tout ce que tu dois savoir pour cette année scolaire. Je ne veux plus que tu aies peur chaque fois qu’un élève tousse ou ne se sent pas bien.
Je m’ennuie de respirer dans ma classe, sans masque. Respirer, juste respirer. Je sais que toi aussi, tu en as tellement envie.
Tu sais, mon cher élève, j’ai envie de retrouver ma classe d’avant. Celle où on peut rire et improviser. Cette classe où tu étais présent en vrai, pas en vidéo. Je ne veux plus avoir peur chaque fois que tu t’absentes.
Bref, mon travail avec toi, celui d’avant la COVID, me manque énormément. Les « toutes autres tâches connexes » ont pris beaucoup de place depuis deux ans. Je suis maintenant pro du nettoyage, de l’aération, de la qualité de l’air, du lavage de mains, de l’enseignent en synchrone, en ligne, en vrai, en demi-groupe, dans d’autres groupes, etc. Mon temps et mon énergie pour toi s’amenuisent et cela m’attriste.
J’ai envie de t’enseigner, comme avant. Je veux travailler pour toi. Je veux avoir le temps de te donner le meilleur service possible. Je veux être là avec toute ma tête et tout mon cœur.
Aujourd’hui, je n’ai pas de moyen pour que ça change. J’ai juste besoin de te le dire. Parfois, le dire, ça fait du bien.
Alors pour toi, mon cher élève, je souhaite que la vie revienne à la normale, la vraie normale. Je te souhaite de rester un enfant, de rire, de t’amuser et surtout, d’apprendre sans souci.
Mme Nancy