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Les départs qui rassemblent – Texte : Karine Lamarche

Perdre quelqu’un qu’on aime, ça fait mal. Ça nous écorche. On encaisse le choc. On finit par

Perdre quelqu’un qu’on aime, ça fait mal. Ça nous écorche. On encaisse le choc. On finit par comprendre à quel point l’humain est complexe et que dans cette complexité existe une extraordinaire faculté : traverser le deuil, vivre avec notre peine et redevenir fonctionnel au quotidien. C’est complètement fou, mais c’est vrai.

Vient le redoutable moment du dernier au revoir, ce rassemblement : les funérailles. Ce moment malaisant où les accolades, les sanglots, les rires, parfois, les maladresses aussi, se côtoient. Et pourtant, aujourd’hui, avec la sagesse acquise au fil des ans peut-être, j’y ai vu beaucoup de beau.

Retrouver des cousins/cousines, des tantes, des oncles et se rappeler des souvenirs qui semblent si loin… Constater le chemin parcouru par certains. Réaliser qu’on a des intérêts communs avec d’autres et vouloir que le temps s’arrête afin de poursuivre de belles discussions.

Observer le soutien que tout un chacun s’apporte, au gré de la cérémonie. Trouver ça beau, simple, touchant.

Reprendre la route après une journée chargée d’émotions, le cœur triste d’avoir salué pour la dernière fois un être aimé, mais heureuse d’avoir renoué avec des humains extras.

Oui, il y a de ces départs qui rassemblent.

Merci, tante Claudette.

 

Karine Lamarche

 

Le deuil en temps de pandémie – Texte : Carolanne Fillion

Depuis le début de la pandémie, on accorde une très grande import

Depuis le début de la pandémie, on accorde une très grande importance au nombre de décès causés par la Covid-19 sans y ajouter les décès reliés à d’autres causes. Avez-vous pensé au nombre de personnes endeuillées qu’il pouvait y avoir pour chaque décès ? Faites-vous partie de ces Êtres Humains qui ont perdu un être cher ? Que vous soyez un endeuillé ou l’accompagnateur d’une ou peut-être même de plusieurs personnes décédées, ce texte vous parlera sans doute. Et pour ceux qui ont la chance de ne pas avoir vécu le départ de quiconque d’important à leurs yeux depuis le début de la pandémie, je vous invite à terminer votre lecture et à écrire par la suite à une personne que vous aimez pour le lui dire.

Le décès d’une personne commence, la plupart du temps, par la maladie, la détérioration de l’état de santé. Les mesures mises en place ne permettent pas d’aller rendre visite à ceux qui sont en santé et encore moins aux personnes malades. Ce qui veut donc dire que, depuis le début de cette pandémie, il y a maintenant presque un an, on ne peut voir ceux qu’on aime que par visioconférence. Et la visioconférence, c’est pour les chanceux, ceux qui ont encore leur être cher en vie. Mais peut-être avez-vous eu la chance de parler à ceux que vous aimez avant qu’ils rendent leur dernier souffle. Pour ma part, ma famille proche a pu voir ma fille une dernière fois avant qu’elle soit mise en terre, une dernière fois dans son cercueil. Ça faisait un an que personne ne l’avait vue rire, sourire, vivre…

Parlant de cercueil, les funérailles… Les funérailles, c’est pour les chanceux qui peuvent assister à l’exposition et au dernier au revoir du défunt. Parce que, malheureusement, cette chance n’est pas réservée à tous les proches qui ont perdu quelqu’un. Un maximum de 25 personnes est autorisé dans les salons funéraires et les églises. 25 personnes, si on fait un calcul rapide pour ma fille, ça inclut les parents, grands-parents, arrière-grands-parents et nous avions déjà plus de la moitié de la capacité maximale. Depuis quand, lorsqu’on perd l’un des nôtres, devons-nous choisir qui peut et qui ne peut pas être présent ? Depuis l’arrivée de ce virus, il n’est plus autorisé de faire des funérailles à la hauteur de la personne décédée. Parce que, maintenant, les funérailles c’est un maximum de 25 personnes qui doivent porter un masque, qui doivent être à deux mètres les unes les autres, qui ne peuvent se donner la main ni même se prendre dans les bras.

Le deuil, c’est une série d’étapes qui peuvent être dans un ordre différent d’un endeuillé à l’autre. Les mesures sanitaires nous empêchent depuis près d’un an d’être entourés pour faciliter une ou même plusieurs étapes. Elles nous obligent à vivre tout ça entre les quatre murs de notre maison, seul, seul avec notre peine. Ce qui était rassurant pour moi, c’était de savoir que je pouvais aller voir ma fille au cimetière quand je ressentais le besoin de lui parler ou juste pour m’étendre à côté d’elle pour regarder les étoiles. Mais depuis quelques semaines, on me force à ressentir ce besoin entre 5 h et 20 h. Nous devons donc apprendre à vivre notre deuil sans la présence physique de nos proches…

J’aimerais finir par souhaiter mes plus sincères condoléances à tous ceux et celles qui ont été touchés de près ou de loin par la perte d’un être cher au courant de leur vie. Que ce soit en temps de pandémie ou non, le décès d’une personne aimée entraîne des sentiments difficiles à vivre, peu importe l’année qui est gravée sur l’épitaphe.

Carolanne Fillion

Ta petite face rouillée

Récemment, j’ai appris ton décès, cher grand-papa. Oui j’étais tris

Récemment, j’ai appris ton décès, cher grand-papa. Oui j’étais triste. Triste de te perdre, cher grand-père. Et encore plus triste de ne pas pouvoir aller te voir à tes funérailles à cause de cette pandémie, et aussi parce que moi, je suis éloigné. Éloigné dans une région avec beaucoup de cas malheureusement. Mais je me dois de respecter les directives de notre gouvernement afin de protéger tout le monde. Vraiment bizarre de vivre tes funérailles dans une telle situation. Je sais que je ne suis pas le seul à vivre cette situation ces temps‑ci. Mais nous devons nous adapter malgré notre tristesse.

Les 29 dernières années, on ne s’est pas vus très souvent à cause de ma carrière militaire… Aussi parce que je demeurais dans une région éloignée. Mais quand je faisais une visite en Beauce, j’en profitais pour te visiter à chaque fois.

Par contre, j’ai tellement de beaux souvenirs de mes 20 premières années.

Quand j’étais petit et que tu me voyais, tu disais : « Tiens ! Voilà ma petite face rouillée ! » (parce que j’avais des taches de rousseur plein le visage). Et tu partais à rire et tu me faisais rire, car j’étais heureux de voir mon grand-papa rire.

Je me souviens également de toi qui réparais tes autobus scolaires dehors en plein l’hiver, couché sur un morceau de carton sous l’autobus, sans aucun chauffage. Parfois, tu rentrais à l’intérieur pour te réchauffer quelques minutes. Tu effectuais aussi toutes les réparations dans le restaurant de grand-maman.

Plus tard pendant mon adolescence, tu me racontais tes histoires lorsque tu travaillais dans les camps de bûcherons. Tu me parlais des moulins à scie portables que tu avais. Sans oublier le moulin à scie que tu avais construit toi‑même et dont tu avais fait les plans pour que tout fonctionne. Un essieu était sous le plancher à la pleine longueur du plancher du moulin alimenté par un moteur à vapeur. Il servait à faire tourner toutes les courroies pour les scies, etc. Mais tout cela venait de ta tête. Incroyable, non ?

Je pourrais en dire plus, mais la liste est trop longue pour tout ce que tu as réalisé dans ta vie.

Si j’ai été débrouillard et créatif dans la vie, c’est grâce à toi et à mon père. La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre comme on dit !

Toute ta vie, tu as travaillé très dur, à la sueur de ton front et dans des conditions extrêmement difficiles. Considérant que tu as travaillé dans le froid et couché sur le sol à maintes reprises pendant des années. Vraiment impressionnant que tu aies vécu jusqu’à l’âge de 98 ans !

Tu m’as toujours impressionné cher grand-papa et je m’en souviens encore. Je n’ai pas travaillé aussi dur que toi, mais j’ai été brave et courageux à ma façon.

Cet article pour moi est une façon de te rendre hommage. Je suis honoré de t’avoir eu comme grand-père et tu resteras toujours dans mon cœur et dans celui de ma famille. Mes enfants n’ayant pas eu la chance de connaître un grand-papa dans leur vie, ils ont eu celle d’avoir un arrière-grand-père. À chaque fois qu’on allait te visiter, les enfants étaient contents d’aller voir grand-papou, comme ils disaient.

Maintenant grand-papa, le temps est venu de te reposer après cette vie bien comblée. Tu as tellement travaillé fort que tu le mérites, ce repos. Mais sache que tu seras toujours dans mon cœur et que je ne t’oublierai jamais.

Ta petite face rouillée qui t’aime.

Carl xx

Carl Audet

Laissez-les jouer!

C’est le festival des yeux rougis et des épaules qui tressautent

C’est le festival des yeux rougis et des épaules qui tressautent sous la force des sanglots. Dans une boîte, un corps. Une personne aimée. Adorée. Partie trop jeune. Beaucoup trop jeune.

Il fait froid dans la salle et dans nos cœurs. On ressent le vide immense laissé par cet être cher. On gèle… Plus tard, à la réception, on aura la force de se remémorer quelques anecdotes plus rigolotes. Le son de son rire. Ses rêves d’enfance. Et ceux qu’elle avait pour ses enfants. Devenus orphelins.

Mais pour l’instant, on observe le silence rituel. On chuchote nos condoléances. On entend le voisin se moucher, discrètement. On regarde le plancher parce qu’au moins, lui ne nous fait pas pleurer. L’atmosphère est lourde.

Et puis, il y a ces enfants qui jouent à la cachette entre les chaises. Les plus jeunes qui chevauchent les épaules des plus vieux. Une table avec des cahiers à colorier, quelques collations. Un enfant endormi au creux d’un fauteuil. Il est capable d’oublier ce qui se passe à l’instant, le chanceux… Un bébé qui réclame bruyamment son lait ou sa routine.

Il fut un temps où petits et grands avaient la même obligation lors des cérémonies mortuaires. À genou, debout, chut! Contenance obligatoire. Comme si le deuil faisait vieillir de vingt ans. Mais plus maintenant.

J’ai tellement passé de temps dans les salons funéraires que je m’y sens chez moi. Et chaque fois, je remarque les yeux embués qui s’illuminent quand un enfant reste un enfant. Je remarque la tension qui baisse de quelques échelons dès qu’un jeune parent entre dans la pièce avec son bébé. Je vois les regards soulagés de pouvoir observer les enfants qui jouent au lieu de n’avoir que le cercueil comme seul point de mire. Je vois les sourires au milieu des larmes. À la vue des enfants, on se souvient que la vie continue…

Je n’amènerais pas mes enfants « pour le fun » dans un salon mortuaire ou dans des funérailles, mais je ne m’empêcherai jamais de les y amener pour une personne proche ou s’ils demandent de m’accompagner. Et surtout (dans les limites du raisonnable, bien sûr!), je ne les empêcherai jamais d’être des enfants.

Au salon comme partout, les enfants ont un pouvoir magique : celui de s’ancrer dans le moment présent et de faire sourire les gens.

Nathalie Courcy

Mes bébés aux funérailles

Un cercueil. Plein de personnes qui pleurent. Certaines qui fument l

Un cercueil. Plein de personnes qui pleurent. Certaines qui fument leur millième cigarette sur le bord des escaliers extérieurs pour passer leur stress. Une gang d’ados qui se soutiennent dans leur malaise et leur peine d’avoir perdu leur ami, leur voisin de pupitre. Des bouquets de fleurs trop grands pour la pièce sombre, mais trop petits pour exprimer tout l’amour ressenti pour ce jeune homme qui venait de nous quitter. À l’entrée de la salle, la photo d’un jeune sans rides et sans sourire.

C’était il y a plusieurs années. Mon petit-cousin venait de s’enlever la vie. Il avait presque mon âge. Mon premier amour, mon premier kick. Impossible, pour moi, de ne pas être présente à sa dernière envolée, à son dernier adieu à notre monde terrestre. J’avais accouché de ma fille aînée quelques semaines auparavant. J’allaitais aux deux heures, ma fille était scotchée sur moi jour et nuit, les funérailles avaient lieu à quelques heures de route. Inutile de même penser à faire garder ma cocotte le temps de me rendre à cette réunion de parenté callée par le désespoir d’un des nôtres.

Au salon funéraire, la traditionnelle file de poignées de mains et de quête du mot qui apaise. « Mes condoléances, matante. J’ai vraiment hésité à venir, je ne voulais pas que ma petite dérange… t’sais, un nouveau-né dans des funérailles… »

« Ah ben là! Si tu savais comment je suis contente que tu sois venue et que tu aies amené ta petite poupée avec toi! Elle met de la joie dans la famille. Les événements tristes, il faut les vivre, mais il faut aussi regarder ce qui est beau dans la vie! »

Malgré toute sa peine d’avoir perdu un de ses petits-enfants, cette grand-maman était bien sage. Tout comme mon cousin, le papa de mon petit-cousin décédé : « Merci d’être ici. Tu amènes la vie qui continue. »

Moi qui m’étais demandé comment les personnes présentes réagiraient, j’ai été apaisée par leur apaisement à la vue de ma fille. Pour certains, leur réconfort est passé par un câlin qu’ils ont pu lui donner, par la joie de voir un si petit bébé, par le souvenir recréé de mon petit-cousin qui, dix-neuf ans auparavant, était aussi petit et rempli de vie que ma fille.

Pendant les funérailles, ma fille « jasait ». Elle a assurément dérangé l’assemblée réunie. Mais elle les a dérangés positivement, en déplaçant un peu de leur attention vers le gazouillement d’un enfant qui boit au sein de sa mère (et qui fait son rot bruyamment… quand on a quelques semaines, on n’a rien à cirer de la politesse et de la classe!).

Quelques années plus tard, j’ai amené mon autre fille à des funérailles. En route vers le cimetière, je me suis arrêtée avec elle dans un parc pour qu’elle puisse lâcher son fou. Parce qu’entre vous et moi, c’est beau de leur dire de se tenir tranquilles et de ne pas courir partout, ils sont des enfants et ont besoin qu’on pense à eux! En arrivant au cimetière, ma fille tenait dans sa main un magnifique bouquet de marguerites cueillies innocemment. Elle transportait avec elle la fraîcheur de la vie qui s’épanouit.

La beauté est partout, tout le temps. Surtout dans le cœur d’un enfant.

Nathalie Courcy